Gaston Bardet et l’expérience mystique
Au cours des années 1980, je correspondis à plusieurs reprises avec Gaston Bardet (1907 1989). Après sa mort en mai 1989, son épouse, Annie, m’envoya sa photographie que je publie donc. Ses livres sur la langue hébraïque et la Kabbale sont complexes et demandent un long développement. Arrêtons-nous sur un autre aspect de son œuvre concernant les observations mystiques. Gaston Bardet traite du sujet en s’inspirant beaucoup du " Château de l’âme" selon Sainte Thérèse d’Avila. Ce château contient sept demeures. Il s’agit de différentes étapes avec des termes bien spécifique tels :"oraison de quiétude""union de volonté", "suspension de l’entendement" et. Tout cela mène à la contemplation divine soit "l’union tranformante". L’originalité profonde de Gaston Bardet est de réaliser des expériences religieuses en laboratoire. Il est architecte de renommée mondiale effectue une carrière internationale. La rigueur de son raisonnement est absolue et il parait a priori absurde de le soupçonner d’illuminisme. En 1953, il revient du Brésil. La France est paralysée par une grève des chemins de fer. Il cherche un logement et dans une auberge et découvre par "hasard" sur une table un article de journal au sujet d’un appareil utilisé à la Clinique Psychothérapique de Salins dans l’Isère. Cet appareil a été conçu par le docteur Alphonse Gay qui est également psychanalyste. Il a pour nom le "gayographe électronique" et a été testé à l’hôpital du Vinatier à Bron.. A l’origine, son invention était destinée à détecter les états psychiques des malades mentaux. Gaston Bardet se rend chez le docteur Alphonse Gay. Leur rencontre permet de nouvelles observations appelées "scopies" sur des mystiques chrétiens en état d’oraison. Un tracé para sinusoïdal apparait sur l’écran d’un tube cathodique. Il est différent de celui relevé dans les syndromes psychiatriques. Le physicien Gay découvre ainsi des "ondes basses" inconnues. Jean Gaston Bardet et Alphonse Gay s’aperçoivent que les sujets observés en état d’oraison, reçoivent une "énergie psychique infusée" dix fois supérieure à la normale. Dans ses ouvrages Gaston Bardet commente de nombreux graphiques avec divers types d’ondulation cérébrale variant selon le rythme de la prière. Il s’agit d’un état vibratoire entrainant une surélévation générale de tous les sens. Une telle observation nous renvoie aux théories de Pierre Janet (1859-1947). Celui-ci fonde son œuvre sur les notions de tension et de forces psychologiques dont l’insuffisance conduit à la psychasthénie, Les états de dépression et d’incomplétude proviennent selon lui d’une insuffisance de dynamisme mental. Le malade doit mobiliser sa vigueur pour combattre les idées subconscientes parasitaires. On observe le phénomène contraire dans l’état mystique. Selon Gaston Bardet, "toutes les cellules du corps sont en fête". Les opérations intellectuelles sont fulgurantes. Dans la dévotion, les sensations physiques sont ineffables. Il s’agit des "grâces de jubilation" avec des répercussions assez étonnantes sur le corps exactement à l’inverse de celles suscitées par la mélancolie. Cet état mystique provient-il à l’inverse d’une phase d’excitation pathologique dite "maniaque" ? C’est une éventualité. Cependant, dans cette hypothèse, l’efficacité pratique est en principe nulle. Notre auteur, a expérimenté les états qu’il décrit. Sa réputation est telle que le cardinal Roncalli, futur Jean XXIII, le prend pour conseiller.
Le célèbre neuropsychiatre Henri Baruk professeur à Charenton a, selon Gaston Bardet, guéri certains de ses patients considérés comme atteints de délire religieux en refusant les traitements barbares de l’époque tels la lobotomie ou les électrochocs.
Considérait-il alors l’expérience expérience mystique comme d’un processus naturel aspirant à venir à maturation ? Le discernement reste difficile entre pathologie et authenticité. Nous en reparlerons
Christian Paul