Gabriel Garcia-Moreno,
Président catholique de l'Equateur
Gabriel GARCIA-MORENO (1821-1875)
PRESIDENT CATHOLIQUE de la REPUBIQUE DE L'EQUATEUR
Gabriel GARCIA-MORENO naquit la veille de Noël de l’an 1821, à Guayaquil, port principal de l’Equateur. Il était le huitième et dernier enfant d’une famille jadis opulente que les révolutions successives avaient réduit à la pauvreté.
C’était un enfant peureux que tout épouvanté : l’orage, les ténèbres, la vue d’un cadavre… Son père réussit partiellement à le guérir de ses terreurs en l’obligeant tout jeune encore à en affronter les causes, dans une ville livrée aux horreurs, violences et dangers quotidiens. Il surmonta si bien ce handicap que, plus tard, il abordera les situations les plus dramatiques avec un sang froid et un courage devant lesquels ses pires ennemis durent s’incliner.
Un charitable religieux ayant remarqué l’intelligence et les dons exceptionnels de cet enfant pauvre, s’intéressa à lui. Il commença son éducation puis le confia à deux dames sans fortune qui l’accueillirent chez elles, à Quito, la capitale du pays, afin qu’il put y poursuivre ses études à l’université. Il avait quinze ans et trouvait chez ces dames un foyer où le logement et la nourriture lui étaient offerts généreusement. Le jeune garçon reconnaissant, mena sous leur toit une vie austère, toute consacrée au travail, obtenant de si brillants résultats qu’ils attirèrent sur lui l’attention générale.
D’une piété profonde, le jeune homme songea un moment à se consacrer à Dieu, mais il comprit vite qu’il était fait pour le combat. En attendant, l’étude était pour lui une véritable passion et son unique distraction, chaque matière nouvelle le reposant de la précédente. Il apprit ainsi les langues : le français, l’anglais, l’italien, qu’il parlait avec aisance. De toutes les disciplines abordées, ses préférences allaient vers les mathématiques et la chimie. Cette passion pour l’étude lui faisait limiter par trop son temps de sommeil et il fit une grave névrose qui lui imposa un long temps de repos.
A la faveur de ces loisirs forcés, il fit la connaissance des salons qui s’ouvrirent tout grands devant ce beau jeune homme de 20 ans au visage régulier éclairé de grands yeux noirs, doué d’esprit et de qualités de cœur. Le renom de ses succès universitaires éclatants l’avait précédé. Recherché, fêté, flatté, il se prit à aimer les mondanités. Lorsqu’il en eût conscience, pour couper court à la tentation, il se rasa la tête et s’enferma à nouveau avec ses livres. Au bout de six semaines il reparut, mais il avait perdu définitivement le goût des frivolités. A 23 ans, le métier d’avocat ne le retint pas et il s’orienta vers la politique.
On était en 1839 et le général Florès avait été élu premier président de la jeune république équatorienne pour un mandat de 4 ans. La situation lui plut et il tourna donc la constitution afin de prolonger de huit ans des pouvoirs quasi absolus, appliquant une politique anticléricale et absolument arbitraire aboutissant à une révolution qui le chassa du pays. Garcia-Moreno qui s’était engagé dans la lutte n’eut pas longtemps à se réjouir de ce succès car son successeur, Roca, profita de sa situation pour s’enrichir au détriment de ses administrés. Indigné, Garcia-Moreno fonda le journal « Le Fouet » pour dénoncer tous les scandales du gouvernement. Or, trois mois n’étaient pas écoulés que la menace d’une invasion espagnole conduite par Florès interrompit la publication, remplacée par « Le Vengeur » destiné à informer le pays du danger, y intéresser anglais et américains qui s’interposèrent, évitant un conflit.
Les luttes d’influences ne tardèrent pas à se manifester à Guayaquil, la mettant à feu et à sang. Roca désemparé, fit appel à Garcia-Moreno. Malgré qu’il fut malade à ce moment, il n’hésita pas à arriver pour trouver une foule en délire à laquelle il sut si bien s’imposer que huit jours lui suffirent pour ramener l’ordre et le calme. Il refusa toute rétribution afin de garder les mains libres, sachant qu’il lui faudrait attaquer ce gouvernement corrompu sans tarder. Il avait 26 ans.
Le journal « Le Fouet » fut remplacé par « Le Diable » dont la virulence ne corrigea pas les maîtres du jour et eut peu d’impact sur le peuple. Voyant ses efforts à sauver le pays inutiles, Garcia-Moreno quitta l’Equateur et pendant six mois, parcourut l’Angleterre, la France et l’Allemagne, tirant comme conclusion à ses observations qu’une nation sans religion oscille entre l’anarchie et la dictature. Il s’était promis de renoncer désormais à la politique, mais les circonstances en décidèrent autrement avec la rencontre qu’il fit de religieux jésuites expulsés de la Nouvelle Grenade sous régime maçonnique intolérant. Garcia-Moreno retrouvant sa pugnacité proposa aux exilés de les mener à Quito d’où leur Ordre avait été chassé depuis près d’un siècle et où leur enseignement serait bien utile. Cette initiative était audacieuse or, la Convention accueillit les religieux avec chaleur et la ville, avec enthousiasme.
La franc-maçonnerie ne tarda pas à partir en guerre contre ces jésuites. Garcia-Moreno les défendit, sachant qu’après eux, c’était l’Eglise qu’ils viseraient, puis les prêtres, et enfin, tous les catholiques. Son énergique intervention ramena un calme momentané car, en 1851, un coup d’état porta à la présidence, Urbina, l’homme de toutes les traîtrises, inaugurant son mandat par la terreur et l’expulsion des jésuites.
Garcia-Moreno entama donc une campagne de presse virulente contre le dictateur avec « La Nation » dont le premier numéro lui attira les menaces du nouveau président auxquelles Garcia-Moreno répondit :
- « J’avais déjà de nombreux motifs de poursuivre mon action ; j’en ai maintenant un de plus, celui de ne pas me déshonorer en cédant à des menaces. »
La parution du n°2 lui valut un arrêté d’expulsion mais, échappant à ses gardiens, il rentra secrètement à Quito. Faute de moyens, il dût cependant s’expatrier. Quelques semaines plus tard, les électeurs de Guayaquil le nommaient sénateur et, à l’ouverture du congrès, il était présent. Bien que son nouveau titre l’ait rendu inviolable, Urbina se plaçant au-dessus des lois le fit déporter au Pérou, sur la plage déserte de Payta où il demeura 18 mois avec pour toute compagnie la lecture et l’étude. A la fin de cette période, il partit pour Paris, s’installa au quartier latin d’où il approfondit ses connaissances en chimie. Il avait 33 ans et les circonstances le ramenaient à une ardente pratique religieuse qu’il ne devait plus abandonner.
En Equateur cependant, le mandat d’Urbina dont celui-ci avait profité pour persécuter l’Eglise, opprimer le peuple et dilapider l’argent des contribuables, se terminait. Dès son accession, son successeur, Roblez, rouvrit le pays aux exilés et, en 1856, après deux ans passés à Paris, Garcia-Moreno rentrait en Equateur où, à peine arrivé, il fut nommé recteur de l’université de Quito. Son activité et ses compétences lui permirent de créer une faculté des sciences où il donnait lui-même les cours de chimie tout en réorganisant l’enseignement.
La politique pour Garcia-Moreno finissait toujours par reprendre ses droits et, en raison de l’approche des élections, il lançait « l’Union Nationale » pour tenter de regrouper les opposants au gouvernement. Malgré la majorité obtenue par l’opposition, on vit Urbina venir épauler Roblez. Selon son habitude, Garcia-Moreno refusa de se dérober et, entouré des tueurs qui n’attendaient qu’un signe pour agir, sans le moindre mouvement d’émotion, Garcia-Moreno parla avec une telle force et une telle éloquence que les « tauras » (assassins) déconcertés, sortirent en tremblant alors que lui-même était ramené chez lui en triomphe.
La situation n’en fut pas pour autant clarifiée, Urbina et Roblez s’étant attribué tous les pouvoirs. Une période de violence inouïe obligea Garcia-Moreno à se réfugier précipitamment au Pérou laissant derrière lui un pays en effervescence, proclamant la déchéance de Roblez et un gouvernement provisoire dont lui-même était nommé le chef. Accourant, il lança un nouveau journal dont le titre annonçait le but : « A bas les tyrans » ; mais ces tyrans disposaient d’une armée et non le gouvernement provisoire.
C'est alors que Franco, gouverneur de Guayaquil, éliminait le président en poste et, pour se donner une apparence de légalité, se présenta seul aux électeurs, obtenant 161 voix alors que 160 voix allaient spontanément à Garcia-Moreno qui ne s’était pourtant pas présenté, l’infime majorité obtenue par Franco se situant uniquement dans sa province et non dans le pays.
Garcia-Moreno le voyant pactiser avec l’ennemi péruvien, s’occupa de recruter et de former une armée, de créer et de diriger une fabrique d’armes et de poudre, d’administrer les affaires et de tenter une activité prodigieuse et toujours sous la menace d’un assassinat. Un jour, d’ailleurs, il fut assailli par une troupe soudoyée par Franco pour l’éliminer. Poursuivi à travers les défilés montagneux, dans la forêt tropicale, cet homme extraordinaire franchit des escarpements réputés impraticables avec une rapidité qui découragea ses poursuivants. Arrivé enfin à Riobamba parmi des troupes fidèles, il éprouvait un urgent besoin de repos et dormait d’un profond sommeil lorsqu’il fut brutalement tiré par une révolte de la garnison. Un officier vint insolemment lui réclamer sa démission :
- « Jamais ! » répondit-il et devant l’attitude menaçante de son interlocuteur :
- « Vous pouvez briser ma vie, mais aucun d’entre vous n’est assez fort pour briser ma volonté ! »
Les insurgés le jetèrent donc en prison.
Un ami lui envoya son serviteur, lui conseillant de s’évader par la fenêtre, un cheval scellé étant tenu à sa disposition :
- « Dites à votre maître, répondit-il, que je sortirai par la porte comme j’y suis entré. »
Et il tint parole.
Au garde préposé à sa surveillance, il demanda :
« A qui as-tu fait serment de fidélité ? »
« Au chef de l’Etat. »
« Eh bien, le chef légitime de l’Etat, c’est moi. Tes officiers sont des parjures. N’as-tu pas honte de leur prêter main forte et de trahir ainsi ton Dieu et ton pays ? »
Le soldat effrayé, tombant à genoux, demanda grâce.
« Je te ferai grâce si tu veux m’obéir et faire ton devoir. »
Quelques instants après, le prisonnier libéré galopait, bride abattue, retrouver 14 fidèles avec lesquels il retournait à la caserne de Riobamba où les mutins étaient ivres ou endormis. Leurs meneurs appréhendés furent immédiatement jugés sur la place publique. Constatant cependant la disparition de plusieurs compagnies, avec sa mince escorte renforcée de quelques braves, la nuit suivante, il se lançait à la poursuite des fuyards qu’il neutralisa dans le désordre et la confusion causés par la surprise de sa venue, nul n’ayant imaginé le si petit nombre des assaillants. Ainsi, grâce à son audace, à son sang froid et à un courage invincible, il avait, une fois encore, rétabli l’ordre.
Le nouveau chef du gouvernement allait avoir besoin de son inébranlable énergie car, en novembre 1859, Franco venait d’ouvrir les frontières du pays à 6 000 péruviens auxquels il était prêt à céder une partie du pays en échange de leur aide contre Garcia-Moreno.
La situation était si grave que celui-ci en fut effrayé, songeant même, un moment, à solliciter le protectorat de la France. La démarche n’ayant pas abouti, il prépara le pays à la défense. Par son énergie et un sens aigu de la stratégie, Garcia-Moreno, contournant des forces largement supérieures, les mit en fuite ne laissant plus que Guayaquil à Franco, lequel proposait le démembrement du pays au Pérou, toujours en échange de son aide militaire.
La position de Guayaquil paraissait imprenable or, Garcia-Moreno simulant une attaque d’un côté, fit passer de nuit son armée entière avec ses canons, par des marais inextricables, réputés impénétrables. La surprise totale assura la victoire aux assaillants et Franco s’enfuit sur un navire péruvien. C’était le 24 septembre 1860, en la fête de N.D. de la Merci. Le pays était sauvé contre toute attente et Garcia-Moreno plaça l’armée sous la protection de N.D. de la Merci, le gouvernement et elle, devant désormais fêter solennellement cet anniversaire.
Depuis 15 ans, Garcia-Moreno combattait sans relâche contre les factions qui déchiraient le pays. A 39 ans, il en était devenu le chef incontesté ; il fut élu à l’unanimité président de la République. Tout était à faire maintenant dans un pays dévasté et ruiné. Sa première décision fut de refuser la moitié du traitement qui lui était attribué, l’autre moitié étant réservée intégralement aux bonnes œuvres, vivant lui-même sur ses modestes revenus personnels.
L’armée dût se plier à une stricte discipline, inconnue jusqu’alors. Sans attendre, un concordat fut conclu avec Rome, consacrant l’indépendance de l’Eglise. La religion catholique devenait la religion de l’Etat à l’exclusion de toute autre, lui donnant toute autorité dans le secteur de l’enseignement. A ce stade, les sociétés secrètes se déchaînèrent contre le nouveau président, orchestrées par la presse américaine.
De l’étranger, Urbina intriguait pour renverser le pouvoir, trouvant, en Nouvelle Grenade, l’appui du président Mosquera, ennemi acharné de l’Eglise, qui rêvait de conquérir l’Equateur et le Venezuela à son profit. Le 15 août, il annonça son intention de remplacer « l’oppression théocratique » par les doctrines radicales.
Il fallait donc recourir à nouveau à la force, mais l’armée était divisée. Trahie par des officiers, elle fut défaite et, cette fois encore, Garcia-Moreno se trouvait dans une situation angoissante. Dans une proclamation au peuple, il lui rendit courage et, contre toute attente, une nouvelle armée put s’opposer aux ambitions de Mosquera qui, en dépit de toutes ses tentatives, dût renoncer à s’emparer de l’Equateur.
La guerre était terminée mais Garcia-Moreno, toujours en difficulté avec des éléments hostiles, envoya sa démission. Tout le pays, y compris ses adversaires effrayés, l’assurèrent de leur adhésion à toute sa politique pour éviter de le voir abandonner la direction du pays qui sembla donc s’acheminer enfin vers le calme. Voyant l’échec de leurs entreprises de déstabilisation, les francs-maçons ne virent plus que la solution de l’assassinat. Ils trouvèrent des traîtres : le général Maldonado et l’aide de camp de Garcia-Moreno qui, averti à la dernière minute, échappa à la mort.
Urbina, pendant ce temps, avait conclu un accord avec le Pérou, introduisant une troupe de pirates dans une province de l’Equateur pendant que des vaisseaux péruviens débarquaient des troupes sur différents points de la côte. Dans ce moment critique, le général Maldonado qui s’était enfui, fut pris. Garcia-Moreno le fit immédiatement fusiller sur la grande place, intimidant par cette mesure les partisans d’Urbina. Les péruviens se retiraient ; les tentatives du Pérou avaient échoué. Le pays était à nouveau sauvé grâce à l’extraordinaire force de caractère de Garcia-Moreno dont l’autorité se trouvait renforcée. Il n’était cependant pas au bout de ses peines car les révolutionnaires furieux, arraisonnèrent par surprise l’unique bateau de guerre de l’Equateur.
Garcia-Moreno, à ce moment-là était malade et au repos forcé. Cependant, à l’annonce de cette nouvelle, il partit immédiatement en pleine nuit pour Quito, en dépit de ses difficultés de santé. De Quito, il prit la direction de Guayaquil qu’il atteignit en trois jours, à marche forcée, à travers une région montagneuse, inextricable, dépourvue de voie de communication. Il arriva en pleine nuit, surprenant un conseil municipal urbiniste hostile. Le voyant, un employé affolé, fit irruption dans la salle du conseil en criant : « Garcia-Moreno ». La foudre n’aurait pas produit plus d’effet sur cette assemblée qui s’enfuit précipitamment s’enfermer chacun chez soi. Telle était l’aura de cet homme que, seul et désarmé, son nom suffisait à mettre ses ennemis en fuite. Le calme était revenu comme par enchantement dans la ville.
Puis on vit ce que peut faire la volonté et l’esprit de décision d’un homme d’une telle valeur : louant « le Talca », un vapeur anglais, Garcia-Moreno l’arma puis, au capitaine qui refusait de remplacer le drapeau anglais par celui de l’Equateur, il le ramena à l’obéissance en lui disant avec un regard terrible :
« Je vais vous faire fusiller sur le champ et votre drapeau vous servira de linceul ! »
Précédé d’un petit vapeur qui servait d’éclaireur au « Talca », Garcia-Moreno partit pour une nouvelle expédition maritime d’une hardiesse folle, avec seulement 250 soldats déterminés, dont nul ne pensait qu’il reviendrait vivant.
Le lendemain, le « Talca » retrouvait les trois vaisseaux ennemis dont les capitaines dînaient joyeusement. La goélette fondit comme l’éclair sur le premier qui sombra sous le choc. Le reste de la flotte, prise au dépourvu tombait entre les mains de Garcia-Moreno. C’était une déconfiture totale de l’adversaire et, dès lors, Urbina cessa de s’attaquer à une personnalité de cette trempe.
Parti de Quito assez gravement malade, Garcia-Moreno y revenait guéri pour y être reçu en triomphe ; mais il désirait abandonner un pouvoir épuisant, maintenant qu’il avait écarté successivement de l’Equateur tous ses ennemis. Il nomma Carion pour le remplacer. Le nouveau président manquant d’énergie, laissa l’opposition reprendre pied dans le pays dont Garcia-Moreno avait été éloigné avec une mission diplomatique au Chili. Ses ennemis pensaient qu’on pourrait lui interdire son retour et trouver, sur place, des tueurs à gages. De fait, débarquant à Lima, Viteri, parent d’Urbina tira sur lui à bout portant, le blessant légèrement. Garcia-Moreno, avec sa rapidité de réaction habituelle, s’élançant sur lui, déviait la troisième balle. La franc-maçonnerie acquitta immédiatement son agresseur, cherchant par contre le moyen de le condamner sans cependant y parvenir.
Sa mission accomplie et le pouvoir ne l’ayant pas enrichi, l’ex-président dût travailler, rejoignant son frère dans une branche commerciale, à Guayaquil. Le mandat de Carion fut un échec complet. Garcia-Moreno réussit à le convaincre de se démettre en faveur du scrupuleux Espinosa qui fut tout aussi incapable de diriger fermement le pays. Attristé de ne pouvoir trouver un homme énergique, Garcia-Moreno se retira à la campagne où sa santé avait bien besoin de se rétablir que tant de luttes avaient ébranlé. Veuf de sa première femme, il avait épousé l’une de ses nièces, Mariana de Alcazar qui vivait dans l’angoisse en raison des menaces permanentes qui pesaient sur son mari. Le ménage s’était retiré dans la province d’Harra, loin de la vie publique, dans une propriété agricole que Garcia-Moreno avait résolu d’exploiter lui-même.
Après un an de retraite, il refusa de se présenter à l’élection présidentielle ainsi qu’on le pressait de le faire. Cet homme exceptionnel s’estimait incapable de gouverner convenablement son pays mais lorsqu’un partisan d’Urbina se présenta, il sortit subitement de son isolement pour lui barrer la route. Le résultat fut immédiat : le candidat adverse se retira devant cet homme si fort. Les révolutionnaires ourdirent une nouvelle fois de le faire assassiner…
A Guayaquil, la situation était redevenue explosive. Garcia-Moreno y partait sans délai avec une poignée d’amis, mais c’est seul qu’il se présentait, de nuit à la caserne .
« Qui vive » ! cria la sentinelle.
« Garcia-Moreno. »
Le soldat qui l’avait acclamé bien des fois se troubla, lui demandant ce qu’il voulait à pareille heure.
- « Je veux sauver la religion et la patrie. Tu me connais ; laisses-moi passer. »
Et la sentinelle de crier :
- « Vive Garcia-Moreno » !
En un instant, toute la caserne retentissait du même cri, répercuté quelques heures après dans toute la ville.
Les projets d’Urbina étaient déjoués et Garcia-Moreno recevait le titre de président intérimaire, annonçant en même temps qu’une fois l’ordre rétabli, il quitterait le pouvoir. Ni les pressions, ni supplications ne le firent revenir sur cette décision. Son beau-frère, Manuel Ascabuti fut ainsi élu à la présidence à titre provisoire, avec une convention nouvelle, élaborée par Garcia-Moreno, commençant ainsi :
« Au nom de la Sainte Trinité, au nom de Dieu, Auteur, Conservateur et Législateur de l’univers… »
L’Eglise recevait la protection officielle du pouvoir temporel. L’Etat se proclamait catholique, seule religion du pays, tout membre d’une société secrète était déchu de ses droits de citoyen. La pression populaire en faveur de Garcia-Moreno fut si forte et unanime que, malgré son opposition, il fut contraint d’accepter sa nomination à la présidence. Le 30 juillet 1869, il prêtait donc serment, y ajoutant :
« Si je tiens parole, que Dieu soit mon aide et ma défense ! Sinon, que Dieu et la patrie soient mes juges. »
L’insurrection muselée n’avait plus que le poignard pour agir. Un complot fut découvert dont les protagonistes furent condamnés à mort. L’un deux, Cornejo, vint supplier Garcia-Moreno avec tant de pleurs et de cris, qu’ému par sa jeunesse et un repentir apparent si violent que le nouveau président le gracia. Or, à peine libéré, il passa la frontière, se répandant en pamphlets odieux contre lui. Instruit par ces faits, à une occasion suivante, Garcia-Moreno répondit par une sévère leçon aux pétitions en faveur des conjurés :
« Quand on reste sourd aux cris des victimes, on perd le droit d’invoquer la clémence en faveur des assassins. »
Dès ce moment, un calme, inconnu du pays depuis tant d’années s’y établit, permettant enfin à Garcia-Moreno la réalisation de son vaste et ambitieux programme. Il put également mettre en application le souhait de sainte Thérèse qui disait :
Oh ! Si les chefs d’Etat faisaient une demi-heure d’oraison chaque jour, que la face de la terre serait renouvelée » !
C’est bien ce qu’il fit : en dépit d’un programme de travail quotidien accablant qui aurait pu occuper plusieurs personnes, il se réservait une demi-heure chaque matin pour réfléchir sur ses devoirs, méditer le plus souvent sur un passage de l’Evangile, puis il entendait la messe. De même, il visitait chaque jour les malades de l’hôpital de la ville où il se trouvait, se préoccupant des soins qu’ils recevaient et de leur nourriture. A un malade qui trouvait à redire sur l’ordinaire, il fit la réponse suivante :
« Mon ami, je ne suis pas si bien servi que vous, moi, le président de la République. »
Il resta, effectivement, sa vie durant, d’une sobriété extrême, s’abstenant habituellement de vin.
Un jour, trouvant de nombreux malades couchés par terre sur des nattes, il s’en étonnait auprès du gouverneur de la province qui l’accompagnait, lequel invoqua le manque de ressources :
« Cela ne vous empêche pas de dormir confortablement, vous qui êtes bien portant, alors que ceux-ci qui souffrent doivent coucher par terre. »
Le gouverneur promit que le nécessaire serait fait dans quelques semaines.
« Dans quelques semaines ! s’écria Garcia-Moreno. Ils n’ont pas le temps d’attendre. Vous coucherez ici, ce soir, à côté d’eux, sur une natte et il en sera ainsi jusqu’à ce que vous ayez procuré un lit à chacun d’eux. »
Avant la fin du jour, le gouverneur avait résolu le problème.
Au début de sa première présidence, sa femme essaya de le persuader d’offrir un grand banquet aux diplomates et aux ministres. Il prétexta de la modicité de ses ressources.
« Qu’à cela ne tienne. Voici 500 piastres sur ma fortune personnelle. Allez donc et faites dignement les choses. »
A son retour, elle lui demanda si la somme avait suffi ?
« Parfaitement, répondit-il en riant. Je l’ai portée à l’hôpital où l’on a fait un magnifique festin en notre honneur. J’ai pensé qu’un bon dîner ferait plus de bien aux malades qu’aux diplomates. »
Un autre jour, on le vit arriver à l’improviste chez les lépreux, s’asseoir à leur table pour juger lui-même de quelle manière ils étaient servis. Jugeant l’ordinaire insuffisant, il le fit améliorer. Autant on le vit intraitable sur des sanctions qui lui paraissaient nécessaires, autant les humbles trouvaient toujours en lui un défenseur. Un jour, une pauvre veuve vint en pleurant, se plaindre qu’un homme riche lui avait extorqué 10 000 piastres.
« Donnez 10 000 piastres à cette femme », dit-il à son trésorier"
« Et qui les remboursera » ? demanda ce dernier."
« Le voleur. Inscrivez la somme à son compte. »
Il se préoccupa du sort des indiens, spoliés par des usuriers auxquels il faisait confisquer la chose prise, avant de les expulser du pays. La charité de cet homme s’étendait à tous les secteurs dont les prisonniers n’étaient pas exclus. En tout, il agissait en parfait chrétien, disant :
« Puisque nous avons le bonheur d’être catholiques, soyons-le logiquement et franchement, dans la vie publique comme dans la vie privée.
En six ans, Garcia-Moreno transforma l’Equateur de fond en comble.
Il commença par rendre l’école gratuite et obligatoire dans le primaire avec des enseignants catholiques. Il fit venir de France des jésuites qu’il chargea d’ouvrir des collèges pour les garçons des classes favorisées ; les dames du Sacré-Cœur étant chargées d’une tâche similaire pour les filles. A Quito, une école professionnelle formait des ouvriers qualifiés. Une faculté des sciences s’ouvrit à Quito ainsi qu’une faculté de médecine, une académie des Beaux-Arts, un observatoire pour les études astronomiques.
Le président réussit à donner à ce peuple inculte, le goût de l’étude.
Sur le plan du réseau routier, à son arrivée, l’Equateur était un véritable chaos de montagnes et de précipices entrecoupés de torrents, au milieu d’une végétation tropicale luxuriante et inextricable sans la moindre route or, après 10 ans d’efforts, d’énormes ponts et viaducs permettaient l’inauguration d’une route nationale reliant Quito à Guayaquil et à la mer. Quatre autres grandes voies de communication au nord et au sud, ouvraient au pays de riches perspectives au commerce et à la libre circulation.
Garcia-Moreno avait trouvé le trésor vide et un pays aux abois. Or, des travaux considérables dans tous les secteurs, loin d’avoir endetté le pays, grâce à une gestion méticuleuse, prudente et équilibrée, ennemie acharnée du gaspillage, était devenu florissant. Garcia-Moreno avait élevé le traitement des agents de l’Etat d’un tiers, sauf le sien, diminué de moitié. Le commerce connaissait une merveilleuse extension ; les revenus de l’Etat avaient doublé en trois ans.
Conscient de l’influence salutaire de la religion, Garcia-Moreno encourageait son extension, nommait des aumôniers dans les casernes pour l’instruction des soldats, envoyait des missionnaires chez les indiens, demandait que des curés s’installent dans les villes et les campagnes.
Il surveillait étroitement le fonctionnement des services publics, n’hésitant pas à réprimer les abus ou complaisances coupables. Une si haute moralité s’instaura dans tout le pays que la prison neuve resta inoccupée. Il n’avait pas fallu plus de six ans, durée d’un mandat pour que la valeur exceptionnelle d’un tel homme obtint tous ces résultats. Tout le peuple le vénérait, conscient de l’immense travail accompli.
En 1873 avait eu lieu la consécration officielle de cette jeune république au Sacré-Cœur dont la conséquence immédiate fut la condamnation à mort du président par la franc-maçonnerie des loges d’Allemagne dans ses assemblées secrètes, décision chaleureusement accueillie par les loges d’Amérique. Lima avait réuni des franc-maçons du Pérou, du Chili, de la Colombie et de l’Equateur qui n’avaient pu empêcher son élection. Une campagne de presse calomnieuse de leur fait n’ayant pas obtenu de meilleurs résultats, l’assassinat fut choisi, n’étant un secret pour personne. Garcia-Moreno en était informé de différents côtés. Sans s’émouvoir, il répondait :
"Je crains Dieu mais Dieu seul », rajoutant :
« Je pardonne de bon cœur à mes ennemis. Je leur ferai du bien si je les connaissais et si j’en avais l’occasion. »
Il ajoutait encore qu’il était content d’être détesté et calomnié à cause de Dieu et le serait plus encore s’il lui était accordé la grâce de verser son sang pour Celui qui, étant Dieu, avait voulu verser le sien pour nous sur la croix .Le pressentiment du drame l’emplissait cependant d’une profonde tristesse. A un ami en partance pour l’Europe, il lui disait en l’embrassant :
« Nous ne nous reverrons plus, je le sens, c’est notre dernier adieu », puis se détournant pour cacher ses larmes, il répéta :
« Adieu, nous ne nous reverrons plus. »
Quelques mois plus tard, il confirmait ses pressentiments à ce même ami auquel il écrivait :
« Je vais être assassiné. Je suis heureux de mourir pour ma foi. Nous nous reverrons au ciel. »
Son mandat venait d’être renouvelé pour six autres. Le 5 août 1875, il fut pressé de prendre des précautions :
« Les ennemis de Dieu et de l’Eglise peuvent me tuer, répondait-il. Dieu ne meurt pas. »
Le soir même, on le prévint que l’attenta était programmé pour le lendemain. Il ne modifia rien de son programme quotidien très chargé puis, passa une partie de la nuit en prières.
Le lendemain, 6 août, était à la fois le jour de la Transfiguration et premier vendredi du mois. Dès six heures du matin, selon son habitude, il se dirigeait vers l’église saint Dominique pour assister à la messe et recevoir la sainte communion. Les groupes des conjurés l’épiaient sur la place, mais ils n’osèrent rien faire à ce moment. A 13 heures, passant devant la cathédrale, Garcia-Moreno y entra pour une adoration avant de se rendre au palais du gouvernement. Comme il s’y attardait, l’un des conjurés vint lui dire qu’on désirait lui parler au palais pour une affaire pressante ; il sortit donc. Arrivé à l’entrée du palais, Rayo qui le suivait le frappa d’un énorme coutelas, suivi aussitôt des coups portés par ses comparses, armes blanches et révolver. Rayo acheva le moribond en criant :
« Meurs, bourreau de la liberté ! »
" Dieu ne meurt pas ! » furent les dernières paroles de Garcia-Moreno.
La foule accourue, avait entouré Rayo, lui faisant payer immédiatement son crime. Ses poches étaient bourrées des chèques du Pérou. La franc-maçonnerie s’était montré généreuse, comptant qu’une révolution renverserait le gouvernement abhorré pour acclamer les « libérateurs ». IL n’en fut rien et tout le peuple vint de tout le pays, rendre un dernier hommage au vénéré martyr. Beaucoup pleurait amèrement, disant : « Nous avons perdu notre père. Il a donné son sang pour nous. »
Une heure avant de tomber sous les coups des tueurs, voici le message que Garcia-Moreno avait rédigé :
« J’achève dans quelques jours la période du mandat qui m’a été confié en 1869. La république a joui de six années de repos et, durant ces six années, elle a marché résolument dans la voie du progrès sous la protection visible de la Providence. Bien plus grands eussent été les résultats obtenus si j’avais possédé pour la gouverner les qualités qui me manquent malheureusement ou, si pour faire le bien, il suffisait de le désirer avec ardeur.
« Si j’ai commis des fautes, je vous en demande pardon mille et mille fois, et ce pardon, je le demande avec des larmes très sincères, à mes compatriotes, les priant de croire que ma volonté n’a jamais cessé de poursuivre leur bien. Si, au contraire, vous croyez que j’ai réussi en quelque chose, attribuez-en d’abord le mérite à Dieu et à l’Immaculée, dispensatrice de tous les trésors de sa miséricorde, puis à vous-même, au peuple, à l’armée et à tous ceux qui, dans les différentes branches du gouvernement, m’ont aidé avec tant d’intelligence et de fidélité, à remplir mes difficiles fonctions. »
Ces lignes reflétaient bien la hauteur humaine, morale et spirituelles de cet homme exceptionnel, et de façon providentielle laissait un témoignage de son passage et un message exemplaire aux générations qui allaient se succéder.
L’Equateur fit ériger une statue de marbre le représentant, sur son mausolée où fut gravée l’expression de l’amour et de la reconnaissance du pays.
G.T. - Toulouse, d’après le R.P. BERTHE
Un mausolée est à Guayaquil et un autre à Quito
L’avertissement du président équatorien
« L’Europe endettée reproduit nos erreurs »
Lors d’une conférence à la Sorbonne le 6 novembre dernier, le président équatorien Rafael Correa a interpellé ses homologues européens sur leur gestion de la crise de la dette. Celle-ci serait caractérisée par une seule obsession : garantir les intérêts de la finance. Il livre ici une synthèse de sa réflexion.
Nous, Latino-Américains, sommes experts en crises. Non parce que nous serions plus intelligents que les autres, mais parce que nous les avons toutes subies. Et nous les avons terriblement mal gérées, car nous n’avions qu’une seule priorité : défendre les intérêts du capital, quitte à plonger la région dans une longue crise de la dette. Aujourd’hui, nous observons avec préoccupation l’Europe prendre à son tour le même chemin.
Dans les années 1970, les pays latino-américains sont entrés dans une situation d’endettement extérieur intensif. L’histoire officielle affirme que cette situation a résulté des politiques menées par des gouvernements « irresponsables » et des déséquilibres accumulés en raison du modèle de développement adopté par le sous-continent après la guerre : la création d’une industrie susceptible de produire localement les produits importés, ou « industrialisation par substitution des importations ».
Cet endettement intensif a, dans les faits, été promu — et même imposé — par les organismes financiers internationaux. Leur prétendue logique voulait que, grâce au financement de projets à haute rentabilité, qui abondaient à l’époque dans les pays du tiers-monde, on parviendrait au développement, tandis que le rendement de ces investissements permettrait de rembourser les dettes contractées.
Cela dura jusqu’au 13 août 1982, quand le Mexique se déclara dans l’incapacité de rembourser les échéances. Dès lors, toute l’Amérique latine dut souffrir de la suspension des prêts internationaux, en même temps que de l’augmentation brutale des taux d’intérêt de sa dette. Des emprunts qui avaient été contractés à 4 % ou 6 %, mais avec des taux variables, ont soudain atteint 20 %. Mark Twain disait : « Un banquier est quelqu’un qui vous prête un parapluie quand il fait grand soleil et qui vous le reprend dès qu’il commence à pleuvoir… »
Ainsi a débuté notre crise de la dette. Durant la décennie 1980, l’Amérique latine a opéré vers ses créanciers un transfert de ressources net de 195 milliards de dollars (près de 554 milliards de dollars en valeur actuelle). Dans le même temps, la dette extérieure de la région passait pourtant de 223 milliards de dollars en 1980 à… 443 milliards de dollars en 1991 ! Non pas à cause de nouveaux crédits, mais du fait du refinancement et de l’accumulation des intérêts.
De fait, le sous-continent a vu s’achever la décennie 1980 avec les mêmes niveaux de revenu par habitant qu’au milieu des années 1970. On parle d’une « décennie perdue » pour le développement. En réalité, perdue, c’est toute une génération qui le fut.
Bien que les responsabilités aient été partagées, les pays dominants, les bureaucraties internationales comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement (BID), ainsi que les banques privées internationales, bien entendu, ont résumé la difficulté à un problème de surendettement des Etats (overborrowing). Jamais ils n’ont assumé leur propre responsabilité dans l’octroi déraisonnable de crédits (overlending), sa contrepartie.
Les sévères crises budgétaires et d’endettement extérieur générées par le transfert net de ressources de l’Amérique latine vers ses créanciers ont conduit bon nombre de pays de la région à rédiger des « lettres d’intention » dictées par le FMI. Ces accords contraignants permettaient d’obtenir des prêts de la part de cet organisme, ainsi que sa caution dans la renégociation des dettes bilatérales avec les pays créanciers, réunis au sein du Club de Paris.
Carence de dirigeants et d’idées
Les programmes d’ajustement structurel et de stabilisation ont imposé les recettes de toujours : austérité budgétaire, augmentation du prix des services publics, privatisations, etc. Autant de mesures à travers lesquelles on ne cherchait pas à sortir au plus vite de la crise, ni à doper la croissance ou l’emploi, mais à garantir le remboursement des créances des banques privées. En fin de compte, les pays concernés étaient toujours endettés, non plus auprès de ces établissements, mais auprès des organismes financiers internationaux, lesquels protégeaient les intérêts des banques.
Au début des années 1980, un nouveau modèle de développement a commencé à s’imposer en Amérique latine et dans le monde : le néolibéralisme. Ce nouveau consensus sur la stratégie de développement a été surnommé « consensus de Washington », ses principaux concepteurs et promoteurs étant les organismes financiers multilatéraux dont le siège était à Washington. Selon la logique en vogue, la crise en Amérique latine était due à une intervention excessive de l’Etat dans l’économie, à l’absence d’un système adéquat de prix libres et à l’éloignement des marchés internationaux — étant entendu que ces caractéristiques découlaient du modèle latino-américain d’industrialisation par substitution des importations.
Conséquence d’une campagne de marketing idéologique sans précédent maquillée en recherche scientifique, ainsi que des pressions directes exercées par le FMI et la Banque mondiale, la région est passée d’un extrême à l’autre : de la méfiance envers le marché et de la confiance excessive en l’Etat au libre-échange, à la dérégulation et aux privatisations.
La crise n’a pas été seulement économique ; elle a résulté d’une carence de dirigeants et d’idées. Nous avons eu peur de penser par nous-mêmes et nous avons accepté de façon aussi passive qu’absurde les diktats étrangers.
La description de la crise qu’a traversée l’Equateur
(lire « Equateur, 1998 ») sera sans doute familière à bien des Européens. L’Union européenne souffre d’un endettement produit et aggravé par le fondamentalisme néolibéral. Tout en respectant la souveraineté et l’indépendance de chaque région du monde, nous sommes surpris de constater que l’Europe, pourtant si éclairée, répète en tout point les erreurs commises hier par l’Amérique latine.
Les banques européennes ont prêté à la Grèce en prétendant ne pas voir que son déficit budgétaire était près de trois fois supérieur à celui déclaré par l’Etat. Se pose à nouveau le problème d’un surendettement dont on omet d’évoquer la contrepartie : l’excès de crédit. Comme si le capital financier n’avait jamais la moindre part de responsabilité.
De 2010 à 2012, le chômage a atteint des niveaux alarmants en Europe. Entre 2009 et 2012, le Portugal, l’Italie, la Grèce, l’Irlande et l’Espagne ont réduit leurs dépenses budgétaires de 6,4 % en moyenne, nuisant ainsi gravement aux services de santé et d’éducation. On justifie cette politique par une pénurie de ressources ; mais des sommes considérables ont été dégagées pour renflouer le secteur financier. Au Portugal, en Grèce et en Irlande, les montants de ce sauvetage bancaire dépassent le total des salaires annuels.
Tandis que la crise frappe durement les peuples européens, on continue de leur imposer les recettes qui ont échoué partout dans le monde.
Prenons l’exemple de Chypre. Comme toujours, le problème commence avec la déréglementation du secteur financier. En 2012, sa mauvaise gestion devient intenable. Les banques chypriotes, la Banque de Chypre et la Laiki Bank en particulier, avaient octroyé à la Grèce des prêts privés pour un montant supérieur au produit intérieur brut (PIB) chypriote. En avril 2013, la « troïka » — FMI, Banque centrale européenne (BCE) et Commission européenne — propose un « sauvetage » de 10 milliards d’euros. Elle le conditionne à un programme d’ajustement qui inclut la réduction du secteur public, la suppression du système de retraite par répartition pour les nouveaux fonctionnaires, la privatisation des entreprises publiques stratégiques, des mesures d’ajustement budgétaire jusqu’à 2018, la limitation des dépenses sociales et la création d’un « fonds de sauvetage financier » dont l’objectif est de soutenir les banques et de résoudre leurs problèmes, en plus du gel des dépôts supérieurs à 100 000 euros.
Nul ne doute que des réformes soient nécessaires, ni qu’il faille corriger de graves erreurs, y compris originelles : l’Union européenne a intégré des pays avec des différentiels de productivité très importants que les salaires nationaux ne reflétaient pas. Reste que, pour l’essentiel, les politiques menées ne cherchent pas à sortir de la crise au moindre coût pour les citoyens européens, mais à garantir le paiement de la dette aux banques privées.
Nous avons évoqué des pays endettés. Qu’en est-il des particuliers incapables de rembourser leurs créances ? Prenons le cas de l’Espagne. Le manque de régulation et l’accès trop facile à l’argent des banques espagnoles ont généré une immense quantité de crédits hypothécaires, lesquels ont galvanisé la spéculation immobilière. Les banques elles-mêmes cherchaient les clients, estimaient le prix de leur logement et leur prêtaient toujours davantage pour l’achat d’une voiture, de mobilier, d’électroménager, etc.
Quand éclate la bulle immobilière, l’emprunteur de bonne foi ne peut plus rembourser son emprunt : il n’a plus d’emploi. On lui prend son logement, mais celui-ci vaut beaucoup moins que quand il l’a acheté. Sa famille se retrouve à la rue et endettée à vie. En 2012, on a recensé chaque jour plus de deux cents expulsions, ce qui explique une grande partie des suicides en Espagne…
Une question se pose : pourquoi ne recourt-on pas à des remèdes qui semblent évidents, et pourquoi répète-t-on toujours le scénario du pire ? Parce que le problème n’est pas technique, mais politique. Il est déterminé par un rapport de forces. Qui dirige nos sociétés ? Les humains ou le capital ?
Le tort le plus grand qu’on ait fait à l’économie, c’est de l’avoir soustraite à sa nature originelle d’économie politique. On nous a fait croire que tout était technique ; on a déguisé l’idéologie en science, et, en nous encourageant à faire abstraction des rapports de forces au sein d’une société, on nous a tous placés au service des pouvoirs dominants, de ce que j’appelle l’« empire du capital ».
La stratégie de l’endettement intensif qui a engendré la crise de la dette latino-américaine ne visait pas à aider nos pays à se développer. Elle obéissait à l’urgence de placer les excès d’argent qui inondaient les marchés financiers du « premier monde », les pétrodollars que les pays arabes producteurs de pétrole avaient placés dans les banques des pays développés. Ces liquidités provenaient de la hausse des prix du pétrole consécutive à la guerre d’octobre 1973, ces prix ayant été maintenus à des niveaux élevés par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Entre 1975 et 1980, les dépôts dans les banques internationales sont passés de 82 milliards de dollars à 440 milliards (1 226 milliards de dollars actuels).
Devant la nécessité de placer des quantités d’argent si importantes, le tiers-monde a suscité l’intérêt. Ainsi a-t-on commencé, à partir de 1975, à voir défiler les banquiers internationaux désireux de placer toutes sortes de crédits — y compris pour financer les dépenses courantes et l’acquisition d’armes par les dictatures militaires qui gouvernaient de nombreux Etats. Ces banquiers zélés, qui n’étaient jamais venus dans la région, même en touristes, ont également apporté de grosses valises de pots-de-vin destinées à des fonctionnaires afin de leur faire accepter de nouveaux prêts, quel qu’en fût le prétexte. Dans le même temps, les organismes financiers internationaux et les agences de développement ont continué de vendre l’idée selon laquelle la solution, c’était de s’endetter.
Une idéologie déguisée en science
Si l’indépendance des banques centrales sert, dans les faits, à garantir la continuité du système quel que soit le verdict des urnes, elle a été imposée comme une nécessité « technique » au début des années 1990, justifiée par de prétendues études empiriques démontrant qu’un tel dispositif générait de meilleures performances macroéconomiques. Selon ces « recherches », les banques centrales indépendantes pouvaient agir de façon « technique », loin des pressions politiques pernicieuses. Avec un argument aussi absurde, il faudrait également rendre autonome le ministère des finances, puisque la politique budgétaire devrait, elle aussi, être purement « technique ». Comme l’a suggéré Ronald Coase, lauréat du prix de la Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, les résultats de ces études s’expliquaient : on avait torturé les données jusqu’à ce qu’elles disent ce qu’on voulait leur faire dire.
Dans la période qui a précédé la crise, les banques centrales autonomes se sont consacrées exclusivement à maintenir la stabilité monétaire, c’est-à-dire à contrôler l’inflation, en dépit du fait que des banques centrales avaient joué un rôle fondamental dans le développement de pays comme le Japon ou la Corée du Sud. Jusque dans les années 1970, l’objectif fondamental de la Réserve fédérale américaine était de favoriser la création d’emplois et la croissance économique ; c’est seulement avec les pressions inflationnistes du début des années 1970 que l’objectif de promouvoir la stabilité des prix a été ajouté au lot.
La priorité donnée à la stabilisation des prix signifie également, en pratique, l’abandon des politiques visant à maintenir le plein emploi des ressources dans l’économie. Au point qu’au lieu d’atténuer les épisodes de récession et de chômage, la politique budgétaire, en comprimant sans cesse les dépenses, les aggrave.
Les banques centrales dites « indépendantes » qui se soucient uniquement de stabilité monétaire font partie du problème, pas de la solution. Elles sont l’un des facteurs qui empêchent l’Europe de sortir de la crise plus rapidement.
Les capacités européennes sont pourtant intactes. Vous disposez de tout : le talent humain, les ressources productives, la technologie. Je crois qu’il faut tirer de cela des conclusions fortes : il s’agit ici d’un problème de coordination sociale, c’est-à-dire de politique économique de la demande, ou comme on voudra l’appeler. En revanche, les relations de pouvoir à l’intérieur de vos pays et au niveau international sont toutes favorables au capital, notamment financier, raison pour laquelle les politiques appliquées sont contraires à ce qui serait socialement souhaitable.
Matraqués par la prétendue science économique et par les bureaucraties internationales, nombre de citoyens sont convaincus qu’« il n’y a pas d’alternative ». Ils se trompent.
Rafael Correa
Président de la République de l’Equateur, docteur en économie. Auteur de l’ouvrage Equateur. De la république bananière à la non-république, Utopia, Paris, 2013.
34 commentaires
Revenu de base ou salaire à vie ? | Politique & Société Actuelle | Scoop.it
bzzzz
Damien Vasse
C’est tout à fait ce que j’avais ressenti en me frottant au Salaire de Vie : un prolongement du productivisme et un processus très, trop directif. Les modalités de l’évaluation de la qualification restent floues, le système me semble mener à une injuste prime à la vieillesse et dans le même temps à une « minorité » (minorisation (sic) ?) des jeunes adultes. Un modèle à tendance gérontocratique donc.
Également, vous avez tout à fait raison en soulignant qu’il est dommage de dresser les uns contre les autres sous prétexte qu’ils auraient abusé. Cela ne ferait que relancer un cercle vicieux qui mènerait à terme à la destruction, la déconstruction du SdV par ceux qui se sont senti ou se sentiront encore lésés.
Néanmoins, nos objectifs ne sont pas antagonistes, seulement divergents. Ce qui nous permet de faire un bout de chemin ensemble
Yvan Perez
Ces interprétations laissent involontairement mais malheureusement penser que le salaire à vie c’est « tout le monde à l’usine, tous fonctionnaires, et le couteau entre les dents » .
Soyons sérieux, évitons ce genre d’extrapolations, et essayons donc d’y voir plus clair…
La production n’est donc pas forcément marchande. Elle peut aussi être non-marchande, et même être extrêmement vertueuse. Comme le dit si bien Bernard Friot en peu de mots : « un retraité produit plus de lien social que de kilomètres d’autoroute » , exprimant par cela le fait qu’être libéré du marché du travail, donc de l’emploi, chacun est alors libre (économiquement) de produire ce qu’il veut sans contrainte… que ce soit marchand, quand on produit des tomates qu’on peut vendre sur un marché, ou non-marchand quand on produit de l’avenir en élevant ses enfants ou ses petits-enfants. On pourra toujours participer à la fabrication de choses inutiles et polluantes si on le désire, mais nous serions surement très peu à vouloir le faire. Et si nous avions le choix, on ne produirait certainement pas tout-et-n’importe-quoi aussi bêtement. Mais sous la contrainte de l’emploi, nous n’avons pas ce choix puisque nous avons besoin d’un salaire qui nous reconnait en tant que producteur, afin d’être intégré dans la société tissée par l’économie qui lie le corps social. Nous sommes même contraints au point de ne plus nous indigner, massivement, face à l’obsolescence programmée qui s’est généralisée.
Plus nous cherchons le plein emploi, plus nous allons vers lui, et pire c’est !
Notons au passage que l’emploi, ce n’est pas le travail. C’est l’exploitation du travail dans le but d’en tirer profit (d’en tirer un revenu). Si on parle de plein travail ou de pleine activité, là nous sommes tous d’accord je pense : on aime se sentir utile, être productif, on aime créer ou collaborer à un projet. Mais c’est justement l’emploi qui nous empêche de travailler librement et de nous exprimer, nous obligeant à être de dociles « demandeurs d’emploi » , de vulgaires « ressources humaines » sur un marché (du travail) où l’investisseur/employeur [*] s’impose en « offreur d’emploi ». Il est alors seul décideur de ce que nous allons produire et de la façon dont on va le produire, en réclamant toujours plus de « flexibilité » pour que l’on se plie à ses décisions. Et nous ne pouvons pas nous opposer à ces choix, même si nous les trouvons souvent absurdes. Ainsi nous produisons, sans vraiment le vouloir, des choses parfois inutiles ou de plus en plus fragiles et dans des conditions que nous ne maîtrisons absolument pas. A moins de créer une coopérative où tout le monde peut intervenir dans les décisions, où chacun est maître de son outil de travail (que ce soit une machine, un bureau ou un véhicule). Ceci étant dit, il est difficile d’imaginer les grandes entreprises (comme la SNCF par exemple) se transformer en scop demain. Il y a donc encore tellement de choses à inventer, à faire évoluer dans ces domaines, et c’est bien ça qui est encourageant.
Produire de la valeur économique hors de l’emploi.
Les salariés dans la santé publique sont aussi des producteurs de valeur à travers les soins, faisant à leur tour gonfler le PIB et la masse monétaire, sans que cela soit considéré comme une marchandisation de la santé (ou des soignants qui en vivent). A l’instar des retraités donc, les infirmiers produisent de la valeur économique, depuis que ce ne sont plus les religieuses qui le font par vocation. Et comme les retraités, ou n’importe quel autre salarié, ils participent par conséquent au PIB, et leur activité n’est pas nocive je crois.
En revanche, quand on tient seulement compte des marchandises (biens et services) dans la production de valeur, on en arrive vite à penser qu’en augmentant le PIB, ça ne fera qu’empirer les choses. Nous imaginons trop facilement que la valeur ajoutée représente la marchandise créée, puisque la production non marchande ne rentre dans aucun chiffre d’affaires, ce qui la rend totalement invisible. Mais en fait, quand on y regarde de plus près,augmenter le PIB et la masse monétaire n’est pas absurde en terme d’écologie, au contraire même, comme nous le prouve la santé, la justice, la retraite, etc… qui augmentent bien le PIB sans pour autant produire de la saloperie. Et à chaque fois que nous reconnaissons toujours plus de valeur d’usage et de production non marchande dans la valeur économique, nous augmentons la part de la valeur ajoutée qui est produite et dépensée par les salarié-e-s (qui sont les seuls producteurs de cette valeur) tout en marginalisant la part qui va dans les poches des propriétaires lucratifs (c’est à dire du capital) qui ne produisent rien à part de l’injustice sociale, et le désordre établi.
C’est un long débat, une profonde discussion sur la définition de la valeur, sur la reconnaissance de nos activités (la valeur d’usage) comme valeur économique. Ce qui ne veut pas dire « tout marchandiser ». Lorsqu’un retraité touche sa pension chaque mois, nous ne considérons pas spécialement cela comme une marchandisation de sa personne ou de son temps… il est d’ailleurs libre de faire ce qu’il veut, puisqu’il est payé sans condition, et donc libre de définir lui-même là où il place la reconnaissance de cette valeur (selon ce qu’il fera de ses journées, selon ce qu’il produira, qu’il fasse pousser des tomates ou qu’il transmette ses connaissances quand il apprend la vie à son petit-fils). Lorsque nous reconnaissons les retraités en tant que producteurs, nous ne leur attribuons pas un salaire en échange d’une création de marchandises au sein de l’appareil de production. Nous leur attribuons un « salaire à vie » qui leur assure justement la liberté de ne pas avoir à se soumettre au marché du travail. Et il n’y a aucune raison de voir en cela une marchandisation de l’individu ou de son temps libre.
Donc, augmenter le PIB en reconnaissant comme valeur économique ce que nous produisons au quotidien, en reconnaissant nos moindres activités comme utiles et productrices de valeur ajoutée, nous n’encourageons pas spécialement la société de (sur)production dans laquelle nous sommes de nos jours. Au contraire même, on se libérera de cette aliénation. L’erreur ici est de définir la production exclusivement comme une production de marchandises. Or, les soins et les retraites (et même les chômeurs ou les fonctionnaires) sont producteurs de valeur économique (et ce n’est pas, comme on le croit et comme on le répète, une ponction sur le travail des autres par souci de solidarité).
Tout cela est étroitement lié au fonctionnement de la création monétaire, qu’il faut bien évidemment arracher des mains des privés. Mais je ne m’étendrais pas sur le sujet ici, on n’en finirait plus sinon.
Ensuite, sur la qualification, il est écrit dans l’article :
« une qualification qui est fonction de l’appareil de production »
Là encore, le terme « production » ne tient compte que de la production marchande, dans le cadre de l’emploi… mais c’est un malentendu.
Et pour en revenir aux retraité-e-s, le montant de leur pension est défini à partir de leurs meilleurs salaires sur les 25 dernières années travaillées, des salaires eux-mêmes définis en fonction de la qualification. Ils touchent donc un salaire à vie, attribué seulement à partir de 60 ans, mais rien ne nous empêche de penser qu’on pourrait l’attribuer dés 18 ans, ou bien avant même, avec une « qualification de base » inaliénable et attribuée sans condition. Cette qualification minimum serait alors accordée pour le simple fait d’exister parmi les autres au sein du même tissu social, économique et politique.
Il faut bien entendu (re)définir démocratiquement la façon dont on attribue les qualifications, étendre les critères et les secteurs d’activités. L’aptitude à pouvoir gérer une équipe, ou une comptabilité, sont par exemple des critères de qualification intéressants. Tout cela est déjà en débat permanent au sein des syndicats, des entreprises et de certains organismes sociaux, notamment avec les conventions collectives. La plupart des qualifications aujourd’hui, ainsi que les salaires qui valorisent toutes ces qualifications, paraissent tout à fait légitimes aux yeux de la population je crois. Il est donc dommage de buter sur cela pour renier la qualification personnelle et le « salaire à vie » qui lui serait adossé. On peut par contre surement revoir l’écart entre les plus bas et les plus hauts salaires, de la même façon qu’on pourrait revoir les critères qui définissent une qualification. Tout ça se discute déjà dans les conventions, et depuis bien longtemps. Ce sont des débats qui ont déjà lieu, et ils continueront d’avoir lieu… salaire à vie ou pas, revenu de base ou pas.
En somme, la qualification n’est pas (forcément) fonction de l’appareil de production, il y a bien d’autres critères qui jouent ou qui pourraient jouer, et il ne tient qu’à nous de faire évoluer tout cela. Mais dans le capitalisme, dans l’emploi, c’est le poste de travail qui est qualifié, pas la personne. Nous sommes ignorés en tant que qualifiés alors qu’on ne perd pas sa qualification en quittant son poste de travail. Malheureusement pour nous, nos années d’études et/ou notre expérience professionnelle ne valent plus rien quand nous perdons notre emploi. Ce qui engendre d’ailleurs un certain chantage à l’embauche… alors que nous pourrions tous être reconnus comme qualifiés (et bénéficiaires du salaire qui correspond à notre qualification) avec un droit politique inaliénable qu’on obtiendrait à l’âge de la majorité économique. Une majorité qui n’est pas forcément liée à la majorité politique. On peut très bien l’accorder avant 18 ans, et pourquoi pas dés la naissance même… si c’est le choix du plus grand nombre. C’est à nous tous d’en décider démocratiquement, c’est un vrai choix de société (comme le droit de vote) !
Enfin, on peut faire remarquer que tout ce qui est avancé en faveur du revenu de base ne remet pas en cause le salaire à vie, qui a les mêmes ambitions :
– en finir avec le chantage à l’emploi (le RdB ne le propose que partiellement)
– déconnecter la population de cette aliénation à la surproduction marchande
– libérer les gens pour leur permettre de faire ce qui leur semble utile
– décider seuls de ce qu’on produit, comment on le produit, etc…
On observe néanmoins que le Réseau pour un Revenu de Base reste flou dans ses revendications (en terme de financement par exemple, aucun consensus n’existe encore) alors que le salaire à vie existe déjà, et un peu partout en Europe, pas que chez nous.
Un des point discutable dans ce qui sépare ces deux visions d’un revenu garanti, c’est la majorité économique. Elle est une sorte de condition pour le salaire à vie : être apte à gérer son argent seul, être libre acteur de l’économie (un enfant de 5 ans le peut-il ?). Par contre, rien ne nous force à établir cette majorité à 18 ans, on peut l’imaginer dés 14 ans, ou à la naissance. Le Réseau Salariat ne veut rien imposer, il ne fait que suggérer. Et sur tous ces sujets, nous invitons tout le monde à s’impliquer dans ce genre de réflexions et travaux d’étude. Définir une majorité économique, l’âge à partir duquel on accorde le droit (politique) d’être reconnu dans la société en tant que producteur autonome (et donc détenteur d’un revenu/salaire inconditionnel), nous devrons le faire collectivement et démocratiquement, bien évidemment… de la même manière que nous définissons collectivement, à travers les institutions qui nous servent de « démocratie » pour le moment, la majorité politique à 18 ans.
On peut très bien penser que la « qualification de base » c’est d’être Humain et vivant, accordant alors cette qualification dés la naissance, avec un salaire (progressif jusqu’à la majorité peut-être ?) versé aux parents. Quelque soit la vision du revenu garanti qu’on défend, personne n’a vraiment le même avis sur tous ces sujets. Le Réseau Salariat n’a pas la prétention de proposer une solution clé en main, et tout cela est aussi en débat au sein de l’association. Nous mettons seulement sur la table une lecture de l’économie (et du PIB) qui permet de s’emparer du subversif qui est sous nos yeux : la salaire à vie par la cotisation, et l’investissement sans l’accumulation financière. A l’inverse, le Réseau pour un Revenu de Base ne propose rien de vraiment concret pour la mise en place d’un revenu inconditionnel. Il y a des tas de débats, il existe de tas de solutions différentes, mais nous ne sommes même pas d’accord sur le montant du revenu, alors sur la façon de le financer, il y a encore du boulot.
Désolé pour cet interminable commentaire, ça aurait mérité un billet. Mais je voulais vraiment repasser sur tous ces termes qui remettent inévitablement en cause l’objectivité de la critique quand ils sont mal utilisés.
La qualification d’un infirmier n’est nullement attribuée en fonction de sa capacité à produire de la marchandise, et c’est pareil pour un juge, qui produit exclusivement du non-marchand. Cette production n’est donc soumise à aucune profitabilité. Du retraité qui fait pousser des fleurs ou qui est conseiller municipal, jusqu’aux magistrats, en passant par l’école publique et l’hôpital… tout cela produit de la valeur économique, reconnue comme telle par la cotisation (du salaire indirect) qui, je le répète, n’est pas une ponction sur le travail de ceux qui produisent des biens et services marchands. Et plus on étendra la cotisation, plus on se libérera de nos chaînes. Le Conseil National de la Résistance savait bien cela, et c’est grâce à eux qu’une bonne partie de nos concitoyen-ne-s ont déjà un revenu garanti et irrévocable, circulant hors de tout circuit capitaliste, et ne nécessitant aucune accumulation pour être financé et reversé chaque mois. Des Millions de nos concitoyens sont déjà libérés de l’emploi, et payés à vie. Certes, on réclame une condition aux retraités, la preuve de leurs trimestres effectués sous le joug de l’emploi, mais c’est une condition arbitraire. Ce ne sont (bien évidemment) pas les trimestres effectués dans le cadre du marché du travail qui permettent aux retraités d’avoir une pension à vie. C’est tout simplement la répartition de la valeur créée sur l’année, et pas celle créée il y a 40 ans.
Contrairement aux idées reçues, les retraités participent à la production du PIB. Mais en nous invitant à cette lecture aberrante de la retraite qui serait une ponction sur le travail des autres, les réformateurs (c’est à dire le P$, l’UMP, le Medef, la CFDT, etc) nous font ainsi croire que la retraite serait une sorte d’épargne qu’il faudrait justifier pour en bénéficier. Or, c’est totalement faux, complètement arbitraire, et nous savons tous que notre régime de retraite est un des plus performant au monde, justement car il est issu de la répartition (comme 90% des régimes retraite en Europe d’ailleurs) et non pas de l’accumulation financière. Le revenu garanti existe déjà, massivement, notre malheur étant de ne pas le voir… à cause de la propagande sur la solidarité inter-générationnelle et les points qu’il faudrait accumuler pour avoir une retraite complète, nous faisant croire par là que ces points ont une vraie valeur, et qu’ils seraient même des « congélateurs à valeur ».
Quand allons-nous enfin comprendre que les réserves de valeur ça n’existe pas ?!
Ceux qui s’imposent en « indispensables investisseurs » ne font QUE ponctionner la valeur créée sur le moment pour la redistribuer à leur guise en nous enchaînant à la production marchande. Sans parler du fait qu’il n’investissent quasiment plus. Ces parasites ponctionnent actuellement 700 Milliards du PIB, n’en réinvestissent que la moitié, à peine, et le reste se volatilise alors que des gens dorment dehors en bas de chez nous !
J’arrête là, c’est déjà trop j’imagine. Mais il était important d’apporter quelques éclaircissements à la suite de ce billet. Vivement qu’on se voit pour en discuter de vive voix, ce sera plus interactif. En attendant, restons concentrés sur ce qui nous rassemble avant tout : l’éducation populaire pour un revenu (ou un salaire) garanti et inconditionnel, en déconstruisant ensemble les objections habituelles : générateur d’oisiveté ou créateur d’activité ? …quelles solutions pour son financement ? …etc. Il faut élever ce débat le plus souvent possible, et toujours plus haut dans l’espace public. Tout ça nous pouvons le faire main dans la main, c’est ce que nous faisons déjà d’ailleurs, et j’en suis la démonstration puisque je suis membre des deux réseaux, qui ne sont pas incompatibles. Force est de constater que nous avons des tas de points communs.
Il est assez facile de faire entendre que « le revenu de base c’est la liberté » , surtout quand on ne propose rien de concret pour le mettre en place. Mais c’est bien là que les divergences vont apparaître, lorsqu’il faudra décider (ensemble) de la façon dont on finance un tel modèle social. D’un côté, ceux qui semblent vouloir éviter tout conflit, ignorant presque le rapport de force qu’impose la lutte des classes… et de l’autre côté, ceux qui veulent s’émanciper du capitalisme en supprimant la propriété lucrative !
– http://www.reseau-salariat.info/
– http://www.ies-salariat.org/
– http://pear.ly/bPuGf
[*] J’utilise bien le terme « employeur » ou « investisseur » , qui désigne un propriétaire lucratif qui ponctionne la richesse produite par le travail d’un autre. A ne pas confondre avec l’ « entrepreneur » qui est un propriétaire usager, qui utilise son outil de travail pour créer et produire, souvent en collaboration avec d’autres usagers, eux-aussi propriétaires de leur outil de travail. Sauf dans le cas où les deux sont liés, car dans les plus petites entreprises, l’entrepreneur peut également être l’employeur… mais généralement les entrepreneurs sont vite dépendants d’un investisseur qui devient, de ce fait, l’employeur.
Je précise cela afin d’écarter un potentiel doute sur l’idée (fausse) que je puisse remettre en cause les entrepreneurs. Au contraire, sans employeurs nous serions d’autant plus d’entrepreneurs, propriétaires de notre poste de travail quand on l’occupe, et plus du tout dépendants de ce poste pour avoir un salaire (qui reconnaîtrait enfin la qualification de la personne, et non pas la qualification du poste). Une bonne partie de la population profite déjà d’un salaire à vie financé sans aucune accumulation financière, et donc hors de tout contrôle de la sphère capitaliste. C’est fou que nous n’arrivions pas à nous emparer de cela pour l’amener encore plus loin, généraliser les salaires par cotisation à toute la population, et en faire de même pour l’investissement avec une « cotisation économique » qui mettrait fin au monopole de la production par les investisseurs (propriétaires lucratifs). Il faut continuer de porter la cotisation toujours plus loin, continuer ce qu’on a commencé depuis près d’un siècle, et ne pas se laisser enfermer dans ce discours défaitiste qui tend à faire croire que la cotisation serait une taxe sur le travail des autres, une « charge » pour les employeurs. Mais ce n’est pas un combat facile…
Amicalement.
Florent Berthier
Bernard HERON
Je ne veux pas m’étendre plus ici sur ce sujet.
Je m’explique plus en détail dans un article que j’ai publié il y a quelques temps sur mon site :
http://www.lepetitlivrevert.fr/revenu-existence-face-aux-risques-demographique-social-ecologique/
christian lagasse
Même si elle est fondamentale, c’est une différence qui n’est pas antagoniste, qui ne nous oppose pas et qui me parait bien résumée par cette citation :
« C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaines du travail et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait de gagner cette liberté » Condition de l’homme moderne Hannah Arendt.
J’ai l’impression que les tenants du salaire à vie raisonnent dans le monde de cette société de travailleurs dont parle Arendt. Ils veulent attribuer un salaire à vie en fonction d’une production ou d’une qualification. Yvan va même, dans un de ses derniers paragraphes, jusqu’à « penser à une attribution de la qualification de base dès la naissance » ; dès la naissance, le petit humain est enregistré comme futur producteur de quelque chose, marchandise ou service. On est dans le champ de l’économie et on tente de faire évoluer les forces qui sont à l’œuvre à l’intérieur de ce champ. On veut libérer l’être humain, accueilli dés sa naissance dans cet espace, des règles qui le régissent pour lui permettre d’accéder à une autre humanité.
Cette autre humanité me parait être posée de principe dans le revenu d’existence par un saut qualitatif, d’aucuns diraient quantique, qui suppose que tout être humain est , dés le départ, digne de recevoir ce revenu parce qu’il fait partie de la communauté humaine qui a décidé de la mise en place de ce système, sans aucune arrière-pensée justificatrice.
La différence n’est certainement pas très grande, elle demande quelques éclaircissements et quelques discussions au cours de futures rencontres à prévoir.
Cordialement
Christian
Ramite
bravo à Frédéric pour ce nécessaire article ;
Il est ainsi bien plus légitime de réclamer aux citoyens une part de leur consommation plutôt qu’une part de leur travail : je donne une part de ma consommation pour permettre à tous de pouvoir consommer, et non une part de mon travail pour permettre à ceux qui ne travaillent pas de consommer autant que moi. On pourrait donc beaucoup plus facilement convaincre les gens de droite avec le revenu de base qu’avec le salaire à vie, puisque les gens de droite s’opposeront encore plus au salaire à vie qu’ils ne s’opposent déjà à tout système d’allocation ou de répartition salariale.
Yvan Perez
On est bien d’accord. Mais qu’est-ce qui nous empêche de voir en cette définition une « qualification de base » ? On dirait que ce terme (qualification) évoque chez vous une atteinte à la liberté ou à la dignité humaine. C’est étrange comme point de vue.
Je rappelle que cette qualification de base serait un droit politique, comme le droit de vote. Un nouveau droit qu’on pourrait même attribuer à la naissance, pourquoi pas. Et tout comme la majorité politique, ce serait attribué d’office et sans contrepartie, juste car on fait partie de la société qui a décidé cela, et dans laquelle on devrait donc être reconnu comme véritable acteur économique, véritable producteur de valeur, et non plus comme une simpleressource humaine à la solde des capitalistes. Et quand je parle de production de valeur, c’est en m’appuyant sur le fait que cultiver des radis, être conseiller municipal, ou élever ses enfants, c’est créer de la valeur (utile, sociale, et pas forcément marchande).
Ces règles dont vous parlez, j’imagine qu’il s’agit de tout ce qui encadre le marché du travail, y compris le chômage (non ?). Mais lorsqu’on attribue une pension à vie à un retraité en fonction de sa qualification, considère t-on pour autant cette personne comme une marchandise ou comme un individu – je vous cite – « enregistré comme producteur de marchandise » ? Non bien sur, nous le libérons simplement du marché du travail, lui permettant alors « d’accéder à une autre humanité » dans laquelle ses activités et son temps libre sont affranchis de toute contrainte.
Je dis « activités » mais on peut aussi parler de travail, car comme je l’ai dit juste avant : un retraité qui cultive son jardin ou qui garde son petit-fils, il travaille. Il le fait en toute liberté, délivré de la dictature du temps que nous impose le capitalisme (qui mesure le prix des marchandises par le temps de production)… mais il travaille le bougre. Bêcher la terre, faire la nounou, c’est du boulot. Pour autant, lorsqu’un proche prend sa retraite, nous ne lui souhaitons pas « bon courage », bien au contraire… on l’envie et on se dit « vivement ».
@ Ramite :
Mais surtout, vous pensez (à tort) que tout le PIB est créé par ceux qui produisent des biens et services marchands dans la sphère capitaliste, ce qui fausse la suite de votre réflexion. La cotisation n’est pas une ponction sur la production des autres, même si elle apparaît sur notre fiche de paie, nous laissant facilement croire que c’est une « taxe » sur le résultat de notre travail. En fait, elle est le fruit de l’activité de tous ceux qui bénéficient du salaire indirect que finance la cotisation. La valeur crée par ces salariés se répercute sur le prix des marchandises qui s’échangent sur les marchés, et pour finir, sur toute la valeur ajoutée (le PIB). Je ne vais pas vous expliquer cela plus en détail ici, ce serait fastidieux, mais je vous encourage à étudierles travaux de Christophe Ramaux (entre autre). Il croit encore au mythe du plein emploi, mais à côté de cela, il réalise des études et des analyses très pointues sur les services publics et sur la cotisation. Puis les liens présents dans mon précédent (et long) commentaire sont aussi là pour étayer mes propos à ce sujet.
L’erreur que nous faisons, et qui nous plonge dans ce défaitisme quand on parle des retraites pour l’avenir, c’est justement de croire que c’est une ponction sur le travail des autres. Mais c’est un contresens de lecture de la cotisation, de la façon dont elle est créée, de la façon dont elle augmente depuis un siècle, et de la façon dont elle est répartie.
=> « on contraint tout de même l’état à gérer la création matérielle de richesse, puisque les créateurs de richesse matérielle seront fonctionnarisés »
Pas du tout. L’URSSAF (et la cotisation en général) n’est pas vraiment dans les mains de l’Etat. C’est un organisme public qui fonctionne avec des sociétés privées (la CAF, etc) et qui s’organise bien évidemment avec l’Etat, mais sans en être dépendant. Les retraités ne sont pas des fonctionnaires à ce que je sache. Ils ne sont pas dépendants de l’Etat, ni d’aucune autre hiérarchie d’ailleurs. Et avant que De Gaulle ne commence à la réformer en 1947 (il était farouchement opposé au CNR sur beaucoup de sujets, notamment à propos de l’économie), il y avait même des élections à la Sécu’.
En bref, le salaire à vie ce n’est pas « tous fonctionnaires » mais plutôt « tous retraités » et donc tous libérés de l’emploi via un salaire (socialisé) versé par une caisse publique, sans condition. Et cette caisse doit bien évidemment appartenir aux citoyens, et non pas au gouvernement. Les impôts (et les fonctionnaires) sont gérés par l’Etat oui, mais pas la cotisation sociale. Les caisses publiques sont gérées par les partenaires sociaux.
Yvan
Citoyen ou salarié à vie ? Analyse critique du « salaire à vie » de Bernard Friot | Chuchoteuse d'Alternatives | Scoop.it
Frédéric Bosqué
– La collectivisation de l’épargne,
– la suppression de la propriété lucrative,
– la réduction de la valeur économique à son unique mesure que serait une qualification ,
– l’impossibilité de fixer un prix par la rencontre deux deux acteurs consentants sur un marché,
– la suppression de toute forme de revenu autre que le salaire,
– la réduction a 4 tranches de ces même salaires,
– la puissance qu’aura ce groupe centralisé qui aura la capacité de dicter à chacun son activité, sa production, sa qualification,son salaire et donc qui devra avoir des moyens de coercition puissant pour maintenir cet ordre en place malgré les vives oppositions qu’il ne manquera pas de soulever
Ramite
N’importe quoi… J’ai vécu suffisamment du RSA (une allocation) pour savoir que la part du Pib que j’ai créé à ce moment-là ne couvrait largement pas ce montant de RSA que je recevais.
Non, vous n’avez pas compris. D’abord je n’ai pas parlé de capitalisme, mais d’économie en général, où les biens et services produits dépendent tous, au départ, de la plus ou moins grande productivité du secteur primaire et de la plus ou moins grande importance de main d’oeuvre que celui-ci nécessite. Ainsi le secteur secondaire dépend de la plus ou moins grande productivité du secteur primaire, et le secteur tertiaire (celui des productions de valeurs immatérielles) dépend de la plus ou moins grande productivité de ces deux premiers secteurs (ceux de la production matérielle de valeur). Et la possibilité de l’existence d’allocataires dans une économie, la plus ou moins grande part qu’ils peuvent représenter dans une économie, dépend de la plus ou moins grande productivité de l’ensemble de la création de valeur économique, donc des trois secteurs précédents, ceux de la production globale de valeur. (c’est d’ailleurs également le cas (celui des allocations) pour toutes les autres formes de rentes, notamment les rentes de capital et les rentes financières, qui dans notre société capitaliste et financière sont accaparées par une petite oligarchie économique richissime et qui défend vaillamment ses privilèges).
La finalité du revenu de base, il me semble, ce serait justement d’arriver à socialiser cette rente en la redistribuant égalitairement à tous les citoyens, plutôt que de la laisser entre les mains d’une petite minorité historiquement et héréditairement privilégiée.
Mais après tout, pourquoi ne pas prélever cette rente via les cotisations ; ce n’est pas incompatible, et pas plus incohérent que via la tva. Ce que je ne comprends pas, surtout, c’est pourquoi vouloir considérer L’ENSEMBLE du revenu comme une cotisation socialisée, et donc, l’ensemble du revenu comme une forme de rente qui mérite d’être entièrement ponctionné ? Comme si la production de valeur non socialisée était forcément une chose malsaine, et l’individu producteur forcément un dangereux égoïste malfaisant ?
Encore une fois, je doute qu’avec ce genre de principes binaires hérités de l’idéologie de la lutte des classes vous puissiez, non seulement convaincre les droitistes de vous rejoindre, mais même seulement convaincre les producteurs, quels qu’ils soient, de mettre leurs talents et leurs compétences au service d’une production à 100% socialisée, c’est à dire sans aucune possibilité de valorisation individuelle (et pas seulement financière, d’ailleurs) de leur oeuvre.
Voyez simplement comment aujourd’hui les cotisations sont décriées par les producteurs (mais certes pas par les salariés), alors qu’elles sont pourtant inférieures à 50%.
La ponction sur la tva serait toutefois bien plus logique et bien plus simple, mais surtout bien plus consensuelle, parce qu’elle ne pèserait pas sur la production, mais sur la consommation ; elle augmenterait donc la liberté des producteurs, tout en diminuant la dépendance envers eux des salariés, donc elle équilibrerait les rapports entre les uns et les autres, au lieu de continuer à les opposer les uns aux autres et à choisir un camp plutôt que l’autre.
Yvan Perez
Comme tu l’as dit, ce sera bien plus agréable autour d’une table, entre amis. Et ça tombe bien, car on se voit dans moins de deux semaines je crois
« la qualification est la composante d’un salaire lié à une activité dans le secteur marchand. »
Faux. Un greffier dans un tribunal, ou un agent des forces de l’ordre, est payé en fonction de sa qualification (irrévocable) et ne produit pourtant rien de marchand. Je pense que là encore, il y a confusion entre qualification et certification. Un pompier et un policier peuvent avoir le même grade, avec le même salaire, mais ont bien deux métiers différents et la certification correspondante pour attester qu’ils sont aptes à pratiquer ce métier.
Les propriétaires lucratifs… Pas besoin de donner des noms, mais il y en a des plus connus que d’autres (ceux qui se gavent le plus ne sont pas toujours les plus discrets).
En effet, nous avons bien un point de désaccord ici, fondamental je pense même. Ce qui, par contre, ne doit certainement pas nous empêcher d’unir nos forces pour cette campagne de l’ICE (et plus même). Cela dit, je remets effectivement en cause cette institution principale du capitalisme qu’est la propriété lucrative (bien différente de la propriété d’usage, qui est une propriété privée on-ne-peut-plus légitime).
Il y a une contradiction dans cette phrase :
« Je n’ai rien contre la propriété lucrative dans la mesure où elle ne remet pas en cause la liberté de chacun »
C’est justement la propriété lucrative qui empêche les uns de s’émanciper et d’être libres, quand les autres se pavanent dans le luxe du capital familial dés la naissance (car il faut cesser avec ce mythe de celui qui a réussi et qui mérite des sommes indécentes… déjà car la plupart des grosses fortunes sont très souvent issues d’un héritage, et quand ce n’est pas le cas, ça le devient pour la génération qui suit tout de suite derrière… et ensuite car personne ne mérite de gagner des millions, peu importe ce qu’il a fait dans sa vie).
Pour moi, c’est une évidence : s’émanciper passe aussi par la liberté d’être propriétaire de son logement, plutôt que de payer un loyer toute ta vie pour nourrir un rentier, sans pouvoir faire de travaux comme tu le désires dans le logement, puisqu’il ne t’appartient pas. Et pour étendre la possibilité de devenir tous propriétaires (ou ceux qui le veulent au moins) il faut bien évidemment supprimer ce droit qu’on laisse à une minorité de s’accaparer tout l’immobilier (pour le louer et en tirer un revenu sur le dos des locataires)…Et encore, quand ils ne laissent pas des milliers de M² vides pour satisfaire les exigences des agences de notation qui réclament, peu de monde le sait, que quelques % du parc immobilier soient vides, prêts à être céder, histoire d’assurer en partie les titres que ces propriétaires engagent sur les marchés financiers.
Non vraiment, je ne vois pas pourquoi défendre ou protéger ce droit accordé à une minorité. Et je t’assure, je n’ai rien contre « eux » , contre leur personne. Je ne suis pas un haineux personnage… je réclame seulement de la justice sociale. Il ne s’agit donc pas de couper des têtes, mais il est évident qu’on ne retire pas autant de privilèges des mains d’une minorité sans que celle-ci ne se rebiffe. D’ailleurs, si on n’avait pas poussé les monarchies dehors, elles seraient surement encore en place. Qu’une partie de la population (très minoritaire tout de même) soit hostile à l’abolition de la propriété lucrative, je le comprends bien, et ça va créer des tensions oui. Mais ce n’est pas une raison pour renier cette inégalité fondamentale afin d’éviter toute bataille, surtout que c’est cette inégalité qui crée beaucoup de tensions actuellement.
Et quand on parle d’inégalités, ce n’est pas moi qui le dit. Je ne crois pas que l’OCDE puisse être considérée comme une institution bolchevique :
http://www.oecd.org/fr/presse/societelesgouvernements…
Ce que propose le Réseau Salariat, ce n’est pas du tout de mettre la propriété dans les mains de l’Etat, mais dans les mains de chacun ! Epargner, pourquoi pas… tu as le droit de ne pas dépenser tout ton salaire, d’en mettre de côté, ou même de faire un prêt (qui sera forcément sans intérêts) si c’est pour une propriété d’usage (que tu utilises toi-même). Mais si tu as déjà tout ce qu’il te faut, et que tu veux acquérir encore plus, juste pour exploiter ton voisin, là on est pas d’accord, car selon moi ça remet forcément en cause la liberté du locataire au profit du propriétaire lucratif. Etre locataire peut très bien être un choix, mais dans la plupart des cas, c’est une contrainte, juste car nous n’avons pas le choix justement… pendant qu’une minorité de privilégiés monopoly-sent les parcs immobiliers, et jouant avec la valeur de cet immobilier (pour couronner le tout).
Accepterais-tu qu’on ne puisse pas avoir sa propre voiture ? Que ce soit monopolisé par d’autres propriétaires, et que tu sois obligé de louer quand tu en as besoin ?
Tu me diras peut-être que ce n’est pas pareil… mais pourtant. Après, tu as surement d’autres arguments. J’ai hâte qu’on en parle de vive voix.
Tu écris aussi :
« la puissance qu’aura ce groupe centralisé qui aura la capacité de dicter à chacun son activité, sa production, sa qualification,son salaire »
On ne parle pas de donner le pouvoir à une élite ou à un conseil supérieur. On parle d’être libre de nos choix. Tu as un salaire à vie, libre à toi de t’unir avec des gens pour former une entreprise et produire quelque chose. Au sein de cette entreprise, des règles seront définies, démocratiquement, des contrats de travail qui seront signés entre les collaborateurs qui participent à l’aventure, comme aujourd’hui. Les salaires ne seront pas dans ce contrat, puisque l’entreprise ne paye pas directement ses salariés. Elle cotise à la place, en fonction de la valeur ajoutée que cette entreprise arrive à créer. Elle fixe d’ailleurs le prix de ses produits comme elle veut, la concurrence aura toujours lieu pour tirer les prix vers le bas, et pousser les entreprises à faire toujours mieux. Et les bénéfices sont en partie réinvestis, le reste va à une caisse publique. Et franchement, les banques ou les privés ne gèrent pas mieux les investissements que la santé publique par exemple… il est quand même plus utile d’investir dans la recherche contre les maladies plutôt que dans la recherche pour créer des semences non-reproductibles (sans parler du fait que les privés, en terme de macro-économie, ne réinvestissent que la moitié de ce qu’ils ponctionnent sur le travail). Mais pour autant, il faut surement revoir la gestion des caisses publiques d’investissements, puis il faut étendre leur champ d’activités aussi, etc… oui, il y a plein de choses à faire. Mais déjà maintenant, sans attendre un revenu de base ou autre, il y a beaucoup à faire… et un minima social inconditionnel ne va pas résoudre tous les problèmes professionnels et politiques.
Il y a confusion je crois. A te lire, on croirait qu’une sorte de « comité suprême » déciderait de tout si on étendait la cotisation. Mais non. Actuellement, les qualifications et les grilles de salaires sont définies à travers des institutions qui débattent de tout ça régulièrement, et toutes les parties prenantes participent. C’est donc étrange de buter devant cette idée, alors que personne ne remet en cause la façon dont les conventions collectives fonctionnent de nos jours. En fait les conventions sont le lieux de grands débats, et selon les secteurs d’activités, c’est même plutôt bien fichu (non pas que ce soit parfait, on peut toujours tout améliorer, mais c’est démocratiquement débattu et voté).
Les qualifications (à ne pas confondre avec certification) et les salaires ne semblent pas te révolter actuellement. Alors pourquoi ce serait le cas si on a un salaire à vie ? Il faut que ça évolue oui, il y a des tas de choses à inventer, à construire, de nouvelles formes d’entreprises peut-être, de nouvelles institutions pour faire plus de politique (et ne pas laisser ça aux mains d’une élite là aussi). Des choses à inventer ou à pousser plus loin, il y en aura toujours… mais je ne comprends pas cette objection qui remet tout en cause sur le simple fait que ce serait « dangereux » ou « élitiste » de définir nous-mêmes les qualifications et les salaires qui vont en face, plutôt que de laisser ça à un employeur qui déciderait de tout pour nous, et sur lequel nous n’avons vraiment aucun pouvoir.
Cela dit, tu as raison sur le fait que ce sont de vrais débats, essentiels même, et le réseau salariat ne les ignore pas. Nous disons juste que ces débats ont déjà lieux avec les syndicats, le patronat et les partenaires sociaux, et que si personne ne s’y intéresse, c’est pourtant bien comme ça que sont définies les qualifications et les salaires aujourd’hui. L’idée n’étant pas de tout raser pour tout refaire, le salaire à vie propose au contraire de s’appuyer sur ce qui existe déjà pour aller encore plus loin. Si on me dit que demain qu’on touche tou-te-s une pension à vie… ça ne me dérange pas. Et libre à ceux qui veulent plus de s’investir dans une entreprise (même seul) pour faire évoluer leur qualification, tout en produisant ce qu’ils ont envie de produire (biens ou services) sans la contrainte de l’actionnaire, l’investisseur, souvent exigeant. Et celui qui ne participe à aucun travail au sein de la société, qui se contente du minimum finalement… il aura son salaire à vie, qui n’évoluera pas, mais qui ne sera jamais soumis à aucune condition (sa qualification restera celle de base, voilà tout).
Pour finir :
« Le retraité a payé la retraite des non actifs quand lui l’était. »
C’est une erreur de le croire, et nous le croyons tous, je te l’accorde.
Mais je vais répondre à Ramite, puisque c’est ce clou qu’il enfonce lui aussi.
@ Ramite :
je n’ai eu encore aucune explication me démontrant en quoi la cotisation ne serait payée par personne
Qui a dit qu’elle n’était payée par personne ?
Je vous explique que ce n’est pas une ponction sur le travail des autres, ce qui est différent. Le salaire brut n’est pas (que) le résultat de votre labeur, et ce n’est pas vous qui payez les retraites. Mais nous sommes aliénés dans ce discours oui, c’est vrai, et nos enfant ne croient même plus à la retraite… alors qu’on devrait au contraire se réjouir de ce système, arrêter de pleurer, et en demander plus même !
La cotisation comme tout le reste (salaires et profit) vient de la production, du PIB. Tout est donc pris sur le travail, bien entendu. Mais les retraités ne mangent pas la monnaie qu’on leur donne, ils la dépensent, comme tous les salariés, et cela rentre dans le PIB. Pour comprendre pourquoi c’est pris sur le salaire, sans pour autant être pris sur votre travail, il faut bien comprendre le fonctionnement de la création monétaire et son incidence dans l’économie, sur les productions non marchandes entre autre, mais aussi marchandes. Je parle de prix des marchandises, etc… mais visiblement, vous avez fait l’impasse sur toutes les références que je vous donnais en lien pour éviter d’avoir à écrire un livre entier en commentaire.
Christophe Ramaux, Christine Jakse, ou Bernard Friot (pas qu’eux, mais ils donnent d’autres pistes si on les lit) ont pourtant réalisé des études universitaires plus que sérieuses sur le sujet. Ils démontrent le contresens de lecture que nous avons des salaires socialisés. Le RSA en fait partie, et contrairement à ce que vous pensez, il n’est pas le fruit de la solidarité (mais d’un droit qui vous reconnait comme producteur de cette valeur).
Les « réformateurs » (Medef, UMP, P$, CFDT, CGC, etc) ne s’en prennent pas autant à la cotisation sociale et aux fonctionnaires et retraités pour rien. La cotisation, car elle marginalise leur domination donc ça ne les arrange pas, et les pensionnés ou fonctionnaires en ligne de mire car ils ont un salaire à vie, qui est financé sans l’aide du capital… ce qui est une expérience massive, et il ne vaut mieux pas (pour eux) que les gens s’emparent de cette réalité !
Ce qui est assez édifiant de nos jours, c’est que nous avons le cerveau à l’envers sur tous ces sujets, enfin, on nous l’a bien mis à l’envers surtout. Nous avons abandonné ce qui pourtant était bien parti. Nous étions passé de 16% à 66% de cotisation en moins de 100 ans. Et depuis 20 ans c’est oublié. Maintenant on nous dit qu’il faut taxer le capital pour financer la protection sociale. Ce qui réjouit ceux qui nous exploitent, les propriétaires lucratifs… car ils ont alors toutes les raisons de continuer à accumuler toujours plus de biens, et donc de flouer toujours plus de pauvres (qui ne pourront user de ces biens QUE si le propriétaire le veut bien, et uniquement dans les conditions qu’il propose). Si on fait ça, on encourage nos maîtres à nous exploiter toujours plus (car si on impose le capital, on ne peut plus diminuer sa part dans le PIB, sinon on réduit l’argent qui rentre dans la protection sociale… ainsi nous devenons toujours plus dépendants de la propriété lucrative).
Nous sommes roulés dans la farine à longueur de journée par des médias eux-mêmes totalement encrassés par cette propagande. En attendant, c’est Parisot que se frotte les mains. Nous, la petite plèbe, on ne comprend rien… mais eux (Medef, CAC40 et cie) croyez-moi, ils comprennent bien ce qu’ils font, et ils savent où se situe la lutte (des classes). Et si vous n’arrivez pas à voir ce qui nous émancipe de cette domination par le capital, et bien le capital lui, il sait bien où il faut taper pour asseoir toujours plus son hégémonie, et ne surtout pas qu’on s’en émancipe (bien évidemment, sans nous, il n’est rien… alors que l’inverse n’est pas vrai) !
On trouve normal d’interdire aux gens de voler, ou de tuer leur voisin, mais on ne veut pas accepter de mettre un terme à cette esclavagisme (sous prétexte que trop interdire, c’est aller contre la liberté individuelle ?). C’est vraiment donner le bâton pour se faire battre. Et si l’idée du revenu de base c’est de laisser les plus chanceux profiter, tout en donnant un minimum aux pauvres pour qu’ils arrêtent de se plaindre… c’est une piètre vision de l’Humanité je trouve.
NB : Ce sera mon dernier commentaire, c’est vraiment trop lourd par messages interposés, et c’est surtout propices aux malentendus. D’autant plus que je ne suis vraiment pas doué pour faire court, comme chacun aura pu le remarquer.
Yvan
Revenu de base ou salaire à vie ? | POUR le REVENU de BASE | Scoop.it
Ramite
J’ai regardé vos liens (enfin pas tous, mais la plupart), simplement je ne suis pas d’accord avec cette vision des choses, et ces liens ne m’ont pas d’avantage convaincus. Vous pensez, comme la plupart des gauchistes, que c’est l’offre qui fait la demande, qu’il faut soutenir la demande plutôt que l’offre, et que le consommateur est manipulé par la pub et autres, puisque vous imputez l’obsolescence programmée ou le drame écologique aux producteurs.
Mais rassurez-vous, même si j’aurais plutôt tendance à imputer tout cela aux consommateurs irresponsables, je ne suis pas non plus de ceux qui pensent que c’est la demande qui fait l’offre, comme c’est le cas des libéraux, qui préconisent de favoriser les producteurs au détriment des consommateurs. Je suis un centriste (un mutuelliste, plus exactement), je crois à la théorie de la valeur-travail de libre économie, et je plaide moi aussi pour la propriété d’usage. Et je pense surtout que ce qui déséquilibre l’économie, ce n’est ni la demande ni l’offre, mais les privilèges de l’un ou de l’autre.
Je ne crois pas être plus que vous manipulé par les médias, je n’ai pas la TV, et les médias qui m’intéressent sont sans doute à peu près les mêmes que les vôtres, donc je suis au courant de ces théories économiques de gauche. Et malgré ça, je suis tout de même l’un de ces jeunes qui n’a jamais cru en la retraite, mais pas forcément pour les mêmes raisons que le grand patronat.
Et c’est en effet un débat nécessaire et passionnant. Probablement même que ces systèmes différents pourraient tout à fait cohabiter ; je préfère d’ailleurs de loin une diversité de systèmes plutôt qu’un système monopolisé, quel qu’il soit.
Je mets en lien l’adresse de mon blogue, je suis en train de rédiger un article qui expose justement les principes et les singularités de cette théorie centriste à laquelle j’adhère : http://mutuellisme.wordpress.com/
Loïc
Concernant la grille de test, pourrait on comparer aussi avec le revenu de base ?
Le revenu de base l’est aussi.
Le revenu de base l’est.
Je suis convaincu depuis longtemps du revenu d’existence, mais dans un débat il convient d’eviter d’ommettre ce genre d’informations.
Frédéric Bosqué
Je suis convaincu depuis longtemps du revenu d’existence, mais dans un débat il convient d’eviter d’ommettre ce genre d’informations.
Frédéric
stef
http://www.projet-decroissance.net/?p=207
Damien Vasse
Définitions | Pearltrees
Ramite
Une telle ponction ne peut donc être mise en place que dans un monde où les salaires et revenus sont déjà traités avec égalité. De plus, la TVA étant nulle lors d’importations, le RdB favoriserait donc le commerce de long cours et les échanges mondialisés, au détriment des productions locales.
Je pense que l’idée d’une redistribution est bonne, mais que la ponction sur la TVA n’est pas la meilleure ; il vaudrait mieux taxer l’énergie, soit via la taxe carbone, soit plutôt sous la forme d’une taxe proportionnelle à la concentration énergétique des différentes unités énergétiques, exprimée en joules/kg ou par litre (baril de pétrole, tonne de charbon, kilogramme d’uranium, etc). Ainsi le commerce de long cours et les importations/exportations seront moins rentables que les productions locales, et peut-être même qu’à terme les énergies propres seront favorisées sur les énergies polluantes ; en tous cas c’est l’efficacité énergétique qui sera toujours privilégiée.
Parce que le principal problème actuel, qui est la cause de cette mondialisation et de cette industrialisation et centralisation de nos sociétés, c’est quand même que l’nrj fossile ne vaut presque rien, puisqu’elle nécessite très peu de travail, alors que le travail vaut cher. C’est donc selon moi en priorité ce « travail fossile » qu’il faut taxer et redistribuer.
Ramite
Jean-Christophe Godart
Orneon
Damien Vasse
Pourquoi pas au même niveau ? Le salaire à vie propose tout un ensemble de mesures, un modèle de nouvelle société, qui va bien au delà de ce dont le revenu de base se contente de parler. C’est un projet d’ensemble quand le revenu de base est une impulsion vers un nouveau modèle de société (à définir). On peut tout à fait envisager un système à la Friot une fois un revenu de base en place, même si je ne suis pas super chaud pour. Ça reste à déterminer démocratiquement.
Ramite
A l’inverse, le salaire à vie ne propose pas de rééquilibrer ce rapport de force, mais de l’inverser, en offrant tout pouvoir aux syndicats d’employés.
La société sera alors le résultat du libre choix des individus et de leurs confrontations, et non une construction arbitraire et idéologique, qu’elle soit en faveur du capital ou en faveur du salariat, ou encore d’une autre classe sociale ou culturelle.
XIII
Phil
Tout 2 ont comme résultat :
– De libérer les personnes de la servitude de l’emploi, lieu ou l’actionnaire, soit le propriétaire lucratif à la maitrise totale sur le nombre d’emploi, la localisation des emplois (ou délocalisation…), ce qu’on fait comme travail, ce qu’on y produit, et détient l’outil de travail.
, à partir de la naissance ou non, qui est politiquement reconnu comme étant du par le simple fait de vivre. Il n’est pas lié à une idée de qualification ou de production ou d’une quelconque idée de participation à la cité ou à la société. Il permet de palier aux besoin de survie.
Personne n’est imposé en particulier (ni entreprise, ni salariés). C’est l’activité toute entière, cad le travail de tous, la valeur ajoutée qui finance les cotisation.
Un financement par l’impôt ou la tva dépendrait de l’état et sortirait de la gestion collective.
Alfila
Biloo
Fred
Yahia
Judith Bernard : « Le tirage au sort est la poursuite normale de la démocratie | «Le Comptoir
Travail : changer le pansement ou penser le changement ? | Un monde à portée de main