Le banquier du quai du Mont-Blanc, de Sandrine Warêgne
En 2005, Genève comptait près de 800 entreprises dans le secteur bancaire et près de 21'000 emplois. Aujourd'hui elles ne sont plus que 120, représentant tout de même encore un peu moins de 19'000 emplois. Parmi ces entreprises il y a nombre de banques privées, dont les sept plus importantes sont membres de la mythique ABPS, qui en compte neuf.
Les effectifs du secteur bancaire genevois devraient encore diminuer dans un proche avenir. Car la crise des subprimes de 2008 et la remise en ca
. A l'époque, un crime est en effet commis, quai du Mont-Blanc, dans la très respectable banque privée Sutter & Associés. La victime en est un client russe, Serguei Levitov, ancien diplomate, dont la fortune est colossale.
Serguei Levitov a rendez-vous ce vendredi après-midi avec son gestionnaire de fortune, Régis Bernotti, directeur du team Russie de la banque. Serguei a été installé, en attendant d'être reçu, dans un des salons réservés aux visiteurs, le salon Monaco, et l'huissier de la banque lui a apporté un café pour le faire patienter. Mais, ce café contient du cyanure, breuvage au goût d'amande amère, dont l'absorption a sur lui un effet foudroyant.
A peu près au même moment, Régis Bernotti reçoit dans un salon adjacent, le salon Dubaï, une dame qui n'a pas rendez-vous mais qui s'est montrée très insistante auprès de l'huissier. Cette dame, Béatrice Steinmann, est en fait la seconde épouse (séparée) de Serguei Levitov, qui, selon elle, doit être totalement ruiné suite à la faillite de Lehman Brothers. Elle est venue demander conseil, sans résultat, secret bancaire oblige.
Comme la situation est grave pour la banque, Ariane Steiner, qui se trouvait quelques heures plus tôt à New-York avec son frère Julien, a interrompu ses vacances à la demande de Régis Bernotti. En arrivant au bureau, elle y trouve, sur le départ pour le week-end, Christina Dürig, l'assistante de l'équipe, et Michel Lederer, portfolio manager d'Alexei, le fils de Serguei, dont la fortune est symbolique comparée à celle de son père.
De retour de Saint-Pétersbourg, Ivan Goudounov, directeur de la région de l'Europe de l'Est de Sutter & Asssociés, a dans ses bagages une icône de grande valeur. Il se livre effectivement à un trafic d'oeuvres d'art avec Alexei Levitov, lequel a une galerie d'art à Londres, et, par le biais de son compte bancaire, aide sa belle-mère Béatrice, juive de nationalité américaine, à s'évader fiscalement.
(La loi fédérale suisse fait encore, du moins pour les résidents, qu'ils soient suisses ou non, la distinction entre la soustraction fiscale, qui relève du droit administratif, et la fraude fiscale, qui relève du droit pénal et se caractérise par l'usage de faux)
Ivan passe à la banque en coup de vent, avant de partir en week-end avec sa maîtresse Christina (Dürig), à l'insu de sa femme. A qui il a dit qu'il ne rentrerait de son voyage d'affaires en Russie que le dimanche soir... Il est filmé par les caméras de surveillance à son entrée dans la banque, mais, si l'on en croit les mêmes caméras, il ne semble pas en être ressorti...
Patrick Camino, jeune inspecteur de police, est chargé de l'enquête. Laquelle s'avère difficile même si Régis Bernotti fait rapidement figure de meurtrier idéal, puisqu'il apparaît qu'il a détourné des fonds de Serguei, son plus gros client, et que celui-ci était sur le point de porter plainte contre lui. En bon professionnel il n'écarte pas pour autant de la liste des suspects Ariane, Christina, Béatrice, Michel et Ivan.
Sandrine Warêgne rappelle en passant les règles que doivent observer les banquiers suisses en matière de blanchiment et les formulaires d'ouverture de compte KYC (Know your customer) qu'ils se doivent de remplir, ce que sont les produits structurés et les commissions qu'ils rapportent aux banques, les ratios qu'elles utilisent ROA (Return on assets) ou NNM (Net new money), qui sont les clés de leur performance...
Les personnages de ce roman sont bien de notre époque et bien du milieu bancaire genevois. Vies privées et vies professionnelles y sont assez étroitement mêlées malgré qu'ils en aient. Elles font diversion pour le lecteur impatient de connaître whodunit. Cette habile diversion lui permet en tout cas de prendre son mal en patience. Car il n'apprendra que dans les trois dernières pages qui a commis le crime, qui a eu l'opportunité de le commettre et pourquoi.
Francis Richard
Le banquier du quai du Mont-Blanc, Sandrine Warêgne, 256 pages Éditions Mon Village