Menschen zählen nach einer Abstimmung die Stimmen aus
Lors du dépouillement des urnes, les scrutateurs se contrôlent mutuellement. Le risque de manipulation est donc faible. Mais il n’en va pas de même pour le vote par correspondance.
(Ennio Leanza/Keystone)
Une affaire de fraude électorale présumée secoue le canton de Genève: un fonctionnaire aurait falsifié des résultats. La justice n'a encore pas trouvé de preuves, l'enquête suit son cours. Le monde politique doit enfin faire la lumière sur les pratiques obscures du dépouillement des voix en Suisse, demande un expert.

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A Genève, la démocratie est frappée là où elle est la plus vulnérable: dans la confiance en la correction du déroulement et du dépouillement des scrutins. Jeudi dernier, le site web du journal «20 Minutes» révélait qu’un auxiliaire du Service des votations et élections aurait truqué des bulletins de vote lors de plusieurs scrutins. Information confirmée par le Parquet cantonal.
Ce lundi 13 mai toutefois, le procureur général de Genève Olivier Jornot indique qu’il n’a à ce stade pas trouvé d'indice qu'une fraude électorale ait été commise, mais que l'enquête se poursuit. De nombreuses personnes doivent encore être entendues. Le suspect a été confronté pendant neuf heures à sa principale accusatrice, auxiliaire dans le même service.
Le suspect a été libéré, le Ministère public estimant qu'en l'état, les charges pesant sur lui sont insuffisantes.

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Ce qui paraît sûr en revanche, c’est que si manipulation il y a eu, elle concerne les votes par correspondance. En outre, le président du gouvernement cantonal Antonio Hodgers a assuré que les résultats de la prochaine votation fédérale, le 19 mai (pour laquelle de nombreuses enveloppes électorales sont déjà rentrées) n’étaient pas affectés.

Pas de bases légales

Quoi qu’il en soit, Andreas Glaser, professeur de droit à l’Université de Zurich et co-directeur du Centre pour la démocratie d’Aarau (ZDALien externe), déplore que des cas comme celui de Genève «jettent le doute sur la démocratie». Et pour lui, ce qui est presque aussi grave, c’est que la Suisse, démocratie modèle, n’a pas de bases légales pour qualifier qualitativement et quantitativement le délit de manipulation électorale.
«Le monde politique doit prendre d’urgence des mesures pour faire la lumière sur les zones d’ombre», juge Andreas Glaser. Car selon lui, des cas comme celui de Genève ne seraient «que la pointe de l’iceberg».
Il faudrait des organes de contrôle au niveau des cantons et des communes, estime le professeur, qui voit les plus grandes possibilités techniques de manipulation au niveau des communes. Au niveau fédéral par contre, le risque serait nettement plus faible.

Onde de choc jusqu’à l’étranger

La commodité du vote par correspondance a son prix, dit Andreas Glaser, car les risques de manipulation sont inhérents au système. En effet, les enveloppes sont envoyées des semaines à l’avance et restent ainsi plus longtemps chez les citoyens et dans les bureaux de l’administration.
«J’ai eu la semaine dernière une conférence avec des collègues autrichiens. Ils ont été secoués en voyant les risques de manipulations que présente le vote par correspondance en Suisse», raconte le professeur.
«Dans le fond, le vote par correspondance n’est pas une chose qui va de soi. Mais nous devons absolument faire quelque chose pour préserver ce luxe»

Formation aux meilleures pratiques

Pour Andreas Glaser, il est clair qu’il faut instaurer de meilleures pratiques avec davantage de critères de sécurité. «Par exemple, il faudrait que le principe du contrôle à quatre yeux s’applique à chaque fois que l’on touche à des bulletins de vote. Ce qui serait encore mieux, c’est même d’imposer la présence de plus de deux personnes.»
Autre risque lié au système: le déploiement d’amateurs et de volontaires pour compter les bulletins dans tout le pays les dimanches de votation. «Il faudrait absolument investir davantage dans leur sensibilisation. Par exemple, en les payant pour suivre des cours.»

Les derniers cas de fraude électorale en Suisse

Changement de canton de Moutier, 2017. Une année après la décision populaire de passer du canton de Berne à celui du Jura, la préfète bernoise annule la votation. Raisons invoquées: tourisme électoral, prise de domicile fictives et manquements graves dans l’organisation du scrutin.

Elections cantonales Valais 2017: un homme a été condamné à douze mois de prison pour avoir volé du matériel électoral dans des boîtes aux lettres et déposé ensuite des bulletins falsifiés.

Election à la mairie de Porrentruy, 2012. Deux hommes ont collecté des enveloppes électorales de tiers et rempli les bulletins eux-mêmes. Ils ont été condamnés deux ans plus tard à des amendes. L’élection a été annulée et reconduite en 2013.

Elections fédérales, canton de Berne 2007 / cas Lumengo. Le candidat socialiste a été accusé d’avoir falsifié 47 bulletins de vote. Il a été acquitté par la justice.

Cet article fait partie de #DearDemocracyLien externe, la plateforme de swissinfo.ch pour la démocratie directe. En plus de celles de la rédaction, elle accueille aussi des contributions d’auteurs extérieurs. Leurs positions ne correspondent pas forcément à celles de swissinfo.ch.

(Adaptation de l'allemand: Marc-André Miserez)


Pour information... suite au scandale à Genève