C’est le sujet du moment aussi en France et dans le monde. Au cœur de la primaire à gauche, le revenu universel est aussi défendu par certains responsables de droite. Le point sur cette proposition qui transcende les clivages politiques.
http://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/0211661410966-le-revenu-universel-en-dix-questions-2055232.php
Régulièrement, comme une vieille rengaine, le revenu universel - que l'on appelle aussi revenu de base ou encore revenu minimum garanti - s'invite dans le débat public. Cette fois, plusieurs candidats de la primaire à gauche en ont intégré le principe dans leur programme. Un Benoît Hamon et un Arnaud Montebourg, pourtant sur le même créneau politique, allant même jusqu'à en faire leur principale différence.
Régulièrement, comme une vieille rengaine, le revenu universel - que l'on appelle aussi revenu de base ou encore revenu minimum garanti - s'invite dans le débat public. Cette fois, plusieurs candidats de la primaire à gauche en ont intégré le principe dans leur programme. Un Benoît Hamon et un Arnaud Montebourg, pourtant sur le même créneau politique, allant même jusqu'à en faire leur principale différence.
Mais cette mesure s'est aussi retrouvée dans les programmes de certains candidats de la primaire de la droite, ou encore dans les propositions d'un think tank libéral comme Génération Libre. Les Echos font le point sur "ce dernier truc à la mode" - pour reprendre l'expression de François de Rugy, candidat à la primaire de la gauche pour le Parti écologiste - qui transcende les clivages politiques.
De quoi parle-t-on ?
Chaque mois, une somme fixe de plusieurs centaines d'euros est versée à chaque citoyen "quels que soient leurs revenus ou leur situation professionnelle" sans "besoin de justifier une recherche d'emploi ni de travailler en échange", précise la définition du Mouvement pour un revenu de base . Cette somme serait par ailleurs versée dès la naissance de l'individu jusqu'à sa mort. C'est pourquoi on parle de revenu universel et inconditionnel. Il s'agit de lutter contre la grande pauvreté en offrant à chacun suffisamment pour pouvoir subvenir à ses besoins basiques de survie.
D'où vient l'idée ?
On en trouve la première esquisse dans l'Utopie de Thomas More, publiée au début du XVIe siècle. Mais sa première formulation concrète a été avancée durant la Révolution française par le philosophe et député Thomas Paine, en 1795, dans « Justice agraire ». L'originalité du concept est qu'il fait du revenu de base un droit et non plus une charité, au même titre que les droits figurant dans la Déclaration des droits de l'homme, qu'il a défendue avec ferveur. Pour autant, il ne s'agit pas, dans son esprit, de lutter contre les inégalités, comme le prouve cette phrase emblématique de Thomas Paine : "je me fiche que certains soient très riches, du moment que personne n'est devenu pauvre en conséquence".
L'idée est-elle de gauche ou de droite ?
Les deux ! Comme en témoigne la diversité des politiques qui s'en sont emparés. Si, du fait de son caractère social, l'idée paraît faire partie du corpus idéologique de la gauche, on la retrouve tout autant sous la plume de libéraux convaincus, voire de libertariens.
Car ces derniers y voient principalement une manière de simplifier les aides d'Etat, voire de les faire disparaître (et l'Etat providence avec elles), tout en responsabilisant l'individu. Le très libéral Milton Friedman défend ainsi en 1962 un impôt négatif - un montant fixe versé par l'Etat à tout individu dont les revenus sont trop bas - en échange de la suppression des minima sociaux et d'un impôt proportionnel.
Qui le propose aujourd'hui ?
Concrètement, seuls Yannick Jadot (EELV), Benoît Hamon (PS) et Jean-Luc Benhamias (Front démocrate) proposent un « véritable » revenu universel. Mais plusieurs candidats avancent des systèmes qui s'en inspirent. Manuel Valls, qui en a d'abord récupéré l'idée, avance maintenant un « revenu décent », qui se rapproche assez de l'allocation unique défendue par François Fillon.
Ce dernier propose un revenu réservé aux personnes déjà éligibles aux aides sociales et plafonné à 75% du Smic. Mais l'idée avait aussi séduit Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Frédéric Poisson pendant la primaire à droite. Aux élections européennes de 2014, c'est Christine Boutin qui en défendait l'idée. Trois ans plus tôt, Dominique de Villepin s'en était lui aussi emparé.
En 2011, Dominique de Villepin avançait l'idée d'un "revenu citoyen"
Qui en profiterait ?
Selon l'idée de départ, un revenu universel et inconditionnel s'adresse donc à tous, depuis la naissance jusqu'à la mort, sans condition de ressources. Dans les faits, les bénéficiaires varient selon les candidats : pour les puristes, comme Yannick Jadot ou Benoît Hamon, ce serait effectivement le cas. Pour d'autres, Manuel Valls ou François Fillon, il ne concernerait que les plus démunis âgés de plus de 18 ans.
Combien cela coûterait-il ?
Selon la fondation Jean Jaurès , qui a rédigé un rapport sur le sujet en mai dernier, un revenu de base universel et inconditionnel de 500 euros coûterait 336 milliards d'euros à l'Etat, 504 milliards pour 750 euros par mois et 675 milliards pour 1 000 euros, selon les trois scénarios étudiés.
Le chiffrage des candidats séduits par cette idée s'avère moins précis. Jean-Luc Benhamias, du Front démocrate, souhaite verser 800 euros par mois à chacun pour environ 300 milliards par an. Benoît Hamon, qui est à gauche le candidat le plus en pointe sur la question, veut d'abord verser 535 euros (le RSA-socle) puis progressivement monter jusqu'à 750 euros. Le tout pour 300 à 600 milliards d'euros. Manuel Valls, dont le projet s'adresse seulement aux personnes dans le besoin, veut verser 800 à 850 euros pour 30 milliards par an.
En 2014, Christine Boutin défend un "revenu de base"
Comment le financer ?
Il existe autant de méthodes pour le financer que d'économistes qui en défendent l'idée. Sans en privilégier une, le site du mouvement pour le revenu de base recense les principales méthodes existantes, qui vont de l'universalisation et la revalorisation du RSA à la redistribution de la rente pétrolière, en passant par le financement par l'impôt sur le patrimoine ou encore la transformation du mécanisme de la création monétaire.
A droite, c'est principalement la rationalisation du système des allocations qui séduit, accompagnée d'une "flat tax" (un impôt à taux unique), comme ce que proposait Nathalie Kosciusko-Morizet durant la primaire. A gauche, la simplification du système d'aide s'accompagne généralement d'une taxation plus importante sur les hauts revenus et le patrimoine, la lutte contre l'évasion fiscale ou encore la suppression de niches fiscales. Benoît Hamon propose par exemple de taxer le travail des robots.
Les Français en veulent-ils ?
Sur la question, les Français sont partagés. Deux sondages réalisés en mai dernier par BVA et Ifop donnent un avantage aux partisans du revenu de base (respectivement 51% et 60%). Ces enquêtes montrent que les personnes interrogées y sont favorables notamment parce que cela permet de simplifier le système d'allocations. A l'inverse, un sondage réalisé en novembre par Opinion-Way donne un résultat inverse (60% des sondés y sont opposés). A noter que le 5 juin dernier, les Suisses ont nettement rejeté (76,9 %) l'idée lors d'une votation populaire.
Quels sont les principaux arguments pour/contre ?
A droite comme à gauche, la lutte contre la pauvreté et la simplification sont les arguments les plus souvent avancés. Mais suivant le positionnement sur l'échiquier, la philosophie n'est pas la même. Les mouvements les plus à gauche y voient par exemple le moyen de rediriger la force de travail vers les productions locales ou le bénévolat, plutôt que vers les grandes entreprises, les citoyens n'étant plus tenus de travailler pour subvenir à leurs besoins vitaux. Milton Friedman raisonne différemment : pour lui, un revenu universel peu élevé, accompagné de la fin des minima sociaux, permettrait surtout de flexibiliser le marché du travail.
Les détracteurs du revenu de base dénoncent notamment son coût - à l'image d'Arnaud Montebourg qui parle d'un projet "irréalisable" - mais aussi un système qui pousserait à l'assistanat et détruirait la valeur travail - plus personne ne voudrait travailler avec un revenu assuré, sans contrepartie. Dans un autre registre, certains assurent qu'il tirerait les salaires vers le bas ; d'autres soutiennent que ce nouveau dispositif attirerait plus d'immigrés dans l'Hexagone.
Où cela a-t-il été testé ?
Parmi les pionniers, on compte la ville de Dauphin, au Canada. Les plus pauvres de ses 10.000 habitants ont reçu entre 1974 et 1979 une allocation fixe qui a laissé un souvenir positif en terme d'opportunités offertes. Depuis un an, la 4e plus grosse ville des Pays-Bas, Utrecht, verse à 300 citoyens au chômage et bénéficiaires des minimas 900 euros par mois. D'autres villes doivent suivre l'expérience. On compte aussi des expérimentations aux Etats-Unis et en Inde, auprès de populations particulièrement pauvres. Les résultats montrent que ces populations ont fait un usage très pragmatique des sommes qui leur ont été versées, notamment en s'achetant du matériel agricole pour pouvoir cultiver.
Dernier en date, la Finlande teste depuis le premier janvier 2017 le dispositif auprès de 2.000 personnes âgées de 25 à 58 ans et tirés au sort parmi des bénéficiaires des allocations chômage. Ils recevront 560 euros par mois pendant deux ans. Même s'ils retrouvent du travail entre temps, ils continueront à recevoir cette allocation alors qu'actuellement à partir de 400 euros de revenu, ils sont privés de l'allocation chômage. Il s'agit de tester l'incitation au travail d'un tel dispositif.