L'oeil des illuminatis qui voit "tout"
ANGLE MORT par Fernand Le Pic
L’ESPION QUI VENAIT DES BANQUES
Un imbroglio politico-juridico-financier helvéto-germanique dont on pourrait tirer une série à rallonges. Nous en livrons, en exclusivité pour les lecteurs d’Antipresse, un bref synopsis, où l’on découvre que les grandes banques entretiennent des services de renseignement internes auxquels les limiers fédéraux n’ont rien à refuser.
Dani (Daniel M…) était un bon flic zurichois. Il commença sa carrière à 21 ans comme policier-patrouilleur. Il démontra des qualités d’enquêteur qui le conduisirent au bout de quelques années vers la brigade chargée de la criminalité organisée. On dit même qu’il alla jusqu’à faire de l’infiltration dans certains réseaux de trafiquants colombiens. Il en garda des amis flics de terrain comme lui, notamment au sein du FBI, en Floride, comme Carlos, Alejandro et Bill.
En octobre 1999, son ancien chef zurichois, Thomas Schwyzer, est embauché par l’UBS comme chef des enquêtes criminelles et informatiques. Pour constituer son équipe, il fait appel à quelques-uns de ses anciens hommes de la Criminelle zurichoise. Parmi eux Dani, bien sûr, qui s’y verra confier la protection et la sécurité personnelle des membres de la direction et du conseil d’administration du groupe au plus haut niveau.
Dani s’épanouit: bond salarial, intimité avec les patrons de la première banque suisse, travail d’équipe dans ce qui est en train de devenir une véritable milice privée de renseignement, puissante et haut de gamme.
L’escouade de Thomas Schwyzer dispose à l’évidence de crédits importants et des «black-cards» UBS qui vont avec. Un sentiment de pleins pouvoirs les habite, notamment pour surveiller et ficher beaucoup de monde: employés mais aussi professionnels externes, journalistes, etc. Une base de données nominative est à leur disposition à cet effet, la fameuse «GTS» (Global Tracking System). Réunis dans leurs discrets bureaux d’arrière-cour de la rue St Annagasse, à Zurich, il leur arrive même de procéder à de véritables interrogatoires de police, lorsque le doute s’installe envers tel ou tel employé soupçonné de fraude ou de fuite.
Or, les fuites deviennent un enjeu majeur depuis qu’un inspecteur fiscal de Rhénanie-du-Nord-Westphalie très zélé et très efficace, le célèbre Peter Beckhoff, a reçu, à la fin des années 1990, la bénédiction de ses supérieurs pour corrompre le plus illégalement du monde des employés de banques et obtenir d’eux des listes d’évadés fiscaux, allemands ou autres, notamment en Suisse.
C’est là que les choses vont basculer pour Dani, notre ancien patrouilleur. Après la trahison d’Heinrich Kieber, cadre modèle de la banque LGT du Lichtenstein, c’est au tour du Crédit Suisse de se faire voler ses fichiers clients pour le compte de Beckhoff. Afin de ne pas se faire repérer, sa taupe au sein du CS, Sina Lapour, les recopiait à la main et les reconstituait en fichiers excel à la maison. Lui et son intermédiaire, l’autrichien Wolfgang Umfogl, qu’il avait l’habitude de retrouver au Banane Fitness Centre à Winterthur, avaient pompé des centaines d’identités avant que la sécurité du groupe, dirigée alors par Christoph Beat Zumstein, s’en aperçût.
Est-ce la raison de son départ pour l’UBS en 2010? Toujours est-il qu’il y débarqua effectivement, comme supérieur hiérarchique de Schwyzer et ne fut pas remplacé au Crédit suisse.
C’est cette même année que Dani quitte l’UBS mais continue de travailler pour elle en indépendant, notamment comme correspondant de la société KDM, basée à Francfort. Cette agence d’investigation privée recycle des agents de renseignement, à l’image de son fondateur Klaus-Dieter Matschke, ancien du Bundesnachrichtendienst (BND). Dani y côtoie notamment Gianpaolo Spinelli, démobilisé de la CIA à la suite de blessures par balles.
Dani aidera l’UBS à repérer des taupes fiscales traitées par Beckhoff. De fait, ce dernier fera l’objet d’un mandat d’arrêt de la part du Ministère public de la Confédération (MPC). Il est vrai que le procureur général Michael Lauber connaissait bien Beckhoff puisqu’il fut directeur de l’Association des banquiers du Liechtenstein au moment du scandale LGT.
Beckhoff a récemment pris sa retraite sans jamais se faire arrêter. En revanche, Sina Lapour fit quelques mois de préventive avant de passer un accord a minima avec le MPC et n’écopa que d’un sursis et d’une bien maigre amende de 3’500 CHF.
Son camarade tyrolien Wlofgang Umfogl eut moins de chance. On le retrouva pendu par un câble de téléviseur dans sa cellule de Berne, le 29 septembre 2010. Il avait tout juste 43 ans. L’enquête conclût bien entendu au suicide, quoiqu’en dise sa famille ou certains complotistes allant jusqu’à évoquer l’idée saugrenue d’une privation contrôlée d’oxygène.
Mais le mal était fait. Les banques suisses furent mises à l’amende par l’Allemagne et l’UBS eût à s’acquitter d’une somme de plus de 360 millions de francs en juillet 2014. Dans une atmosphère de paranoïa aigüe assez compréhensible, c’est dans ce contexte qu’elle en vint à soupçonner Dani. Son hébergement chez KDM ne traduirait-il pas un double jeu au profit de l’Allemagne ou même des Etats-Unis?
Pour en avoir le cœur net, on tentera alors de le piéger en lui offrant à son tour de lui acheter des fichiers. Dani voit ainsi débarquer dans sa vie Wilhelm Dietl, ancien du BND lui aussi, reconverti dans le journalisme après la trahison de son chef August Hanning, qui dévoila sa fonction. Dietl aurait agi en équipe avec un autre ex-collègue célèbre pour ses frasques, Werner Mauss. Dans le montage de cette opération, le nom de l’éminent juriste interne Oliver Bartholet (general counsel wealth management) est cité.
Dietl demande à Dani de lui procurer des listes de clients allemands ayant des comptes chez Gazprom Bank. Il est surpris que ce dernier accepte si vite et lui en fasse livraison si promptement. On se rendra compte tout aussi vite qu’il s’agit de faux grossiers. La raison en est simple, Dani lui-même enquêtait sur son commanditaire. Car, ce que ne savent pas ses anciens camarades de l’UBS, c’est qu’il avait été recruté par le Service de Renseignement de la Confédération (SRC) depuis 2010 pour remonter les filières de dénonciations fiscales. L’infiltration il l’a démontré, ça le connait.
Alors que l’UBS croit tenir sa taupe, Dani, l’homme de confiance, croit tenir son filon. Bartholet informe le procureur de la confédération Carlo Bulletti, qui met sur l’affaire une équipe de pas moins de 50 enquêteurs! Nom de code: «opération Eiswürfel». Il leur faut un flagrant délit et c’est Dietl qui leur montera.
Daniel est finalement arrêté à Zurich en février 2015. Surprise, les limiers de la Fedpol découvrent du matériel du SRC lors des perquisitions et Daniel leur raconte évidemment tout, puisqu’ils sont du même bord. Après tant d’efforts, tout ça pour rien? Au fil des procès-verbaux, ils comprennent que Daniel n’est pas leur homme. Mais ce sont ces PV d’audition de simple police, non couverts par le secret-défense du SRC qui perdront Daniel. Trop de gens y ont eu accès, ils se mettent à circuler notamment dans la presse, dévoilant la vraie fonction de Daniel aux autorités allemandes. L’ayant placé sous surveillance, elles attendront le moment propice pour l’arrêter. Ce sera chose faite le 28 avril 2017. La période des élections est toujours idéale à cet effet, surtout lorsqu’un Martin Schulz est en lice. Une belle occasion pour l’ancien président du Parlement européen de taper sur la Suisse une fois de plus.
Quant à l’UBS, qui s’est tiré une belle balle dans le pied, plus personne n’en parle puisqu’elle a si bien su transmettre le mistigri au MPC. La faute est retombée sur lui et sur la Suisse. Mais c’était sans compter avec les talents du conseiller fédéral Guy Parmelin, qui vient tout juste de signer l’armistice sous forme d’un accord de non-espionnage réciproque entre l’Allemagne et la Suisse…
Source: antipresse