Il y a deux semaines, la Grande-Bretagne procédait à la fermeture des compte bancaires de Russia Today (et à la promulgation de « la loi de surveillance la plus extrême jamais passée dans un pays démocratique » selon l’Open Rights Group. Les pressions de l’Allemagne se multiplient pour la mise en place d’un dispositif visant à limiter la circulation de « sources douteuses » via les réseaux sociaux . Débat relancé par les mises en cause des médias de masse contre Facebook, accusé d’avoir contribué à la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine.
La France n’échappe pas à la règle. Laurent Fabius, puis Benoît Hamon - pour ne citer qu’eux - ont également pointé la responsabilité de Facebookdans l’élection de Donald Trump. Les déclarations politiques se sont multipliées pour dénoncer le rôle joué par les réseaux sociaux, et notamment dans l’apparition d’une « démago-politique ». Des déclarations qui font écho à celles de Barack Obama, le 18 novembre dernier, dénonçant un système où « les faits et la vérité n’ont pas d’importance ». Nombreux sont les articles publiés par les médias de masse depuis l’élection de Donald Trump, interrogeant le rôle social de réseaux où les informations ne seraient pas vérifiées et toutes les opinions se valent. Le président de Facebook, Mark Zuckerberg, avait répondu aux nombreuses attaques politiques et médiatiques en déclarant « personnellement, je pense que l’idée que de fausses informations sur Facebook, qui ne représentent qu’une toute petite partie des contenus, aient influencé la présidentielle est une idée assez dingue ».
L’on pourrait être sensible aux tentatives d’introspection critique des médias, des politiques et même des institutions sur la qualité de l’information et le respect des règles de déontologie journalistique. Il pourrait être également utile de réfléchir au rôle joué par les réseaux sociaux dans la diffusion de rumeurs ainsi qu’à la nécessité de trouver une solution à la dégradation générale de la qualité des informations. Mais il s’agit là d’un tout autre phénomène.
Les faits ont largement montré depuis des années, et plus particulièrement durant l’élection présidentielle américaine, ou tout récemment durant la primaire de la droite et du centre, à quel point la production des médias centraux était faussée et orientée. Le discrédit des médias de masse atteint des sommets dans l’ensemble du monde occidental et un récent sondage de l’Institut Piew révélait récemment que moins de 34% des Américains faisaient confiance aux grands médias nationaux. Aude Ancelin, ancienne directrice de la rédaction de L’Obs, dans son livre Le monde Libre (Prix Renaudot), met, quant à elle, directement en cause la servitude médiatique vis à vis des puissances financières. Si le système médiatique occidental est critiqué depuis des années, c’est aujourd’hui sous la pression conjuguée des médias alternatifs, des réseaux sociaux, des médias étrangers (russes, chinois et autres) qu’explose le paysage de l’information. En témoigne le classement publié par Mediapart des sites politiques les plus visités en France et qui révélait que les trois sites politiques les plus fréquentés appartenaient tous à ce que les journalistes appelait la « réinfosphère » (dans l'ordre : Egalité et Réconciliation, Fdesouche et les Moutons enragés), des sites aux positions parfois diamétralement opposées . Aux Etats-Unis, Breitbart, Drudge Reportet Info Wars sont eux aussi en tête des sites politiques le plus consultés. Il en va de même dans la plupart des pays européens. Si certains médias de masse réussissent à tirer leur épingle du jeu, ils se trouvent en permanence sous la pression critique des lecteurs et téléspectateurs. Lorsqu’ils concèdent de l’espace pour rendre compte des informations relativisées ou cachés par leur confrères, ils servent de sources de référence pour des sites de compilation de presse comme Fdesouche.
Les journalistes sont alors largement discrédités, les journaux ne survivent pour une bonne part que grâce aux subventions publiques votées par les politiques et, nous le constatons tous, ont de moins en moins de prise sur les choix politiques mais aussi sociétaux et idéologiques de la population. Et cette perte d’influence des médias de masse contrôlés par l’élite occidentale semble irrémédiable. Elle annonce un basculement de pouvoir majeur dans l’ensemble du monde occidental et le début de la grande guerre de l’information, qui ne finira pas avec l’effondrement de la média-démocratie. L’Union Européenne et les élites politiques nationales, qui doivent leur influence, leur carrière et leur position sociale à ce complexe de pouvoirs, d’argent et d’informations l’ont compris. Ils paniquent, se raidissent, mais sauf à transformer l’Europe en blockhaus, ils ne peuvent plus que compter les jours avant la tempête.
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