Bâtons ou planchettes de comptage
Archives du Musée alpin suisse, Berne. © Olivia Bertschinger
En grec, symbolon, le contraire de diabolon, sic
comme instrument de preuve, de nos jours encore
Tally stick, Tesslen.Archives du Musée alpin suisse, Berne. © Olivia Bertschinger
En grec, symbolon, le contraire de diabolon, sic
- latin : tessera, tallia, talea
- allemand (Allemagne) : Kerbstock, Kerbholz
- allemand (Suisse) : Degen, Alpscheit, Tesslen, Tesseln
- allemand (Autriche) : Raitholz, Rechenholz, Robi(t)sch
- anglais : tally stick
- espagnol : talla, tara, tarja
- grec : symbolon
- hongrois : rovás
- italien (Italie) : taglie di contrassegno
- italien (Suisse) : beigli, beile, tessere
- néerlandais : kerfstok
- suédois : karvstock
- russe : Бирка (birka)
L'origine de cette technique remonte à la Préhistoire, et plusieurs exemples nous en sont parvenus : le plus ancien, l'os de Lebombo, est daté de 35 000 ans avant notre ère1,2 ; l'os d'Ishango est sans doute l'exemple le plus connu3.
Au ier siècle, Pline l'Ancien indique quels sont les meilleurs bois à cet usage. Dans son récit, Marco Polo (1254-1324) rapporte que cette technique de comptage est utilisée en Chine. Les bâtons de comptage continuent d'être utilisés au xixe siècle, voire au xxe siècle.
Le bâton de taille partagé est une technique courante dans l'Occident médiéval, très majoritairement illettré et perpétuellement à court d'espèces monétaires, qui permet d'enregistrer un échange ou une dette entre deux personnes qui ne savent pas forcément écrire ou lire. Un bâton ou une planchette, souvent en noisetier, est marqué par un système d'encoches dans toute sa largeur, puis fendu en deux dans le sens de la longueur. Chacune des deux parties à la transaction, souvent un acheteur et un vendeur, emporte une des deux moitiés, qui, portant les mêmes marques, représentent donc le même nombre. Si l'achat se renouvelle, des marques peuvent être ajoutées après que les deux moitiés ont été juxtaposées. Cette technique permet au client de s'assurer de l'exactitude du compte de son fournisseur avant de régler sa dette en comparant l'échantillon resté en sa possession avec la taille du commerçant.
Cet usage se rencontre encore aux xixe et xxe siècles dans les économies rurales6. Les tailles sont employées par les fournisseurs de marchandises au détail pour faire la preuve de ventes successives identiques et donc souvent d'un crédit. Littré indique que l'on peut ainsi prendre à la taille le pain chez le boulanger7. Gionoévoquait en 1932 ce mode de preuve qui se pratiquait encore dans la haute Provence rurale : « On allait avoir la farine de cette moisson et chez qui porter la farine, chez qui avoir son compte de pain, sa taille de bois où l'on payait les kilos d'un simple cran au couteau ? »8.
En France, on appelle taille la partie du bâton qui reste chez le commerçant et contretaille ou échantillon l'autre partie, que conserve l'acheteur9,10,11.
La taille comme instrument de preuve, de nos jours encore[modifier | modifier le code]
Les bâtons de taille sont acceptés dans les cours de justice européennes médiévales et modernes comme preuve d'une transaction : le nombre de coches prouve la quantité des fournitures lorsque les incisions de la taille se rapportent à celles de l'échantillon. La coïncidence entre les deux parties de la latte de bois fait donc foi de la fourniture des marchandises.
L'article 1333 du code Napoléon dispose que « Les tailles corrélatives à leurs échantillons font foi entre les personnes qui sont dans l'usage de constater ainsi les fournitures qu'elles font ou reçoivent en détail. ». Cet article est toujours présent au Code civil français actuel12,13 et au code belge14 ; la jurisprudence montre que ce mode de comptage était encore utilisé et faisait l'objet de contentieux en 188715. L'article 2713 du code civil italien fait également mention de ce procédé de comptage16.
En Grande-Bretagne, le tally stick est notamment utilisé lors de la collecte des taxes locales, et ce jusqu'en 182617. Le système est sophistiqué, avec différentes largeurs d'encoches dénotant différents montants : encoche large comme la main, mille livres ; comme le pouce : cent livres ; comme le petit doigt, vingt livres ; comme un grain d'orge, une livre ; une entaille sans enlèvement de matière, un shilling. Les tallies royaux, qui enregistraient les dettes de la Couronne ont été versées au capital de la Banque d'Angleterre lors de sa fondation à la fin du xviie siècle18.