Réponse AUX BANQUIERS PRIVéS suisses
En Suisse, LES très rares vrais BANQUIERS PRIVéS, qui sont encore «indéfiniment responsables» sur leur fortune privée, ne font normalement pas de création monétaire, contrairement aux banques commerciales.
La Réforme Monnaie Pleine
Catastrophe ou espoir pour la Suisse et le Monde ?
Réponse à M. Jan Langlo, Directeurde l' «Association des banquiers privés suisses», (Bilan, 11 janvier 2016)
Dr Christian GOMEZ, économiste et ancien banquier
Une présentation très « personnelle » de la création monétaire et de ses conséquences
Apparemment, selon l’auteur, les banques reçoivent des dépôts de leurs clients et prêtent neuf fois plus que ce qu’elles ont en dépôts, ce qui serait excellent pour tout le monde d’après lui….. Bien entendu, cette présentation du processus de création monétaire est fausse et résulte de vagues notions mal assimilées (par exemple, ici, le multiplicateur monétaire). En fait, pour un processus de création monétaire dans un système à couverture fractionnaire, la séquence simplifiée serait plutôt : la banque fait un crédit de X en créant ipso facto un dépôt à vue de X et en accroissant ses réserves auprès de la BNS d’une fraction minime de ce dernier à des fins de liquidité. Mais venons-en à l’essentiel, en étant aussi lapidaires que l’auteur mais plus justes… : (1) par cette opération de crédit, la banque crée un pouvoir d’achat nouveau (ex nihilo) , comme un État utilisant « la planche à billets » pour financer ses dépenses ou un « faux-monnayeur » qui répand ses billets contrefaits sur les marchés (Rothbard, Allais), distordant les marchés réels et financiers au profit des bénéficiaires de ce crédit et au détriment des autres ; (2) ce processus est instable à deux niveaux : un crédit (promesse de payer à terme) est contrebalancé par un dépôt (promesse de payer à vue) d’où un risque d’illiquidité; l’alimentation en monnaie de l’économie dépend du crédit, donc de l’envie de l’emprunteur d’emprunter et de la banque de prêter, d’où il résulte une instabilité constante avec des phases d’euphorie et d’abondance ( l’auteur le souligne pour 2008 mais c’est une constante de l’histoire bancaire) suivies de périodes de disette monétaire ; (3) Les banques profitent d’un privilège exorbitant, celui de percevoir des revenus sur des fonds qu’elles créent, expropriant la collectivité d’un pouvoir régalien par excellence, « le pouvoir de battre monnaie » et s’en appropriant les bénéfices.
Face à de tels défauts, la réforme Monnaie Pleine apporte par construction des réponses proposées par les plus grands économistes de l’Histoire : Plus grande neutralité monétaire, prévention des crises systémiques, plus grande stabilité de l’économie et plus grande capacité à mieux la réguler, récupération de la rente monétaire au profit de la collectivité. D’où pourrait donc provenir l’apocalypse pronostiquée par M. Langlo ?
La vision apocalyptique de M. Langlo et les faits.
Dans l’ordre proposé par M. Langlo, la Réforme MP entrainerait : une raréfaction des crédits, des rémunérations négatives sur les dépôts ( ?), une bureaucratie monstrueuse et des coûts supplémentaires (surtout pour les PME bien sûr….), l’établissement d’une caisse unique pour les crédits…et, au milieu de ce fatras : la perte de recette des banques, « la nationalisation des revenus du crédit »… L’horreur ! Bien entendu, tout cela n’est que faribole et billevesée. Avant de s’engager dans cette voie, M. Langlo aurait au moins pu s’enquérir des « libéraux » qui ont proposé et soutenu ce type de réforme (entre autres Fisher, Friedman, Allais…). En fait, pour eux, il s’agissait précisément « d’extirper le cancer monétaire », le mécanisme du crédit bancaire, qui ronge les économies de marché, afin de les rendre plus stables et plus efficaces tout en améliorant l’équité par la suppression des « revenus non gagnés », c'est-à-dire la rente monétaire des banques, n’en déplaise à M. Langlo. Un diagnostic vrai hier et encore plus vrai aujourd’hui. Donc, répondons succinctement aux points relevés, le lecteur intéressé pouvant se reporter aux documents publiés (dont mes réponses) : (1) non, il n’y aura aucun manque de crédit, au démarrage par construction et en régime de croisière puisque la nouvelle monnaie sera injectée ailleurs par la BNS en toute indépendance en fonction des besoins de l’économie (en apportant de nouvelles ressources au budget de l’Etat et des cantons ou par les moyens classiques d’intervention sur les marchés), entrainant une augmentation du revenu et de l’épargne dont une part viendra alimenter les nouveaux crédits ; (2) non, les banques ne créeront plus de monnaie mais elles développeront leur rôle essentiel d’intermédiaire financier pur, collectant et redistribuant l’épargne, comme le font, avec un grand succès souvent, des milliers de non-bank banks à travers le monde en étant souvent plus compétitives que les banques classiques et en rémunérant aux prix du marché leurs prêteurs (dépôts d’épargne, titres, obligations) ; (3) non, la concurrence ne sera pas étouffée mais au contraire magnifiée sans le développement d’aucune bureaucratie que ce soit ; oui, les banques commerciales, en premier lieu l’UBS et le CS, perdront la rente monétaire mais pourquoi ce secteur de l’économie aurait-il droit à un traitement que n’ont pas les autres ? Comme eux, il se contentera des marges faites sur sa matière première, les ressources d’épargne, et ajustera ses salaires et ses bonus en conséquence…..
Circulez, il n’y a plus rien à voir ! : la vision irénique du système financier de M. Langlo et les faits.
Curieusement, après avoir dit pis que pendre du fonctionnement du système MP, qu’il imagine dantesque, M. Langlo se lance dans une dithyrambe sur le système actuel sans s’apercevoir qu’il en dresse en fait le plus terrible des réquisitoires en montrant que, du fait de sa malfaisance intrinsèque, ses coûts de fonctionnement (donc les coûts de l’intermédiation financière en Suisse) vont tendre à devenir prohibitifs : des ratios de capital en forte augmentation , des limites bilancielles sur le leverage, des ratios de liquidité stricts, des procédures de « bail in » qui vont augmenter le prix de toutes les ressources, une surveillance et une réglementation renforcée à tous les niveaux (de ce point de vue, la législation aux Etats-Unis est une espèce de cas-limite : 13789 pages de règles, créées par plus de 10 régulateurs) avec tous les coûts juridiques et de « compliance » qui accompagnent ce genre de folie règlementaire…. Si M. Langlo était objectif, il s’apercevrait que la réforme MP, dans la mesure où, par construction, le risque systémique est éliminé et que le système de paiement de l’économie est protégé, pourrait rendre superflues beaucoup de contraintes de ce dispositif, réduire les exigences de capital et laisser le marché, c’est à dire les citoyens épargnants, faire leur libre choix en fonction du rendement/risque de chaque institution.
Bien sûr, M. Langlo, qui n’est pas économiste, préfère ne pas traiter de l’impasse des politiques monétaires actuelles, de plus en plus risquées, inefficaces et, même, destructrices pour les systèmes productifs, les petits et moyens épargnants, les systèmes de retraite, vu les taux d’intérêt négatifs imposés (taux que, par ailleurs, dit craindre en cas de Réforme MP….). Il vaut mieux en effet ne pas en parler car ce champ de ruine a été provoqué par le système financier dont il se fait le chantre. Encore, un domaine immense dans lequel la réforme MP apporte des réponses d’ensemble d’une envergure exceptionnelle.
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M. Langlo a voulu attaquer bille en tête la réforme monétaire alors que, ès-qualités, rien ne l’y obligeait car les banques privées qu’il représente ne sont en aucun cas touchées par elle. Elles fonctionnent déjà selon la logique MP ! Mais, plutôt que d’amorcer un dialogue utile, même critique, il s’est laissé emporter par des préjugés et des idées a priori alors que ses schémas d’analyse et d’interprétation étaient plus qu’approximatifs. Il en a résulté un article écrit pour faire peur à ses lecteurs, fait d’imprécations plutôt que d’arguments réellement fondés. Pour notre part, nous préférons toucher l’intelligence plutôt que l’instinct primaire et nous savons que les citoyens suisses sauront retrouver le sens de l‘intérêt général de leurs ainés de 1891. Il est impératif de changer radicalement le mode de fonctionnement du système bancaire en lui enlevant son pouvoir de nuisance : son pouvoir de création monétaire !
PS:
Le nom "banquier privé" répond à une définition stricte mentionnée dans la Loi fédérale sur les banques. Le banquier privé revêt la forme juridique de la raison individuelle, de la société en nom collectif ou en commandite. Son statut particulier lui est conféré par la présence en ses rangs d'un ou plusieurs associés assumant une responsabilité illimitée.
En toute logique, ils devraient être pour monnaie-pleine vu qu'ils la pratiquent déjà dans les faits...
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L'article finit par ce magnifique trait d'humour, du moins on souhaiterait qu'il soit cela : "Et si cet idéal était tellement fantastique, il existerait déjà ailleurs." Grand éclat de rire. Hé bien non banane, la Suisse est le seul pays où le peuple, disposant du droit d'initiative, peut émettre une telle idée, contraire, c'est certain, à la volonté des gouvernements en place et des banques qui financent leur élection. Et puis ce Directeur de l'Association de Banques Privées Suisses, forcément cohérent, il ne va pas saborder son navire ..., semble ne pas avoir connaissance du projet islandais, dans un pays où précisément le peuple a "cassé la baraque". |