Genèse de l’ordre bancaire oligarchique : du système des banques centrales aux institutions financières internationales
Mayer Amschel Bauer, fondateur de la dynastie Rothschild : «Donnez-moi le contrôle de la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à m’occuper de ceux qui font les lois.»
2 La notion de banque centrale suppose une centralisation des questions monétaires entre les mains de banquiers centraux contrôlés par des banquiers privés. Le règlement des questions monétaires est donc, par construction, dévoué à la satisfaction des intérêts bien compris des propriétaires majoritaires des principales banques privées 1. L’existence d’une banque centralisée aux mains d’acteurs financiers privés, qui régit la monnaie dite d’État et qui réglemente plus ou moins directement le secteur des banques privées est le cœur nucléaire de la question monétaire. Les banques centrales 2 sont le centre névralgique de l’organisation du système financier actuel. Ce concept dit de banque centrale s’est volontiers paré des vertus de l’orthodoxie financière pour s’imposer de façon définitive aux yeux du public. Ainsi, s’est répandue l’idée générale selon laquelle le concept de banque centrale indépendante est justifié par la nécessité de lutter contre un excès d’utilisation, par les hommes politiques, de ce qu’il est convenu d’appeler la planche à billets. Deux constats factuels s’opposent de façon rédhibitoire à l’adoption d’une telle justification. Le premier constat est que le concept même de banque centrale véhicule une illusion d’indépendance développée et entretenue par des acteurs bancaires. Les banques centrales ont en effet toujours été indépendantes des élus politiques, mais elles n’ont jamais été indépendantes des banquiers qui les contrôlent. Dit autrement, le système actuel des banques centrales est, par construction, indépendant de tout contrôle populaire de type politique, mais au contraire sous la totale dépendance du contrôle capitalistique initial. D’un point de vue conceptuel logique, la recherche d’une orthodoxie financière de l’État peut passer par bien d’autres moyens que celui de remettre les clefs du coffre à un groupe homogène de personnes. La recherche de l’orthodoxie budgétaire serait, par exemple, bien mieux atteinte par l’organisation de contre-pouvoirs assortie d’une indépendance statutaire réelle des contrôleurs. Les gardiens du coffre public, qui manient l’argent du public, devraient ainsi rendre régulièrement des comptes sur l’impact de leur politique sur la masse des individus constituant l’État. Cet organisme de contrôle pourrait être composé de représentants de la société civile, hors banquiers. Cet organisme aurait les pouvoirs juridiques et politiques de sanctionner les gardiens du coffre lorsque les effets des politiques monétaires suivies seraient durablement et/ou diamétralement contraires aux intérêts économiques des individus auxquels elles s’imposent et à la fluidité du commerce bien compris – c’est-à-dire dans le sens où le Février 2016 3 commerce profite à tous les acteurs, et non aux seuls propriétaires des plus grands cartels. Le second constat sur lequel il convient de s’attarder est que les hommes politiques, élus du peuple, qu’ils appartiennent au pouvoir exécutif ou au pouvoir législatif, sont, dans leur très grande majorité, ignorants des questions monétaires. Ils n’étaient pas meilleurs connaisseurs de ces questions hier qu’ils ne le sont aujourd’hui. Les décisions monétaires, y compris celle consistant à recourir à la planche à billets leur étaient soufflées par des hommes de l’art issus du milieu bancaire. Il faut d’ailleurs convenir que, d’un point de vue strictement conceptuel, la différence entre l’ancienne planche à billets et l’actuel quantitative easing (QE) est assez ténue. Il est à la vérité très tentant de considérer que le quantitative easing (QE) actuellement en cours est une version sophistiquée, améliorée, de l’ancienne planche à billets ; ces deux techniques permettant in fine d’orienter la masse monétaire en circulation dans un sens ou dans un autre. Ces mouvements de masse monétaire sont aujourd’hui opérés de façon coordonnée dans la plus grande indépendance des intérêts du public bien compris ; ils répondent à l’intérêt financier supérieur, pris à un moment donné, de la petite population des grands banquiers – non pas apatrides, car ils ne sont pas dépourvus de patrie, mais trans-nationaux, car tous les États, via les banques, sont leur patrie. En réalité, la justification selon laquelle l’indépendance des banques centrales est liée à la nécessité du contrôle d’hommes politiques trop enclins à faire marcher la planche à billets, est le prétexte cachant une prise du pouvoir politique par les acteurs économiques dominants – les propriétaires des plus grandes banques. Avec l’avènement des banques centrales, l’État en tant qu’entité politique perd le contrôle de sa monnaie, qui est l’une de ses prérogatives régaliennes, au profit des intérêts particuliers du groupe économique dominant. Cette amputation porte atteinte à l’intégrité de la nature politique de la notion d’État. Rappelons à cet égard la prophétie auto-réalisatrice de Mayer Amschel Bauer, fondateur de la dynastie Rothschild, qui dès le XVIIIe siècle affirmait : «Donnez-moi le contrôle de la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à m’occuper de ceux qui font les lois.» Cet article propose de revenir sur la genèse de l’ordre oligarchique bancaire actuellement en vigueur en précisant les différentes étapes de l’avènement du système des banques centrales. Février 2016 4 I) La création de banques centrales unitaires La très puissante Banque d’Amsterdam, créée en 1609, est la première institution financière des temps modernes car elle a inauguré le concept de monnaie de banque comme instrument de paiement. La banque d’Amsterdam n’émettait pas, à strictement parler, de billets, mais ses récépissés circulaient dans le commerce comme une monnaie fictive. Par le contrôle qu’elle avait de la monnaie papier-fiduciaire, la banque d’Amsterdam fut l’instigatrice de ce qui deviendra la banque centrale. Toutefois, la véritable naissance de ce qui deviendra le système des banques centrales remonte, dans une forme archaïque, unicellulaire, à la création de la Banque d’Angleterre (27 juillet 1694) suivie, un siècle plus tard, de celle de la Banque de France par Napoléon (18 janvier 1800). Suite à ces créations, de type expérimental, les grands argentiers européens – principaux détenteurs de capitaux – ont, dès la fin du XIXe siècle et au début du XXe, entrepris de développer à une échelle bien supérieure le système dit de banque centrale en créant la Federal Reserve américaine. II) La création d’un système de banque centrale : le système Fed Une fois acquis – sur le territoire européen – le concept de banque centrale aux mains d’acteurs bancaires privés, la longue marche pour la prise du pouvoir monétaire et financier a conduit en 1913 à l’apparition du système Fed sur le territoire américain 3. Ce système, de type fédéral, est composé de douze banques centrales régionales qui sont dirigées par la plus importante d’entre elles, la banque centrale de New York 4. Il s’agit d’une organisation bancaire privée, de type hiérarchique et pyramidale, qui contrôle et gère en toute liberté les flux monétaires et financiers à l’intérieur du système politique étatique, mais en toute indépendance vis-à-vis de ce dernier. Notons que les initiateurs de la Fed auront dû pratiquer, après sa création technique en 1910, trois longues années d’intense lobbying politique pour imposer la Fed – titan financier – au pouvoir politique américain, lequel fit à cette occasion la démonstration de sa faiblesse. Février 2016 5 Prétendument nationale, la Federal Reserve américaine n’a de national que le nom, elle a en réalité été créée par quelques banquiers privés européens, soutenus par quelques nouveaux capitalistes américains à l’ambition bien affirmée 5. Quant à son fédéralisme, il existe mais de façon autonome par rapport au fédéralisme politique auquel il se superpose. La création politique de la Fed en 1913 a inauguré aux USA l’avènement d’une ère nouvelle dans laquelle l’État fédéral a perdu sa justification politique pour désormais essentiellement se vouer à la défense des intérêts du groupe économique dominant. Après la Federal Reserve et toujours au XXe siècle, la création de la Banque des règlements internationaux en 1930 correspond à une nouvelle avancée substantielle de ce qui deviendra l’ordre mondial bancaire oligarchique. III) La création de la BRI L’année 1930 a vu, à l’occasion du plan Young, la création du joyau de la couronne du système bancaire international : la Banque des règlements internationaux (BRI en français, BIS en anglais). Son siège est situé à Bâle, en Suisse. Cette institution particulière bénéficie de tous les privilèges d’immunités possibles et détient la capacité diplomatique, ce qui en fait un État dans l’État. Aujourd’hui, la BRI/BIS agit comme la banque centrale des banques centrales, elle fédère les différents banquiers centraux – occidentaux et des pays affiliés – au moyen de réunions régulières et organise et supervise les politiques monétaires qui seront mises en œuvre par les différentes banques centrales. La BRI est la pierre angulaire de la domination bancaire Cette institution financière, très peu connue du public, est au cœur du miracle économique nazi de l’entre-deux guerres puisqu’elle a permis une bonne partie du financement de la reconstruction ainsi que de la remilitarisation allemande (alors sous domination nazie). Historiquement, les banquiers anglo-saxons ont été invités aux festivités par le grand argentier allemand Hjalmar Schacht 6 à l’occasion du plan Dawes, bientôt remplacé par le plan Young qui a institué la BRI. Très concrètement, ce sont, notamment, les prêts octroyés par la BRI qui ont permis à Hitler (qui en a remboursé les intérêts jusque fin 1944) de mettre en œuvre ses préparatifs de guerre tout en faisant peser l’effort de financement – qui assurait dans le même temps l’enrichissement des créanciers – dans Février 2016 6 un premier temps sur le citoyen allemand et dans un second temps sur les habitants des pays conquis. La BRI a eu pour objectif premier, comme cela a été parfaitement décrit par l’historienne Annie Lacroix-Riz, de liquider les réparations de guerre dues à la France par l’Allemagne au moyen d’un tour de passe-passe. La ploutocratie française, à la manœuvre lors de la négociation du traité de Versailles, a accepté, dès le début des années 1920, de se plier aux vues anglo-saxonnes et de renoncer à ses réparations de guerre au profit des intérêts qu’elle tirerait avec d’autres acteurs financiers oligarques – en particulier anglo-saxons – des prêts que la BRI accorderait à l’Allemagne. Il faut comprendre que les citoyens allemands ont été les premiers grands perdants – tant sur les plans politique qu’économique – de ces petits arrangements entre les élites oligarchiques aux commandes des différents pays. Aujourd’hui, loin d’avoir disparu – et bien que sa disparition eût été un temps réclamée – la BRI remplit le rôle de banque centrale des banques centrales. Elle réalise une coordination informelle mais réelle des politiques monétaires des pays occidentaux – et affiliés – actuellement sous domination oligarchique. Cette coordination donne un poids considérable au système bancaire occidental, lui permettant dès lors de peser de façon géopolitique sur tous les États du monde, y compris et surtout sur ceux qui ne sont pas affiliés à l’ordre oligarchique occidental. En résumé, la BRI est la pierre angulaire du dispositif actuel de domination monétaire à l’anglo-saxonne : à savoir l’enrichissement des oligarchies par les intérêts financiers et non plus directement, comme ce fut le cas auparavant sur le continent européen, par la mise sous tutelle directe des biens et matières premières. La BRI, État dans l’État, œuvre au rabaissement du concept d’État La BRI/BIS bénéficie de tous les privilèges d’immunités possibles et détient la capacité diplomatique. D’un point de vue juridique, donner à une institution bancaire tous les privilèges et immunités possibles signifie que cette institution est structurellement élevée au même rang qu’un État. La fonction essentielle d’un État est d’être un organisme politique qui s’occupe de réguler la vie en société sur un territoire donné. Un organisme Février 2016 7 bancaire dont le rôle, purement économique, se limite à imposer les intérêts particuliers de ses principaux propriétaires ne répond à aucun intérêt public entendu au sens politique et organisationnel du terme, il ne répond qu’à l’intérêt de groupe – collectivement homogène – de ses principaux propriétaires. La mise sur un pied d’égalité, au moyen d’un statut international, d’un État et d’un organisme financier réalise en conséquence l’abaissement structurel du rôle de l’État, dont la dimension politique est purement et simplement niée. Avec la BRI, c’est la première fois dans l’histoire du monde qu’une institution financière internationale acquiert un statut politique similaire à celui d’un État. Cette expérience, réussie, a eu une suite : l’avènement du système monétaire européen (SME). Ce dernier s’inscrit dans le cadre de la construction monétaire européenne passant, en premier lieu, par la création du système européen de banques centrales (SEBC). IV) La centralisation européenne des banques centrales : le SEBC et le SME L’expérience américaine de la Fed s’étant avérée un grand succès – et selon le principe de bonne politique qui impose de pérenniser une méthode qui a fait ses preuves –, les grands argentiers occidentaux ont décidé de dupliquer ce modèle pour l’imposer au niveau européen. C’est ainsi que le système dit des banques centrales a eu de récents rebondissements dans l’ordre juridique international par le biais de l’Union européenne, avec la création du fameux système européen de banques centrales, chapeauté par la BCE (Banque centrale européenne), suivi et complété par le mécanisme européen de stabilité. La création politique d’une Europe unifiée – grâce au pays dominant 7 que sont les USA – par le mariage de la carpe et du lapin, a vu apparaître, à côté d’institutions politiques dévouées aux intérêts privés des multinationales 8, l’avènement d’un système banques centrales indépendant du pouvoir politique calqué sur le modèle de la Réserve fédérale américaine. Toutefois le change avait été donné aux populations en conservant une pseudo organisation démocratique 9. Cette organisation démocratique purement formelle, de type parlementaire, était néanmoins susceptible de gêner ou retarder la mise en place des intérêts du groupe économique dominant. C’est pourquoi, à titre de garantie, ce groupe a estimé préférable de maintenir un contrôle direct sur le fonctionnement de l’organigramme Février 2016 8 juridique en organisant le système des banques centrales sur le modèle de la Réserve fédérale américaine. Ce SEBC, voulu structurellement indépendant des gouvernements politiques des États 10, obéit néanmoins au contrôle capitalistique bancaire. Officieusement, le SEBC est dominé par la Buba, banque centrale allemande, elle-même représentant, dans une large mesure, les mêmes intérêts que ceux de la Fed. Dans le système SEBC, la Buba sert d’intermédiaire aux volontés oligarchiques en matière financière au même titre que le gouvernement allemand sert, en Union européenne, de courroie de transmission pour les directives oligarchiques lorsque celles-ci nécessitent la mise en œuvre d’un processus législatif. Le rôle fondamental joué par l’Allemagne dans le processus oligarchique s’explique par le poids de l’histoire et les imbrications capitalistiques germano-anglo-saxonnes du début du XXe siècle. Ce rôle fondamental de l’Allemagne s’explique également – depuis et après la Seconde Guerre mondiale – tant par la récupération des élites militaires nazies par le système financiaro-politique américain (CIA, NASA etc) 11, que par la domination militaire du territoire allemand par les armées américaines. Pour avoir une vue européenne d’ensemble – et exhaustive – du tableau de la domination bancaire par la monnaie, il faut rappeler que les statuts de la BRI ont servi de modèle à la création du Mécanisme européen de stabilité (MES) apparu en 2012. Le MES, en tant que nouvelle institution financière, est l’héritier direct de la BRI dans son rôle de négation de l’aspect politique et organisationnel du rôle de l’État. La suprématie oligarchique en matière monétaire a été consolidée au niveau mondial par les accords de Bretton Woods qui ont accordé à l’oligarchie de type américano-anglaise la suprématie définitive sur les oligarchies classiques de type occidental 12. V) Les institutions financières issues des accords de Bretton Woods A l’occasion des accords de Bretton Woods, la ploutocratie occidentale a imposé au monde entier, par l’intermédiaire du gouvernement des ÉtatsUnis vainqueur financier de deux guerres mondiales, les institutions financières internationales majeures dites régulatrices que sont le FMI et la Banque mondiale. Ce faisant, Bretton Woods a mis au point l’ordre monétarofinancier à l’anglo-saxonne sous le joug duquel nous vivons actuellement. Février 2016 9 Le FMI Le FMI, grand ennemi des peuples, pratique un peu à la façon de la BRI. Il octroie, moyennant intérêts, des prêts à des États en grandes difficultés financières – difficultés souvent pilotées par des établissements financiers spéculatifs du type hedge funds 13. La nouveauté par rapport à la BRI est que ces prêts sont octroyés moyennant une double contrepartie : d’une part un taux d’intérêt et d’autre part l’exigence de cessions d’actifs étatiques ou publics à des multinationales afin de permettre le désendettement. Derrière les grandes et belles prétendues volontés ouvertement affichées, la structure même du FMI laisse entrevoir que ses objectifs réels sont à l’opposé de ceux qui sont proclamés : il s’agit tout simplement d’organiser, au moyen d’un pas de danse rhétorique consistant à imposer un endettement tout en exigeant d’en sortir, l’appauvrissement à la fois des États et des populations. Ce vice de construction est tout à fait délibéré, il s’agit tout simplement de la mise en œuvre légale et internationale d’une pure prédation du système politique par les tenants du système économique au moyen de l’affaiblissement structurel de l’assise économique et financière des États. Une fois de plus, on assiste à un dévoiement de la nature politique des États, lesquels sont rabaissés, par une institution internationale, au rang de simples organisations de type privé, faisant fi des intérêts collectifs qui sous-tendent la notion même d’État. La Banque mondiale La Banque mondiale est, comme son nom l’indique, la première pierre au futur édifice du gouvernement mondial. La Banque mondiale est au cœur du système de protection des investissements des entreprises multinationales que nous retrouverons à l’occasion de l’étude sur le libreéchange. Cet organisme, qui prétend officiellement éradiquer la pauvreté dans le monde, est officieusement, mais aussi structurellement, notamment par sa prise de position en faveur des investissements, responsable de l’aggraver. Début 2015, un consortium de journalistes a révélé que la Banque mondiale finançait des projets non seulement inefficaces mais encore en totale contradiction avec ses missions officielles, forçant des millions de personnes à quitter leurs terres ou leurs logements. La Banque mondiale, dominée par la finance anglo-saxonne, a notamment été dirigée par un proche de la famille Bush, Paul Wolfowitz ; ce dernier, baigné à la fois dans le trotskisme et le néo-conservatisme de l’école de Février 2016 10 Chicago, fut également très impliqué dans les affaires du Pentagone. Paul Wolfowitz a dû démissionner de ses fonctions suite à un scandale sur fond de népotisme. Début 2015, un nouveau scandale surgit alors que la Banque mondiale prétend retourner à l’équilibre financier en diminuant ses coûts et augmentant ses ressources par le renchérissement du coût de ses prêts et par l’augmentation de ses placements sur les marchés. Outre que le renchérissement du coût de ses prêts est en totale opposition avec l’objectif officiel d’éradication de la pauvreté affiché par la Banque mondiale, une recherche d’économie ne s’accorde en effet logiquement pas avec la distribution de primes et de bonus à certains de ses hauts dirigeants. Les organisations financières internationales issues des accords de Bretton Woods apparaissent en réalité comme des paravents chargés de légitimer l’affaiblissement des ressources financières des États. Avec la création de ces institutions, nous assistons à l’avènement mondial du fait économique en lieu et place du fait politique. Mais tandis que la conception politique du monde, par essence variée en fonction des histoires propres à chaque nation, avait pour mission de régir tous les intérêts en présence sur un territoire donné, la conception strictement économique et financière du monde ne remplit que la satisfaction des intérêts bien compris d’un tout petit groupe d’individus qui domine la vie économique ; la notion de territoire n’étant dès lors plus pertinente. La domination financière des États s’accompagne en outre d’une homogénéisation préoccupante des intérêts des différents gouvernants du monde ; elle ouvre la voie à l’organisation d’un gouvernement mondial de type oligarchique, le fameux Nouvel Ordre Mondial. Conclusion Le contrôle des flux financiers du monde par un groupe économiquement dominant nécessite un contrôle des monnaies. Ce contrôle est réalisé au moyen de l’organisation d’un système sophistiqué de banques centrale. Le contrôle des monnaies est un instrument privilégié, pour les grands détenteurs de capitaux occidentaux, afin d’agir politiquement sur l’économie de tous les pays du monde. La finance internationale dominée par les propriétaires des grandes banques privées fonctionne, via l’organisation des banques centrales, en système fermé, dans le sens des intérêts d’un très petit nombre d’individus qui ont accaparé les fonctions monétaires et, par voie de conséquence, économiques et politiques des États-nations voués à disparaître. Cette Février 2016 11 domination mondiale par la finance a été parachevée par l’avènement des institutions financières internationales telles que la BRI/BIS ainsi que par les institutions financières issues des accords de Bretton Woods. La domination politique actuelle par les acteurs financiers est irrémédiablement liée à la disparition des États-nations. Le type de domination occidentale classique – celle de l’Ancien Régime – fondé sur la propriété foncière, représentait une conception politique et juridique continentale du monde qui tournait autour du concept d’État-nation. Cette conception a, depuis la Révolution française et avec une nette accélération au XXe siècle, définitivement cédé la place à une domination financière fondée sur une conception du monde de type anglo-saxon entièrement tournée vers le fait économique. Nous assistons aujourd’hui aux dernières scènes d’une vaste entreprise de dépréciation de la notion politique d’État au bénéfice de l’intérêt privé d’un petit nombre de personnes qui se sont rendues maîtresses du système monétaire mondial. En Occident, le fait politique a cédé la place au fait économique. Ce n’est pas un hasard si la méthode de domination ultra-marine fondée sur l’argent et la finance l’a finalement emporté sur la méthode traditionnelle de domination continentale fondée sur l’accaparement de la propriété foncière. Cette évolution est largement due au fait qu’une appropriation ouverte et directe des biens est moins efficace – car soulève bien plus d’hostilité et de résistance – qu’une appropriation sournoise liée à l’anonymat des propriétaires de cartels d’entreprises. L’anonymat permis par le modèle d’entreprise capitalistique joue un rôle essentiel dans l’entreprise de domination mondiale actuelle par les élites financières. Valérie Bugault est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique Notes 1 Sur les bénéficiaires de la politique suivie par les banques centrales, voir par exemple l’article suivant :
http://www.eric-verhaeghe.fr/leurope-est-elle-sous-latutelle-deses-banques ↩ 2 Cf. à ce propos Martin Armstrong ↩ 3 Cf. La guerre des monnaies de Hongbing Song, éditions Le Retour aux sources ↩ 4 Sur l’organisation américaine du système banque centrale, voir
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9serve f%C3%A9d%C3%A9rale des %C3 %89tats-Unis ↩ Février 2016 12 5 Cf. Eustace Mullins Les secrets de la Réserve fédérale aux éditions Le Retour aux Sources (paru en français en octobre 2010) ; voir également Antony C. Sutton Le complot de la Réserve fédérale, aux éditions Nouvelle Terre (paru en France en 2009) ↩ 6 Voir également la thèse de Frédéric Clavert, Hjalmar Schacht, financier et diplomate (1930-1950), HAL archives
ouvertes.fr ; en particulier p. 49 et 50 ↩ 7 A ce propos, lire Annie Lacroix-Riz, L’intégration européenne de la France ; la tutelle de l’Allemagne et des États-Unis, éditions Le Temps des Cerises ↩ 8 Sur l’intérêt structurellement dominant des multinationales en UE, voir par exemple :
https://www.youtube.com/watch?v=0LJdUtJ IM ↩ 9 Sur les limites institutionnelles de la démocratie européenne, voir par exemple :
https://www.youtube.com/watch?v=H8qpT9DASUY ↩ 10 Cf. articles 127 et s. du TFUE, voir en particulier l’article 130 : «Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par les traités et les statuts du SEBC et de la BCE, ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions.» ↩ 11 Cf. l’opération Paperclip :
http://www.voltairenet.org/article14657.html ; également
http://rr0.org/org/us/dod/Paperclip.html ; les réseaux d’exfiltration nazis passaient par le Vatican :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Réseaux d’exfiltration nazis ↩ 12 Voir sur ce sujet Annie Lacroix-Riz :
https://vimeo.com/18006526 ; également : Cf. Annie Lacroix-Riz, L’intégration européenne de la France ; la tutelle de l’Allemagne et des États-Unis, aux éditions Le Temps des Cerises ↩ 13 Sur le rôle des hedge funds dans le déclenchement de la crise grecque, cf. Myret Zaki :
https://www.youtube.com/watch?v=TLjq25 ayWM ↩ Articles from Le Saker Francophone Décryptage du système économique global [2/7] : Géopolitique du libre-échange 2016 03 04 16:03:33 saker Le long cheminement du nouvel ordre mondial Par Valérie Bugault – le 21 février 2016 Introduction Le libre-échange est la déclinaison du principe plus vaste de liberté du commerce. Il s’agit donc d’un concept commercial mis en pratique par des entreprises de type capitalistiques. Sous couvert de liberté du commerce, le libre-échange a pour conséquence la mise en concurrence, au niveau international, de toutes les entreprises du monde. Il en résulte, de façon inéluctable, la disparition des petites et moyennes entreprises au profit des multinationales économiquement plus performantes, en raison non pas de leur efficacité de fonctionnement, mais de leur poids sur les différents marchés. En d’autres termes, le libre-échange favorise concrètement sur toute la planète la prédation économique des agents les plus faibles par les plus gros d’entre eux, c’est-à-dire la concentration des capitaux. En raison de l’extrême prévisibilité de cette conséquence du libre-échange, on peut en déduire qu’elle est, en réalité, l’objectif inavoué du principe en question. Ainsi, la liberté du commerce via le libre-échange n’a pas pour vocation de servir mais au contraire d’asservir – la concurrence faussée et débridée aidant – les petits commerçants. La liberté du commerce au moyen du libre-échange n’a pas non plus pour vocation de servir les intérêts du citoyen en occasionnant une baisse générale des prix puisque la concentration des capitaux, qui lui est consubstantielle, s’y oppose fondamentalement. La liberté du commerce par le libre-échange ne sert finalement les intérêts que d’un seul maître : la petite caste qui détient les principaux capitaux du monde. Caste qui a consciencieusement organisé, à la faveur de sa mainmise sur l’organisation bancaire – permettant l’organisation et l’entretien de crises bancaires et financières 1 – et commerciales du monde, l’accaparement de la majeure partie des biens matériels de cette planète. Nous analyserons l’historique du mouvement de libre-échange (I) avant d’examiner en quoi il s’analyse en une négation du concept d’État (II) et quelle méthodologie il suit (III). I) Historique du libre-échange Au niveau français : Le pilier fondateur du libre-échange, qui est aussi le premier acte de son avènement mondial, se situe formellement en 1791 en France, année qui a vu naître à la fois le décret d’Allarde (des 2 et 17 mars 1791) et la loi Le Chapelier (14 juin 1791). Le décret d’Allarde, officiellement paré des vertus de la liberté, a supprimé les corporations, qui n’étaient rien d’autres que des associations réglementant dans chaque ville les personnes exerçant le même métier. Il s’agissait déjà de la suppression des barrières non tarifaires, c’est-à-dire réglementaires, mais à l’intérieur du territoire français. La loi Le Chapelier, elle aussi parée des merveilleuses vertus de la liberté, a interdit les organisations ouvrières, notamment les corporations de métiers mais aussi les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le compagnonnage ; elle ne visait en revanche ni les clubs patronaux, ni les trusts et ententes monopolistiques qui ne furent jamais inquiétés. Les deux nouveautés législatives que sont le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier, au tout premier plan des avancées révolutionnaires, sont en réalité le premier pas vers ce que nous appelons aujourd’hui le libre-échange. Au niveau européen : S’agissant des institutions européennes, l’idéologie du libre-échange se déroule selon la chronologie suivante : Le traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la CEE : la libre circulation des capitaux, formellement inscrite, n’est pas encore effective. La directive du Conseil européen dite Delors-Lamy de 1988 prévoit la libéralisation complète du marché des capitaux pour 1990. Le Traité de Maastricht (1992) puis les articles 32, 45, 49 à 55 et 63 du TFUE 2 (liberté de circulation des marchandises, des travailleurs, liberté d’établissement et liberté de circulation des capitaux), issus du traité de Lisbonne – ratifié par la France moyennant une forfaiture politique – terminent au niveau européen le travail commencé en France en 1791 en imposant la liberté totale pour les groupes étrangers de s’installer sans limite sur des territoires européens qui ne protègent plus leurs ressortissants. Il faut ici remarquer que l’institution européenne, qui a historiquement débuté en 1952 par la création d’un vaste marché du charbon et de l’acier (CECA), se termine par l’avènement d’institutions (Union européenne) à la solde des multinationales et par la disparition corrélative de la notion d’État en tant qu’entité politique – en raison de la disparition de toute souveraineté étatique; l’État est remplacé par des institutions supra-nationales fondamentalement indépendantes des peuples. Au niveau international : Au niveau international, l’année 1947 constitue le second acte, le second pilier fondateur, de la progression technique du libre-échange. Les accords internationaux du GATT mettent en place dès 1947 la matrice d’un commerce international fondé sur le libre-échange. Il aura néanmoins fallu attendre les accords de Marrakech de 1994 pour voir arriver l’OMC, qui instaure véritablement un ordre du libreéchange au niveau international. Il faut noter que la création de ce nouvel ordre international arrive presque en catimini car il résulte d’une simple annexe à l’acte final du Cycle de l’Uruguay. La mise en œuvre de l’organisation économique mondiale autour du libre-échange avait initialement prévu d’être intégrée aux accords de Bretton Woods 3 . Cependant, des désaccords ayant engendré un contretemps, ce projet commercial de grande ampleur ne vit réellement le jour qu’à l’occasion de la création de l’OMC. Une fois l’organisation mondiale du commerce (OMC) en place, les accords de libre-échange se sont mis à fleurir un peu partout sur la planète. Les grands marchés transpacifique et transatlantique : La réalisation et l’unification des grands marchés transatlantique – dont les négociations vont bon train – et trans-pacifique – signé le 4 février 2016 4 – constituera l’ultime étape de l’avènement du commerce comme ordre sociétal supérieur mondial. Le grand marché transatlantique est matérialisé par divers accords de libre-échanges (TTIP/TAFTA, CETA/AECG, TISA) qui, ajoutés au grand marché trans-pacifique, seront, si la méthode appliquée à la création de l’Union européenne est suivie – ce qui est plus que probable compte tenu du succès rencontré –, le marchepied à l’avènement d’un traité plus vaste instaurant des institutions chargées de réguler le monde. Du point de vue de la méthode, l’oligarchie prédatrice aura alors, pas à pas, amené les différents pays du monde au Nouvel Ordre Mondial (NOM) tant attendu. La technique utilisée par les partisans et auteurs du mondialisme est toujours la même : faire en sorte que la marche suivante soit rendue nécessaire par celle qui la précède. Il semble superfétatoire de préciser que le NOM est attendu, non pas par les peuples, mais bien par l’oligarchie transnationale d’origine anglo-saxonne 5 , oligarchie qui a pris le pouvoir politique en Occident en utilisant méthodiquement la monnaie et le commerce 6 , dont le libre échange est la composante essentielle, comme armes de domination politique. L’ordre militaire étatique, les milices privées et les guerres restent soit des moyens de secours, lorsque la domination politique par l’économie a échoué, soit des moyens pour imposer la domination économique à des dirigeants politiques récalcitrants. Le contexte politique du marché transatlantique : les pouvoirs exécutifs européens contre leurs citoyens Le Congrès américain avait voté, en juin 2015, des pouvoirs accrus au président Obama afin de lui permettre de conclure rapidement des accords commerciaux avec la région Asie-Pacifique et l’Union européenne ; mission aujourd’hui pleinement accomplie par ce président docile pour ce qui concerne l’Asie-Pacifique. Concernant le marché transatlantique, les dirigeants français 7 et allemand 8 se déclarent très pressés de mettre un terme aux négociations en cours qui n’ont, de leur point de vue, que trop retardé la signature de ce marché. Les dirigeants occidentaux – gouvernements et commission européenne 9 – s’avèrent en effet extrêmement motivés pour arriver le plus tôt possible à l’étape de la signature ; leur objectif ultime 10 étant d’arriver à faire entrer en vigueur ce grand marché sans passer par l’accord des parlements, nationaux et européen, considérés comme trop lents et peu fiables. Signalons en effet qu’en raison d’une mobilisation citoyenne sans précédent, le Parlement européen a déjà reporté son vote sur ce sujet. Jamais la signature d’accords internationaux n’aura autant mobilisé un public très majoritairement hostile à ces traités 11. II) Le libre-échange est une négation du concept d’État Attardons-nous un instant sur le contenu modèle des traités de libre-échange instituant ces grands marchés. Les barrières tarifaires – c’est-à-dire les droits de douane – et non tarifaires – c’est-à-dire toutes les réglementations protectrices des consommateurs et des citoyens – devront céder face à la sacrosainte loi de l’investissement et des marchés. Sous l’empire du libre-échange, aucune législation de juste prévention ou de simple précaution ne pourra plus voir le jour car elle constituera un obstacle aux investissements – plus ou moins audacieux – des grands cartels de l’agro-alimentaire et de l’industrie pharmaco-chimique. Concrètement, place doit être au faite au tout transgénique, aux élevages inhumains et intensifs d’animaux mal nourris et gavés d’antibiotiques (farines animales à des ruminants etc.), aux conditions de conservation douteuse des viandes et poissons (poulets chlorés), aux terres agricoles asphyxiées par les engrais et autres pesticides (dont le fameux round-up descendant direct du défoliant agent orange abondamment répandu au Vietnam par les Américains), à l’utilisation d’huiles impropres à la consommation dans la restauration et l’alimentation humaine etc. Le libre-échange conduit à faire renoncer les États à une partie substantielle de leurs ressources fiscales – et donc de leur capacité budgétaire – ainsi qu’à leur prérogative régalienne d’édicter des règles générales – puisqu’il leur devient interdit d’édicter toute réglementation protectrice de leurs ressortissants. Ce programme est réalisé par les États dans l’objectif de favoriser, sur leurs territoires, l’implantation de multinationales détenues par quelques personnes. Dans ce contexte, le libre-échange organise le sabordement, par l’État lui-même, du principe politique étatique. L’objectif du libre-échange est, ni plus ni moins, de voir les États supprimer euxmêmes leur utilité publique ; ultime raffinement de l’oligarchie qui organise le suicide des États par l’anéantissement de leurs prérogatives régaliennes. En effet, une fois acquise la disparition de la fonction protectrice de l’État, son rôle et sa fonction en viennent tout naturellement à pouvoir être mis en cause – en premier lieu par ceux-là même qui ont organisé son affaiblissement. Une expression française reflète parfaitement cette stratégie politique : «Qui veut tuer son chien dit qu’il a la rage.» Par ailleurs et pour s’assurer du respect des principes proclamés, le modèle des traités de libre-échange organise une clause, dite de règlement des différends, qui sanctionne la non-application par les États desdits principes. La clause de règlement des différends incluse dans le modèle des traités de libre-échange donne aux multinationales le droit d’attaquer en justice les États qui auront eu l’audace d’édicter des réglementations protectrices dont l’effet secondaire serait de réduire ou annuler l’espoir de gain résultant d’un investissement fait par des multinationales. A propos de cette clause particulière incluse dans le TTIP : pour faire bonne figure devant la levée de boucliers populaires, Cecilia Malmström, la négociatrice pour l’Union Européenne – commissaire européenne en charge du commerce –, envisage de transformer la cour d’arbitrage initialement prévue pour le règlement des différends en tribunal public. Un tribunal public permanent, payé par les contribuables européens, serait donc chargé de punir les États qui auront adopté des réglementations protectrices de leurs ressortissants dont l’effet aura été de réduire l’espoir de gain suscité par un investissement. Voilà l’avancée démocratique proposée par l’UE : remplacer une Cour d’arbitrage rémunérée par les parties en cause – entreprise et État – par un «tribunal d’investissement public» intégralement payé sur financement public – c’est-à-dire intégralement payé par les con-tribuables – pour protéger les investissements privés des multinationales. Belle rhétorique des mondialistes ! Le libre-échange est synonyme de «point de droit autre que celui de faire commerce illimité et sans condition de tout et partout» – produits et organes du corps humain inclus – permettant de facto, en raison de la disparition des contre-pouvoirs, l’empoisonnement de l’air, des sols et des aliments par les pesticides et autres productions du très puissant conglomérat pharmaco-chimique. Le commerce et le libre-échange ne peuvent exister que débarrassés des barrières chargées de réguler le commerce et d’éviter l’accaparement. Dans ce contexte, les nations et leurs institutions apparaissent comme de potentiels freins à l’expansion du commerce tout azimut. Les États et leurs institutions, derniers remparts des peuples, ont – par la loi du libre-échange – vocation à disparaître du paysage politique qui deviendra vierge de tout corps constitué autre que par et pour servir l’oligarchie, laquelle est déjà officieusement au pouvoir. La finalité du libre-échange est d’être fatal à la démocratie, à la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, à la liberté individuelle et à la propriété privée pour tous. C’est l’oligarchie à la manœuvre qui profitera, à la faveur de l’illusion, savamment entretenue, de la liberté du commerce pour tous – les mondialistes sont d’incontestables maîtres en rhétorique – de la disparition des contrepouvoirs étatiques. Le libre-échange suppose conceptuellement une prise de pouvoir définitive des corps économiques constitués sur les institutions politiques contrôlées par les citoyens. Il est, en réalité, la mise en œuvre, par les élites capitalistiques, d’un objectif géopolitique de domination politique globale. Autrement dit, le libre-échange, élevé au rang de religion, est utilisé par l’oligarchie comme une arme, redoutablement efficace de destruction des États des nations des peuples et des individus Il sert en réalité les intérêts de la caste des acteurs dominant l’économie mondiale, dont l’ambition ouverte est d’instaurer une ploutocratie mondiale. Le pouvoir sans contre-pouvoir, c’est-à-dire le pouvoir absolu, est l’essence même du libre-échange, c’est aussi la définition de la dictature 12. Il en résulte que l’avènement du nouvel ordre mondial (NOM) ne sera rien d’autre que la résurgence au niveau mondial du système féodal : un nouveau système de dépendance et d’asservissement fondé sur la domination monétaire et commerciale, c’est-à-dire le contrôle du monde par les quelques acteurs qui dominent l’économie mondiale. La liberté révolutionnaire du commerce, faussement proclamée pour tous, a été, est et sera en définitive le plus sûr moyen de tuer la liberté politique, civile et patrimoniale du plus grand nombre. Une fois la finalité du libre-échange clairement précisée, intéressons-nous à la raison qui a permis l’émergence d’un principe aussi ouvertement scélérat. III) L’opacité et la corruption comme méthodologie du libre-échange Le libre-échange est indéfectiblement lié à une utilisation massive, voire institutionnelle de la corruption ; il s’accompagne de la suppression des débats publics et d’une corruption de grande ampleur des décideurs politiques. Un exemple canadien, bien qu’ancien, est à cet égard parfaitement instructif. Il laisse apparaître sans aucun doute possible que le libre-échange s’accompagne en coulisse, derrière les beaux et lénifiants discours officiels sur la liberté, d’une volonté puissante de domination et d’une corruption généralisée des élites politiques. L’anecdote particulièrement significative des objectifs réels du libre-échange, a été rapportée par David Orchard dans son ouvrage Hors des griffes de l’aigle. Quatre siècles de résistance canadienne à l’expansionnisme américain, concernant les visées américaines sur l’État canadien. Dans cet ouvrage, l’auteur cite le rapport au département d’État américain fait le 13 mai 1854 par un certain Isaac Andrews, agent secret des États-Unis d’Amérique : «Dans le but d’aider les mouvements partisans de l’annexion et du libre-échange au Canada, j’ai versé 5 000 dollars à un rédacteur de journal, 5 000 dollars à un procureur général, 5 000 dollars à un inspecteur général et 15 000 dollars à un député de l’assemblée du Nouveau-Brunswick. J’ai pris par conséquent les mesures qu’exigeait la situation au Nouveau-Brunswick afin de modérer l’opposition et de tranquilliser l’opinion publique. J’ai réussi à me rendre à […] avant la fin de la session de l’assemblée législative du Nouveau-Brunswick et ainsi éviter tout débat sur la proposition de traité de libre-échange à l’étude ou sur toute autre mesure législative néfaste. J’ai déversé plus de 100 000 dollars pour convaincre d’éminentes personnalités d’appuyer l’annexion du Canada par les États-Unis ou, sinon, le libre-échange avec les États-Unis. Mais cette somme n’est rien en comparaison des privilèges qui vont être obtenus de façon permanente et du pouvoir et de l’influence que cela donnera à jamais à notre Confédération.» Le fonctionnement de l’Union européenne, institution fondée par et pour le libre-échange, est une autre illustration de l’utilisation massive, institutionnellement admise, de la corruption des décideurs publics par les firmes multinationales ; cette corruption porte le doux nom anglais de lobbying. En Union européenne, le pouvoir législatif est entre les mains de décideurs non élus, les commissaires européens, adoubés par les pouvoirs exécutifs européens et d’autres institutions comme le CFR – qui promeut la consolidation économique du monde en blocs régionaux. La Commission européenne est, par construction, toute acquise à la cause oligarchique. Plus récemment, les conditions de secret qui entourent la gestation du grand marché transatlantique est une autre manifestation de la vaste entreprise d’opacité, visant à court-circuiter les institutions politiques des États, qui accompagne de façon structurelle le libre-échange. Les élus d’Europe n’ont qu’un accès tardif et réduit aux négociations du grand marché transatlantique, qui ne supportent aucun réel débat public. L’accès aux documents de travail des élus n’est possible que dans des conditions extrêmement surveillées 13. Les parlementaires allemands ayant, sans surprise, davantage accès auxdits documents que les parlementaires des autres États, tout en ayant une interdiction formelle de les photocopier 14. Conclusion : de la liberté du commerce à la disparition de la civilisation Le libre-échange organise au niveau mondial un pur schéma de prédation économique qui a tôt fait de se transformer en prédation politique, géopolitique et civilisationnelle. Cette prédation ultime est une conséquence mécanique de la prédation économique qui génère spontanément une énorme concentration de capitaux. Les très grandes entreprises, dirigées par leurs actionnaires majoritaires, prennent le contrôle institutionnel des États au moyen du libre-échange. Le champ d’action de la liberté totale du commerce, compris comme la domination géopolitique de la caste des grands capitalistes, n’est plus, aujourd’hui, limitée que par les seules connaissances techniques et scientifiques ; elle se développe et progresse à mesure que progressent ces dernières. Ainsi, alors que la société commerciale permet de faire commerce de tout type de biens, licites ou illicites, elle permet aujourd’hui d’intégrer au commerce non seulement le corps humain mais aussi et surtout les produits et parties de celui-ci, remettant fondamentalement en cause la notion d’intégrité du corps humain. L’objectif à peine inavoué des principaux capitalistes à l’œuvre paraît bien être la possession de l’éternité, qui justifie les énormes capitaux investis – notamment par une entreprise comme Google – dans le projet transhumaniste. Au-delà de la destruction des États, la liberté totale du commerce a pour conséquence sociologique d’engendrer une déstructuration profonde des sociétés humaines traditionnellement fondées sur un ancrage géographique et sur l’affection filiale et intergénérationnelle. Elle a également pour effet – à moins que ce ne soit un objectif ? – de détruire l’intégrité du corps humains, ravalant l’Homme au rang de bien matériel. Le libre-échange préfigure un monde dans lequel les classes financièrement inférieures seront reléguées au rang de fournisseur de pièces de rechange corporelles pour les plus riches. Au bout du chemin du libre-échange il y a non seulement la disparition des États nations mais encore, et surtout, l’asservissement généralisé, voire même, un pas plus loin – si l’on en croit les indications du Georgia Guidestones – la disparition d’une bonne partie des populations vivant sur terre. Cette voie, toute tracée pour nous par l’oligarchie à la manœuvre, n’est pas inéluctable. Nous verrons plus tard 15 que ce projet de domination planétaire, entièrement fondé sur la notion d’entreprise, peut être stoppé par une simple appropriation juridique par les États du concept d’entreprise. En d’autres termes, la survie – de la liberté et de l’humanité – suppose que l’entreprise de type capitalistique réintègre le corps social, dont elle a – grosso modo depuis la Révolution française – émergé comme une tumeur cancéreuse sur un organe sain. Un tel retournement des choses aurait pour effet de remettre le fait économique dans le giron du fait politique et de rendre à la notion d’État ses lettres de noblesses. Quel État, quel chef d’État, en sera capable ? Valérie Bugault est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique Article précédent Article suivant À Suivre… Vendredi prochain même heure jusqu’en avril Notes 1. Lire à cet égard les articles à venir sur la géopolitique des banques centrales ainsi que celui qui sera consacré au fonctionnement des banques et des entreprises ↩ 2. Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne ↩ 3.
http://lewebpedagogique.com/grunen/accords-de-bretton-woods-22-juillet-1944/ ;
http://abc economie free fr/gratuit/brettonwoods html ↩ 4.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/05/partenariat-transpacifique-un-accord-entrelesetats-unis-et-onze-pays_4782836_3234.html ;
http://www.lefigaro.fr/flasheco/2016/02/04/97002- 20160204FILWWW00001-l-accord-de-partenariat-transpacifique-signe.php ↩ 5. Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine, de Carroll Quigley, publié aux États-Unis en 1981 et traduit en français cette année, avec une préface de Pierre Hillard ↩ 6. Lire nos articles concernant la géopolitique des banques centrales et le fonctionnement des entreprises et des banques ↩ 7.
http://www.euractiv.fr/section/commerce-industrie/news/francois-hollande-veut-accelererlesnegociations-commerciales-avec-les-etats-unis/ ;
http://reporterre.net/La-mobilisation-contreleTraite ↩ 8.
http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20150305triba7dc96c4a/ttipmerkelveut-signer-avec-les-etats-unis-en-2015.html ↩ 9.
http://www.latribune.fr/opinions/blogs/vu-de-bruxelles/cecilia-malmstrom-une-infirmiere-auchevetdu-ttip-475734.html ↩ 10. Voir par exemple :
https://stoptafta.wordpress.com ↩ 11.
http://fr.novopress.info/191459/25-millions-signatures-contre-tafta-poubelle/ ;
http://www.marianne.net/susan-george-32-millions-signatures-contre-tafta-c-est-premiereeurope100237158.html ;
http://www.upr.fr/actualite/monde/tafta-l-upr-lance-une-grande-petitionpourdemander-a-francois-hollande-l-organisation-d-un-referendum ;
http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/europe-etats-unis-pourquoi-le-traite-taftaneverra-pas-le-jour-en-2015_1643110.html ↩ 12. La dictature est, selon le dictionnaire Larousse, un «régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par une personne ou par un groupe de personnes qui l’exercent sans contrôle, de façon autoritaire». ↩ 13.
https://stoptafta.wordpress.com/2016/01/07/acces-des-eurodeputes-aux-documentsdenegociation-sur-le-tafta-ttip/ ; pour l’accès limité aux parlementaires français :
http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/arret-des-negociations-du-tafta-le-double-jeudela-france_1720112.html ↩ 14.
http://danielleauroi.fr/?p=10599 ;
http://fr.sputniknews.com/opinion/20160127/1021251518/taftaallemagne-documentssecrets.html ↩ 15. Les articles à suivre concernant la géopolitique de l’entreprise (parties 5 et 6) ↩ 3 934 Articles from Le Saker Francophone Décryptage du système économique global [3/7] : Géopolitique de l’optimisation fiscale 2016 03 11 16:03:22 saker Par Valérie Bugault – le 21 février 2016 Introduction La technique dite d’optimisation fiscale est la conséquence juridique de la généralisation du principe de libre-échange 1 . Le libre-échange peut se définir en quatre mots : la suppression des frontières. L’optimisation fiscale consiste, pour les entreprises, à localiser leur bénéfice dans les places les moins fiscalisées. L’optimisation fait perdre aux États, légalement et mécaniquement, une partie substantielle de leurs ressources budgétaires. Le contexte dans lequel s’inscrit l’optimisation fiscale Le rapport de force entre d’une part les États et d’autre part les entreprises multinationales a été fondamentalement modifié par la généralisation du principe de libre-échange et de l’optimisation fiscale qui lui fait cortège. Au point de changer, de façon fondamentale, la conception du rôle de l’administration fiscale : de père fouettard, celle-ci est devenue 2 , à coup d’instructions et autres recommandations en ce sens, un correspondant des entreprises chargé de négocier dans le cadre des rescrits fiscaux 3 . Les administrations fiscales deviennent des organismes consensuels cherchant des arrangements acceptables avec les entreprises. Tantôt il s’agit de négocier d’un commun accord avec les entreprises le schéma général de leurs prix de transfert (facturation intra-groupe) – en conformité à des lignes directrices éditées au niveau européen dans le cadre des réunions dites Ecofin, application du soft power cher aux Anglo-Saxons –, tantôt il s’agit de négocier avec elles certains avantages en contrepartie de leur implantation à tel ou tel endroit, etc. Tout le monde a entendu parler du prétendu scandale des accords fiscaux de monsieur Juncker 4 . Les Luxembourg aux multinationales et de l’absence de transparence avec les autres États de l’Union européenne. Ce que les gens savent moins est que la pratique des accords fiscaux est une pratique générale au sein des pays de l’OCDE. En particulier, tous les États européens, et la France ne fait évidemment pas exception, pratiquent, à des degrés divers, ce genre de négociations fiscales avec les multinationales et les grosses PME. Ce jeu s’impose aux États qui veulent survivre à la concurrence mondiale organisée par le libre-échange qui met État et multinationale sur un pied d’égalité institutionnel. Cette pratique, perverse pour les budgets des États, démontre la faiblesse constitutive de ces derniers face aux multinationales. Cette faiblesse est organisée de telle sorte que ce sont les États eux-mêmes qui sont amenés à gérer leur propre sabordement en entrant dans le jeu mondial de la moins-disance fiscale. Insistons sur le point suivant : les règles du jeu du processus conduisant au sabordement des États ont été organisées et acceptées par les plus hautes instances politiques étatiques. La responsabilité de l’apparition des règles du libre-échange international incombe entièrement aux hommes politiques des États qui ont accepté de signer les traités comme les accords du GATT, de l’OMC, de l’OCDE, de l’Union Européenne… Ces traités une fois signés, leurs règles – aussi autodestructrices soient-elles – se sont ensuite imposées aux différents appareils d’État. Les fonctionnaires n’ont pas d’autre choix que de mettre en œuvre, puis faire appliquer sur le territoire de leur État, les accords internationaux signés par les hommes politiques en charge. Certains chefs d’État ont signé ces accords sans en comprendre réellement les enjeux juridiques de nature géostratégique, d’autres ont pu les signer en étant acquis à la cause oligarchique, d’autres encore sous la menace… Dans ce contexte, s’agissant d’optimisation fiscale, un certain discours public empreint de fatalisme économique fait donc face à une réalité qui relève d’un rapport de force géopolitique. D’un côté nous avons les jérémiades étatiques et les discours qui s’ingénient à prétendre possible une lutte contre la perte de rentrées fiscale des États liée à la notion d’optimisation ; discours étayés par certains redressements fiscaux présumés 5 . De l’autre côté il existe des raisons d’ordre international, géostratégique et géopolitique, qui suppriment aux États occidentaux, mais plus généralement aux pays de l’OCDE et bientôt au monde entier, la possibilité de lutter de manière effective – et non seulement oratoire – contre l’optimisation fiscale. Précisons que le terme optimisation ne vaut que du point de vue de l’entreprise, car du point de vue des États, il s’agirait plutôt d’évasion fiscale. L’optimisation fiscale, émanation technique du libre-échange, est une pièce majeure du nouvel agencement géopolitique international. Cette organisation en cours d’élaboration tend à faire perdre aux États leur prééminence politique afin de les mettre au service des acteurs économiques dominants. Il s’agit d’une stratégie de prédation du fait politique par le fait économique dans l’objectif d’une prise de pouvoir politique globale. Nous analyserons l’historique de l’optimisation fiscale (I) avant de considérer son fonctionnement (II) et le détournement de la notion d’État qui en résulte (III). I. Contexte historique de l’optimisation fiscale L’optimisation fiscale a été consciencieusement organisée par les grands argentiers du monde occidental dès le début du XXe siècle. Elle s’est ensuite généralisée au fur et à mesure que ces mêmes individus imposaient les règles du commerce international au monde entier. Ce sont les propriétaires des grandes entreprises américaines (dans les domaines pétroliers, du rail etc.) qui, au début du XXe siècle, et à la faveur de l’organisation des USA en fédération, avaient pris l’habitude de localiser les bénéfices de leurs lucratives activités dans les États qui étaient fiscalement les moins exigeants. Les États fédérés étaient ainsi mis en concurrence juridique et fiscale les uns avec les autres. Les collectivités publiques s’étaient alors, en retour, organisées pour lutter en tentant d’encadrer ces pratiques prédatrices, faisant naître les prix de transfert. Il faut rappeler que les grands établissements financiers – Rothschild et consorts – avaient favorisé l’émergence de ces firmes – de type monopolistique – en finançant sans limites leurs activités, permettant ainsi l’avènement d’un nombre réduit de grandes entreprises, devenues groupes économiques, détenues par un nombre restreint d’individus, tels les Rockefeller. Ces grands capitalistes ont parallèlement réussi à prendre le contrôle monétaire, dès 1913 avec la création de la Réserve Fédérale 6 , puis de la politique des États-Unis d’Amérique. Les USA ayant été les grands vainqueurs financiers de la Seconde Guerre mondiale, les capitalistes qui détenaient concrètement cet État ont alors entrepris de généraliser au niveau mondial les recettes prédatrices qui leur avaient si bien réussi en interne. C’est ainsi que sont nés, en 1947, les accords du GATT et l’OECE issue du plan Marshall 7 ; l’OECE fut transformée et élargie en 1961, sa vocation devenant mondiale, en OCDE. Les efforts de l’oligarchie occidentale ont été définitivement couronnés de succès en 1994 par l’arrivée, sur la scène internationale, de l’OMC, qui impose le libre-échange à tous ses membres. L’OMC a généré la signature de multiples traités de libre-échange un peu partout dans le monde ; bien que l’ALENA n’ait pas attendu la signature de l’OMC pour entrer en vigueur quelques semaines plus tôt. Les institutions de l’Union européenne organisées par des Traités successifs (1957, 1992, 2007) dont les piliers fondateurs sont le libre-échange s’analysent en une consolidation géopolitique de l’entreprise de domination des États par les multinationales (sur ce sujet lire mon article précédent sur la Géopolitique du libre-échange). Forts de leur expérience américaine réussie et dans l’objectif de renforcer leur position stratégique dans leur ambition de conquête du monde, les grands argentiers ont créé l’UE comme bras armé régional de leurs intérêts. L’Union européenne opère comme un mur de consolidation de l’édifice international consistant à reléguer les États au rang de reliques. En conclusion, l’optimisation fiscale est indissociable du libre-échange qui, en organisant ses propres conditions d’existence, favorise en retour les possibilités d’optimisation : le scandale Juncker en est la parfaite illustration. II. Fonctionnement de l’optimisation fiscale La conjonction du commerce intra-groupe et des principes de liberté de circulation des capitaux, des biens et des personnes permet une localisation judicieuse des activités au sein des groupes constitués de sociétés variées, autant par leur nombre que par leur forme. Concrètement, les actionnaires majoritaires d’un groupe économique décident de localiser la société portant la valeur juridique et économique – celle qui détient la marque ou le brevet par exemple – dans un État où la fiscalité générale, ou seulement celle afférente aux marques et brevets, est favorable ; cet État n’étant pas nécessairement un paradis fiscal au sens strict. Par exemple, la législation française a longtemps été très favorable à l’activité de recherche et développement en permettant la déduction des frais de recherches réalisés à l’étranger. De ce fait, la France, considérée comme un paradis pour cette activité particulière, attirait volontiers la localisation de centres de recherches des différents groupes. Notons que dans un monde digital où les actifs sont de plus en plus dématérialisés (marques, brevet etc.), il devient de plus en plus aisé, pour les propriétaires de groupes de sociétés, de localiser la valeur dans des endroits fiscalement accueillants et d’organiser le groupe en entreprises spécialisées par tâches. L’exemple d’Amazon est à cet égard très explicite. Ce groupe centralise sur une société luxembourgeoise en commandite simple la valeur de ses actifs technologiques (sites web, systèmes d’information etc.). L’activité de commercialisation (vente en ligne) des produits Amazon est quant à elle centralisée sur une autre société, holding de type commercial (SARL), luxembourgeoise. Toutes les autres sociétés européennes d’Amazon sont des filiales qui fournissent à la SARL luxembourgeoise un service de logistique et d’expédition (distribution). La SARL luxembourgeoise paie d’une part les frais d’utilisation des actifs technologiques à la société en commandite simple luxembourgeoise, et d’autre part les frais de distribution aux différentes filiales européennes, vidant ainsi de sa substance la majeure partie de son chiffre d’affaire. Du point de vue des entreprises, la localisation judicieuse des activités est considérée par les agents économiques comme réalisant une bonne gestion car elle leur permet de choisir la localisation d’une activité en fonction du lieu qui offre le moins de pression juridique, sociale, réglementaire ou le plus d’avantages fiscaux sur cette activité particulière. La localisation judicieuse des activités permet aux entreprises d’un même groupe de réaliser de substantielles économies d’impôts parce que celles-ci sont légalement autorisées à commercer entre elles. La pratique du commerce intra-groupe, qui fait d’une entité du groupe une cliente d’une autre entité du même groupe, est une pratique décisive et essentielle dans le concept d’optimisation fiscale. Cette liberté du commerce intra-groupe, actée par les États est cependant perçue par eux comme un danger. C’est la raison pour laquelle ces derniers ont réagi en tentant de contrôler ces flux internationaux intra-groupe par la pratique dite des prix de transfert Les prix de transfert sont les prix de facturation – dite intra-groupe – pratiqués entre elles à l’international par des entreprises appartenant à un même groupe. Les administrations fiscales des États cherchent à contrôler la juste évaluation de la tarification d’un service ou d’un bien fourni à l’international entre sociétés d’un même groupe. La détermination de ces prix est, par essence, particulièrement difficile et sujette à caution. D’une part le pouvoir propre de négociation de chaque entité juridique d’un même groupe n’existe que dans la mesure restreinte de l’intérêt des actionnaires majoritaires du groupe. L’absence de réelle autonomie décisionnelle au niveau économique de chaque entreprise va de ce fait directement à l’encontre de son autonomie juridique apparente. D’autre part les prix objectifs qui servent d’étalonnage aux prix de transfert, c’est-à-dire ceux pratiqués en dehors du groupe par des entreprises indépendantes, sur le marché en question – s’il existe – peuvent-être eux-mêmes faussés par l’existence du groupe si ce dernier est, sur le marché en question, dans une situation oligopolistique – ce qui n’est pas rare. La détermination du prix intra-groupe est fondamentale car c’est à travers lui que les bénéfices sont transférés d’une société du groupe à une autre. Dans le cas d’Amazon, l’évaluation de la redevance afférente aux services technologiques permet la localisation de l’essentiel du bénéfice dans la société en commandite simple qui porte les actifs technologiques, alors que l’essentiel de l’activité est généré par les filiales de commercialisation situées dans chaque pays. Du point de vue des États, la pratique de l’optimisation fiscale a un effet immédiat : elle génère mécaniquement une course à la moins-disance fiscale. Les États se voient contraints de proposer aux entreprises toutes sortes de cadeaux juridiques et fiscaux afin de conserver ou accueillir sur leurs territoires des entreprises qui feront entrer des prélèvements obligatoires – dont le rôle est précisément de faire fonctionner ces États. Les États sont ainsi mis en concurrence les uns avec les autres sur le montant des cadeaux proposés. C’est ainsi que les États les moins exigeants en matière d’impôts remportent la mise de l’installation des entreprises sur leurs territoires. Le jeu fonctionne tant et si bien que les États se voient, de façon structurelle, contraints de réduire leur propre possibilité de financement pour servir l’intérêt des entreprises, c’est-à-dire l’intérêt privé des propriétaires majoritaires de ces dernières. La pratique de l’optimisation fiscale a également un effet secondaire : elle pousse les États à se spécialiser dans certains types d’activité, pour laquelle ils souhaitent être compétitifs. L’exercice effectif d’autres types d’activités se trouve juridiquement et fiscalement découragé. Les États sont ainsi poussés à se priver, volontairement, du savoir-faire et des actifs afférents aux activités sacrifiées. Nous assistons ici à une sorte de fordisme appliqué aux États. Si la motivation des États est la survie économique à court terme dans un environnement ultraconcurrentiel, les effets de ce système sont invariablement et mécaniquement, sur le moyen et long terme, un appauvrissement général des États, tant en matière économique qu’en matière de savoir-faire. De l’optimisation fiscale aux paradis fiscaux L’exposé du fonctionnement de l’optimisation fiscale rend nécessaire une brève analyse des interactions entre optimisation et paradis fiscaux. Ces derniers ne sont pas seulement des places qui imposent un bénéfice mais aussi et surtout des places qui permettent de déplacer le bénéfice dans un endroit où les propriétaires anonymes d’une entreprise ne seront pas imposés. Pour reprendre l’exemple d’Amazon, la société qui récupère l’essentiel du bénéfice du groupe en Europe, ne paie pas d’impôt au Luxembourg car, particularité juridique de la société en commandite simple luxembourgeoise, l’impôt est payé dans le pays de résidence des commanditaires, en l’occurrence trois sociétés américaines immatriculées au Delaware, paradis fiscal américain. L’utilisation des paradis fiscaux opère comme un élément accélérateur de la domination des multinationales sur les États en fluidifiant les flux financiers et en procurant un refuge fiscal aux bénéfices générés par l’optimisation. III. Conséquence de l’optimisation fiscale : un détournement légal de la notion d’État Nous avons vu que le processus qui porte le nom d’optimisation fiscale est une conséquence du principe de libre-échange, qui se matérialise juridiquement par la liberté de circulation des capitaux, des biens et des personnes. L’avènement de ces principes au niveau mondial a permis l’émergence de l’entreprise comme acteur institutionnel de droit international ; mettant État et multinationale – c’est-à-dire groupe économique – en position d’égalité statutaire. L’optimisation fiscale intervient pour organiser et structurer juridiquement le principe général de libre- échange. Elle place les États en position de devoir attirer le chaland, c’est-à-dire en position d’infériorité économique par rapport aux multinationales qui pratiquent une sorte de chantage à l’installation. Concrètement, les États sont ravalés à la position de simples agents économiques contraints de marchander leur pain quotidien auprès des multinationales. Nous assistons ici à un détournement de la nature juridique de l’État. Un pas plus loin, l’État est, par le jeu combiné du libre-échange et de l’optimisation fiscale, ravalé au rang de simple agent économique au service exclusif des acteurs économiques dominants. En réduisant volontairement leurs propres possibilités de fonctionnement – puisqu’il s’agit pour eux de réduire d’abord leurs prétentions fiscales sur les entreprises – les États sont mis, de façon structurelle, dans la situation de devoir rendre service aux principaux propriétaires des groupes économiques. L’optimisation fiscale réalise ici un détournement de la fonction de l’État, qui n’est plus de rendre service aux gens qui vivent sur son territoire, mais de favoriser les propriétaires de capitaux des très grandes entreprises, générant du même coup un tarissement spontané des moyens financiers étatiques. Plus de cadeaux fiscaux aux entreprises signifie en effet, de façon mécanique, moins de rentrées en termes de prélèvements obligatoires (impôts et charges sociales). Ce qui a pour effet direct une disparition des moyens d’action de l’État pour améliorer le bien commun, pour financer, par exemple, des infrastructures utiles à tous, ou encore pour redistribuer une partie de la richesse produite de façon à donner aux plus démunis, individus ou collectivités publiques, la possibilité d’œuvrer également à l’amélioration du bien commun. L’ordre oligarchique international ainsi conçu tend à assurer la prééminence statutaire des groupes économiques sur les États. L’OCDE joue, dans ce nouvel ordre mondial, un rôle essentiel. Le rôle prépondérant de l’OCDE dans l’hégémonie mondiale des groupes économiques Dans l’organisation internationale du libre-échange et de l’optimisation fiscale qui en découle, le rôle de l’OCDE est primordial ; sous couvert d’harmonisation, de promotion de développement économique et de proposition de réglementation – en particulier par la mise à disposition des États de modèles de conventions internationales – cet organisme, appliquant le principe de soft law, met en réalité tout en œuvre pour permettre aux entreprises d’asseoir leur position dominante face aux États. Par exemple, sous prétexte de limiter et supprimer les situations de double imposition des entreprises, l’OCDE cristallise la possibilité légale pour les entreprises à implantations multiples de faire échapper des pans entiers d’activité à l’impôt dû dans un pays en les localisant dans des pays à fiscalité moins contraignante – qui ne sont pas nécessairement des paradis fiscaux. Si l’OCDE prétend lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale, c’est essentiellement pour ne pas indisposer à son égard des États de plus en plus réticents face à la généralisation de l’évasion fiscale au moyen de l’utilisation des paradis ; le tour de passe-passe, purement rhétorique, consiste à vouloir agir pour prétendre permettre aux États de collecter effectivement l’impôt dû. L’OCDE propose en définitive de limiter les cas les plus extrêmes, c’est-à-dire les possibilités de société hybrides – double nationalité dans un pays particulier et dans un paradis fiscal – ainsi que l’utilisation de coquilles vides 8 ; cet organisme se félicitant dans le même temps des bas taux d’imposition, lesquels sont générés par la moins-disance fiscale. L’OCDE ne propose évidemment pas de supprimer la liberté de circulation des capitaux, des biens et des services, cause primaire de l’existence de la technique d’optimisation fiscale. Par l’harmonisation et le modèle de développement économique que l’OCDE met à la disposition des entreprises et des États, cet organisme impose en réalité la prédominance institutionnelle des entreprises sur les États. La pratique à l’échelle mondiale de l’optimisation fiscale réalise en réalité un détournement juridique de la notion d’État, à la fois dans sa nature et dans sa fonction juridique. Pour remettre les choses à leur bonne place, il suffit de se souvenir que la fonction juridique d’un État n’est pas de nature strictement économique, comme l’est celle d’une entreprise, mais de nature politique : l’État est une entité issue de la collectivité de ses habitants, chargée de réguler la vie en commun des habitants vivant sur son territoire. Conclusion L’appauvrissement financier des États qui résulte de l’optimisation fiscale entraîne un appauvrissement moral de ces derniers. En effet, pour faire face au financement de leur différents services publics traditionnels, les États sont naturellement contraints d’augmenter la pression fiscale et sociale – en termes d’assiette, de taux et de contrôle – sur les petits contribuables, entreprises ou particuliers, qui ne peuvent pas délocaliser leurs revenus ; ce qui génère, en retour une augmentation légitime de la grogne sociale. Les États perdent en conséquence non seulement des facultés de financement, mais également, ce qui est sans doute encore plus grave, leur légitimité populaire, c’est-à-dire leur droit moral d’exister. Par le biais de ce dégât collatéral du libre-échange, les petits contribuables – entreprises ou particuliers –, réelles victimes du système en place, deviennent des auxiliaires objectifs des projets oligarchiques de destruction du concept d’État. Les groupes économiques qui maîtrisent, par la mise en place de différents organismes internationaux, les règles du jeu institutionnelles, disposent des États comme de pions sur l’échiquier des institutions internationales. Le libre-échange et l’optimisation fiscale opèrent une réelle prise de pouvoir politique des propriétaires majoritaires des multinationales – groupes économiques – sur les États. Étant donné le poids des USA et de leurs alliés-assujettis, les États récalcitrants à entrer dans la nasse contractuelle multilatérale créée par l’OMC, l’OCDE, l’UE, etc. se trouvent de facto mis au ban de l’évolution ainsi organisée du commerce international. Il en résulte que ces États ne sont pas en position de lutter contre cet ordre mondial économique. Valérie Bugault est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique. Article précédent Article suivant Notes 1. Voir à ce propos notre article précédent sur la géopolitique du libre-échange ↩ 2. Il s’agit, pour la France d’une véritable révolution des mentalités qui a mis du temps à se mettre en place ↩ 3. Voir à ce propos
http://www.cms-bfl.com/NewsMedia/PublicationDetail/Pages/default.aspx? PublicationGuid=e1818021-c0d1-4dab-89e6-88696cdef38b ;
http://www.impots.gouv.fr/portal/dgi/public/popup? docOid=documentstandard_5738&espId=0&typePage=cpr02 ; sur le problème de la transparence des grandes entreprises sur la pratique des rescrits fiscaux, voir :
http://www.europarl.europa.eu/news/fr/newsroom/20150609IPR64206/Des-soci%C3%A9t%C3%A9sincapables-de-rencontrer-la-commission-desrescrits-fiscaux ; sur la coordination européenne en matière de rescrits fiscaux :
http://www.europarl.europa.eu/news/fr/top-stories/20150318TST35503/Fiscalit%C3%A9-desentreprises ↩ 4. Cf.
http://www.politis.fr/articles/2014/11/juncker-au-centre-dun-scandale-fiscal-impliquant- 340multinationales-28907/ ; et encore
http://www.huffingtonpost.fr/2014/11/06/luxembourg-junckerluxleaksoptimisation-fiscale-commission-europeenne_n_6112956.html ↩ 5. Par exemple le présumé redressement fiscal de Google France :
http://www.lefigaro.fr/secteur/hightech/2016/02/24/32001-20160224ARTFIG00266-google-risque-unredressement-fiscal-d-16-milliard-deuros-en-france.php ;
http://www.lefigaro.fr/secteur/hightech/2015/08/17/32001-20150817ARTFIG00039google-a-baisse-de-35-ses-impots-payes-enfrance.php ↩ 6. Cf. La guerre des monnaies ; la Chine et le nouvel ordre mondial, de Hongbing Song ↩ 7. Le plan Marshall était volontiers paré aux yeux du grand public de la cape de la bienfaisance américaine pour la reconstruction européenne ; il a été en réalité le moyen utilisé par les capitaux américains pour s’implanter massivement et durablement en Europe occidentale. ↩ 8.
http://www.lefigaro.fr/impots/2013/01/20/05003-20130120ARTFIG00136-google-amazon-apple-locdelance-l-offensive.php ↩ 2 433 Articles from Le Saker Francophone Décryptage du système économique global [4/7] : Géopolitique des paradis fiscaux Introduction Le terme de «paradis fiscal» a été évoqué à l’occasion d’un précédent article consacré à la géopolitique de l’optimisation fiscale, ce qui n’a rien d’étonnant, car l’existence même de ce concept est indéfectiblement liée au commerce et aux bénéfices qu’il génère. Toutefois, outre que ce terme n’avait alors pas été défini, le contexte historique et géopolitique dans lequel s’inscrivent les paradis fiscaux mérite que l’on s’y attarde un moment. L’objet du présent texte n’est pas de détailler les législations françaises, européennes et autres, de la lutte contre l’évasion fiscale mais de montrer le rôle et l’évolution des paradis fiscaux dans l’architecture économique et commerciale globale passée, actuelle et future. La définition du paradis fiscal varie généralement en fonction des organismes qui s’y intéressent 1 . Néanmoins, depuis le G20 de Londres de 2009, la définition donnée par l’OCDE en 2001 2 fait consensus au niveau international. Cette définition se concentre sur les quatre critères suivants : 1° l’absence d’impôt, ou la présence d’impôts insignifiants, dans le cas des paradis fiscaux, et une imposition effective faible ou nulle des revenus considérés dans le cas des régimes préférentiels ; 2° l’absence d’échange effectif de renseignements ; 3° le manque de transparence ; 4° l’absence d’activités substantielles, dans le cas des paradis fiscaux, et les pratiques de cantonnement dans le cas des régimes fiscaux préférentiels. D’une façon générale 3 les principaux éléments permettant d’identifier un paradis fiscal sont : un secret bancaire opposable aux États, une fiscalité des non-résidents particulièrement allégée voire nulle, une législation permissive quant à l’opacité des propriétaires des fonds déposés et une absence d’échange de renseignements fiscaux avec les états tiers. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les paradis fiscaux occidentaux traditionnels existaient à la marge, de façon officieuse et n’étaient pas un rouage essentiel de l’économie. Ce premier type de paradis fiscal était essentiellement dominé par des États indépendants. Dans la seconde moitié du XXe siècle, les principaux banquiers occidentaux ont mené, via les États-Unis 4 , leurs États satellites et les organismes internationaux qu’ils ont institués, une guerre sans merci aux paradis fiscaux reposant sur les comptes numérotés, permettant une immense concentration d’argent disponible entre les mains des principaux banquiers de la planète agissant dans des paradis organisés autour des trusts anonymes. 2016-03-18 17:03:31 saker Par Valérie Bugault le 21 février 2016 La différence entre l’avant et l’après Seconde Guerre mondiale est de taille. La domination américaine a changé en profondeur à la fois la quantité et la qualité des paradis fiscaux. En quantité, le nombre d’États indépendants paradis fiscaux, a subi une phénoménale augmentation. En terme qualitatif, les paradis fiscaux anglo-saxons ont acquis un statut social : ils deviennent partie intégrante de l’organisation économico-politique globale voulue par les plus grands capitalistes occidentaux qui contrôlent la Fed, les différentes banques centrales, la BRI et les institutions financières internationales issues des accords de Bretton Woods. Ce phénomène a accompagné la fusion des anciens empires européens, tous peu ou prou ralliés à la méthode de domination financière anglo-saxonne. Cette domination a permis une transmutation de la notion même de l’impérialisme : de politique, celui-ci est devenu financier. Nous présenterons la genèse et l’historique des paradis fiscaux avant de décrire leur rôle géopolitique. I) Genèse et historique des paradis fiscaux Si l’on remonte au Moyen-Âge, les paradis fiscaux trouvent leur origine dans la notion de ville franche, qui étaient des villes exonérant les commerçants de l’impôt seigneurial. Ces villes étaient souvent des villes portuaires, des lieux de passage des marchandises qui rendaient nécessaire la présence sur place des commerçants. La City de Londres, qui acquiert dès 1319 une autonomie politique, peut être considérée comme étant historiquement le premier paradis fiscal des temps modernes. Elle abrite les plus riches commerçants anglais qui ont obtenu d’Édouard II – souverain faible et/ou corrompu – un statut dérogatoire au droit public. La City est, depuis cette époque, une ville dans la ville, son activité financière échappe à la magistrature de l’État britannique tout en faisant bénéficier l’empire thalassocratique des largesses financières nécessaires à son propre développement. La City a opéré comme une sorte de poste de pilotage de l’empire britannique conférant aux dirigeants britanniques qui se sont succédé les moyens financiers de développer leur autorité sur le reste du monde. Dans ce contexte, la relation entre l’État britannique officiel et la City était apparemment d’ordre symbiotique, le développement de l’un conditionnant celui de l’autre. Toutefois, dans la mesure où l’apport financier est le moteur de ce type de développement, la symbiose tend à se transformer en parasitisme : le pouvoir politique apparent est, en réalité, au service du pouvoir financier caché, lequel décide ou non d’accorder au premier les subsides requis. Le pouvoir financier vit et se développe in fine au détriment du pouvoir politique apparent, distordant ce dernier dans le sens qui lui convient. Dans ce type de relation, il apparaît dès l’abord que le pouvoir politique apparent est illusoire, une simple façade, permettant au pouvoir financier anonyme de se développer en toute tranquillité. C’est justement cet anonymat que l’on retrouve au cœur même de la notion de paradis fiscal et, plus largement, dans l’organisation de l’entreprise de type capitalistique telle qu’elle s’est développée depuis l’avènement de la révolution industrielle. Au XXe siècle, l’empire britannique a cédé la place à son successeur l’empire américain. Ce dernier s’est développé sur le modèle du premier. Dès 1913 – date de création de la Fed – les principaux banquiers ont asservi le pouvoir politique au pouvoir financier ; on retrouve ici la marque de fabrique de l’empire britannique, dont le développement s’est fondé sur la puissance financière de la City. Dès la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, les plus grosses entreprises américaines, qui ont dû leur développement aux principaux banquiers privés européens, ont organisé un système de mise en concurrence juridique et fiscale des différents États fédérés au moyen de la liberté de circulation des capitaux et des biens à l’intérieur de l’État fédéral 5 . C’est à cette époque que le Delaware et le New Jersey naissent en tant que paradis fiscaux 6 ; ces États ont collecté les capitaux qui échappaient à l’impôt dû par les entreprises dans leur État d’origine. Histoire du Delaware : de la ligue hanséatique au NOM Parmi les nombreux paradis fiscaux, le Delaware sort du lot. D’une part il est particulièrement important en terme quantitatif. Le Réseau pour la justice fiscale classe le Delaware au tout premier rang des paradis fiscaux au regard de critères combinant le degré d’opacité et le poids dans l’économie mondiale. D’autre part, l’histoire du Delaware renvoie à celle de deux États qui ont été des points d’ancrage de la finance et de la concentration des capitaux : les Pays-Bas et l’Angleterre. L’État du Delaware a en effet été créé par des colons néerlandais avant d’être cédé, après trois guerres, à l’Angleterre à la fin du XVIIe siècle (en 1674). Une petite digression historique permettra de donner un aperçu du rôle des Pays-Bas et du Royaume Uni dans l’évolution du système de l’impérialisme financier. Au Moyen-Âge, les Pays-Bas sont au cœur de l’élite commerçante, dite ligue hanséatique. Cette ligue, composée d’associations de commerçants, a prévalu en Europe à l’époque précédant l’avènement de l’empire britannique 7 , soit des XIIe au XVIIe siècles. La croissance de la ligue hanséatique a eu lieu dans un monde où colonisation et évangélisation vont de pair ; elle est liée à la montée de l’ordre des Chevaliers teutonique et au prosélytisme catholique servant de façade aux jeux de pouvoir mondiaux. Il est loisible de penser 8 que l’élite financière à l’origine de la création et du développement de la ligue hanséatique s’est, dès le XVIe siècle, peut-être à la faveur de la politique impériale inaugurée par Oliver Cromwell, transférée dans les avancées de ce qui deviendra l’empire britannique, avant de migrer, de façon institutionnelle à partir de 1913 – date de création de la Fed – dans l’empire américain. L’histoire du Delaware apparaît donc intimement liée à l’évolution géographique des pôles financiers occidentaux. Cet État participe aujourd’hui, en tant que paradis fiscal, à la centralisation des capitaux, qui devrait permettre, si rien ne s’y oppose, l’avènement du Nouvel Ordre Mondial tant attendu par l’élite financière anglo-saxonne 9 . Les mouvements ayant affecté la tectonique des paradis fiscaux dans la seconde moitié du XXe siècle La généralisation au niveau mondial du concept juridique novateur d’optimisation fiscale 10 ne pouvait se révéler fructueuse pour les acteurs économiques dominants qu’à trois conditions. Il fallait premièrement que le principe de liberté de circulation des capitaux soit préalablement instauré au niveau international : ce fut fait par la création de l’UE en 1992, qui n’est autre que l’avènement politique de ce principe, et par la création de l’OMC en 1994 (accords de Marrakech) 11. Il fallait ensuite que l’argent économisé puisse circuler librement de façon effective ; cette contrainte a entraîné la généralisation de l’utilisation du trust, qui est un vecteur juridique, pour la circulation des capitaux 12. Cette forme juridique issue du droit anglais a pour double avantage de permettre une circulation des capitaux dans tous les pays ou places reconnaissant cette forme juridique tout en offrant, comme le faisaient les comptes numérotés, l’anonymat aux propriétaires desdits capitaux – les bénéficiaires anonymes de trusts. Il fallait enfin que l’argent drainé puisse être collecté et utilisé par les acteurs économiques dominants : c’est à cet objectif que répond la propagation et la soudaine indépendance politique des paradis fiscaux anglo-saxons, qui échappent à la domination formelle de la Couronne Britannique pour devenir vassaux directs – bien que cachés – des principaux capitalistes qui se sont approprié les structures étatiques occidentales (USA, États occidentaux et leurs anciennes colonies). Les années 1960, 1970 et 1980 ont ainsi vu émerger sur la scène internationale tout un tas de micro États – devenus subitement indépendants – dont la souveraineté est aussi artificielle que l’est leur économie, entièrement fondée sur l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. A titre d’illustration, citons par exemple, les Îles Caïmans ou la Barbade qui a acquis en 1966 son indépendance formelle en qualité de Royaume du Commonwealth. Les Maldives acquièrent en 1965 leur indépendance, quittant leur statut de protectorat britannique. En 1976, les Seychelles forment un État indépendant membre du Commonwealth et de la francophonie. Ancienne colonie britannique Antigua et Barbuda devint indépendante en 1981 en tant que Royaume du Commonwealth et adhéra dans la foulée à l’Organisation (régionale) des États de la Caraïbe orientale (OECO). Ajoutons Hong-Kong et Singapour qui sont formellement indépendants mais dont l’organisation financière interne reste anglo-saxonne. La surface globale des paradis fiscaux ainsi augmentée, l’évasion fiscale globale a pris une ampleur inédite et les répercussions effectives sur les budgets des États n’ont pas manqué d’apparaître. Les critiques contre les paradis fiscaux ont ainsi fait leur apparition sur la scène mondiale, ce qui a rendu nécessaire une lutte contre les paradis fiscaux. Cette lutte, très médiatisée, a pris une tournure particulière. Au début du XXIe siècle, une lutte apparente contre les paradis fiscaux Derrière l’apparent et très médiatisé mouvement de lutte contre les paradis fiscaux, se profile un insidieux mécanisme de domination géopolitique en faveur des principaux acteurs financiers anglo-saxons. La méthode de lutte contre les paradis fiscaux est un leurre L’OCDE a axé l’essentiel de sa lutte contre les paradis fiscaux sur la notion d’échange d’informations, auquel les places opaques étaient, par principe, opposées. L’OCDE a ainsi édicté des listes noires, puis grises, en fonction du nombre de conventions fiscales d’échange de renseignements passées par les territoires non coopératifs. Cet organisme faisant consensus international, ses pays membres ont globalement aligné leur politique de lutte contre les paradis fiscaux sur ses recommandations. Les conventions d’assistance administrative mutuelles en matière fiscale – selon le modèle de l’OCDE 13 – sont donc l’arme juridique internationalement utilisée, de façon préférentielle, pour lutter contre les paradis fiscaux. Or, ces conventions n’interdisent pas les formes juridiques autorisant l’anonymat des propriétaires de capitaux, que les États restent libres d’accepter sur leurs territoires. L’OCDE se retranche derrière la souveraineté juridique des États pour s’interdire une quelconque intrusion dans l’organisation de l’anonymat capitalistique. Ces conventions n’imposent pas non plus de sanction internationale aux États qui permettent l’anonymat des propriétaires de capitaux. Par ailleurs, l’OCDE valide des échanges d’informations entre places financières obscures ; il suffit donc aux paradis fiscaux de signer entre eux des conventions d’échange d’informations pour respecter leur devoir international de lutte contre les paradis fiscaux. Dans ces conditions, les échanges de renseignements fiscaux (automatiques ou non automatiques) sont et resteront une illusion de lutte contre les paradis fiscaux 14. Il résulte de la méthode utilisée – l’échange de renseignement fiscaux – que la lutte contre les paradis fiscaux est en réalité une lutte contre les paradis fiscaux tenus par des établissements bancaires qui échappent au contrôle des acteurs financiers dominants. Les paradis fiscaux dont l’intégrité restera protégée sont toutes les places dominées par les établissements bancaires et financiers liés à la Fed, aux différentes banques centrales occidentales et affiliées et à la BRI ; ces paradis artificiels fonctionnent au moyen de trusts anonymes, et non pas de comptes numérotés, et ont pour point commun d’être contrôlés par les acteurs économiques dominants. Ces paradis sont juridiquement organisés par les firmes d’audit anglosaxonnes, les fameuses Big Four 15. Ces firmes, très influentes sur la scène internationale, sont aussi très concentrées 16 et fondées ab initio sur des conflits d’intérêts : elles mélangent allègrement les fonctions d’audit financier et de conseil juridique et fiscal – ce qui a pour conséquence de leur octroyer une vue d’ensemble du fonctionnement des entreprises. En conclusion, le parti pris international, piloté par l’OCDE, de lutter contre les paradis fiscaux par la signature de conventions d’échanges d’informations fiscales peut être considéré comme une diversion juridico-politique 17. Les listes noires et grises de l’OCDE apparaissent comme une vaste plaisanterie, pour ne pas dire une escroquerie, politico-juridique de grande ampleur. La lutte contre les paradis fiscaux est en réalité une lutte de l’oligarchie financière anglo-saxonne contre les paradis sous le contrôle d’États indépendants dans l’objectif de récupérer leurs avoirs Les acteurs financiers dominant l’économie mondiale cachés derrière les paravents que sont les USA, le FMI, l’UE, la Banque centrale européenne, l’OCDE et tous leurs pays satellites, ont déclaré une guerre sans merci à tous les paradis fiscaux 18 dont le contrôle leur échappait, au premier rang desquels sont les paradis fiscaux locaux, fonctionnant avec le système de comptes numérotés. Dans ce contexte, on comprend que Myret Zaki se soit émue de ce que les juridictions anglo-saxonnes aient déclaré la guerre à la Suisse 19. L’UE, le FMI et la banque centrale européenne, autant d’organismes émanant de l’État profond occidental, c’est-à-dire des acteurs économiques dominants, ont également déclaré la guerre à Chypre 20, attaquant au passage les avoirs légitimes et illégitimes russes à l’Autriche 21 et au Luxembourg pour les avoirs qui n’étaient pas sous leur contrôle 22. De nouvelles attaques ont eu lieu dans le cadre des fameuses révélations offshore leaks 23. Après avoir opposé une certaine résistance, la Suisse a finalement cédé au principe de l’échange automatique de renseignements, au moins avec les pays de l’UE 24 ; l’Autriche et le Luxembourg n’ont pas même tenté de résister. Avant de renoncer – sous la pression internationale de l’échange de renseignements fiscaux – à ses comptes numérotés, la Suisse avait demandé un délai permettant à ses acteurs bancaires de se former au système des trusts. Aujourd’hui, c’est chose faite, les banquiers suisses ont abandonné les comptes numérotés et se sont organisés, comme les Anglo-saxons, autour des trusts ; ce qui leur a sans doute permis de sauvegarder une partie de leurs avoirs financiers. Toutefois, la guerre des trusts sévit aujourd’hui et si les trusts suisses ne peuvent pas être anonymes, les trusts américains peuvent conserver l’anonymat du bénéficiaire final 25. La guerre faite aux paradis fiscaux fondés sur des comptes bancaires numérotés a pour objet essentiel de drainer les capitaux qui y étaient cachés vers des établissements bancaires tenus par les principaux acteurs économiques occidentaux – La City, le Delaware, Singapour, Caïmans, etc. Finalement, dans cette lutte ouverte contre les paradis fiscaux, il y a, comme dans toute guerre, des perdants, les établissements financiers sous contrôle d’États autonomes, et des gagnants, les établissements financiers gérés par l’aristocratie financière anglo-saxonne. Cette lutte proclamée contre les paradis fiscaux est une parfaite illustration du stratagème numéro un de L’Art de la Guerre de Sun Zi classé parmi les stratagèmes des batailles déjà gagnées, qui stipule que «le grand jour est une cachette plus sûre que la pénombre. Tout montrer c’est obscurcir tout». Ainsi, les grands déballages médiatiques autant que la proclamation officielle d’une lutte sans merci contre les paradis fiscaux dissimulent en réalité l’objectif des acteurs économiques dominants, qui est d’assurer le financement de leur hégémonie en appauvrissant les États, jusqu’à la complète disparition de ces derniers de la scène institutionnelle. II) Le rôle géopolitique des paradis fiscaux : instrument d’affaiblissement des États Les paradis fiscaux opèrent un abaissement structurel du rôle politique des États de deux façons. D’une part, ils permettent aux propriétaires majoritaires des banques anglo-saxonnes de subvertir les États en corrompant les hommes politiques. D’autre part, la notion même de paradis fiscal indépendant est un détournement juridique de la notion d’État. A – Les États sont des acteurs d’une pièce dont le scénario et les bénéfices leur échappent Les principaux actionnaires des banques les plus importantes présentes dans les paradis fiscaux organisent et bénéficient de la collecte des fonds évadés ou optimisés – qui vont se réfugier dans les paradis fiscaux. Ils peuvent ensuite, comme bon leur semble, utiliser ces fonds pour corrompre les hommes politiques et les organismes, subvertissant ainsi les États qui auraient des velléités de s’opposer à leur conquête du pouvoir global. Dans ce contexte, le rôle politique des États est nié, ces derniers sont soumis à la loi des détenteurs de la finance anglo-saxonne. La collecte des avoirs financiers par les paradis fiscaux Les paradis fiscaux servent de refuge – tax heavens en anglais – à des sommes d’argent considérables. Une partie des sommes collectées sont issues de l’optimisation fiscale – argent légalement soustrait aux États. Une autre partie des sommes collectées sont issues de tous les trafics – trafic de drogue, trafic d’humains en tout genre – de la prostitution au trafic d’organes – trafic d’armes… Autrement dit, les clients des paradis fiscaux sont les grandes entreprises – multinationales et très grosses PME –, certains particuliers fortunés mais aussi toutes les mafias, lesquelles sont parfois – souvent ? – liées aux services de renseignements (une partie d’entre eux) des États eux-mêmes 26. Si les trafics illégaux peuvent être le fait d’individus ou mafias isolés, ce cas cohabite avec d’importants flux financiers liés aux trafics d’origine étatiques, trafic de drogue 27, trafic organes 28 etc. Il faut également garder à l’esprit qu’une mafia, pour perdurer, s’appuie nécessairement sur des hommes politiques influents 29, ce qui rend les États au moins partiellement complices de ces mafias privées. L’organisation d’un dense maillage de paradis fiscaux permet aux quelques banques et institutions financières qui y œuvrent de centraliser discrètement la collecte mondiale des capitaux. Les énormes masses d’argent collectées dans les paradis fiscaux pourront ensuite, à la faveur d’opérations pour compte propre, être utilisées par les établissements financiers dépositaires 30. En ce sens, les institutions financières gestionnaires des comptes dans les paradis fiscaux sont les réelles bénéficiaires des immenses quantités de liquidités qui y sont déposées 31. Ces institutions financières peuvent ensuite librement – sans aucun contre-pouvoir ou contrôle – utiliser ces fonds pour corrompre les hommes politiques et les organisations susceptibles de freiner leurs ardeurs conquérantes. Par une ironie de l’histoire, les évadés fiscaux cachés dans les paradis terrestres anglo-saxons jouent, à leur insu, le rôle de simples collecteurs de capitaux au profit des principaux propriétaires financiers ! En affranchissant leurs revenus des liens juridiques et fiscaux avec leurs États, ils préparent leur asservissement à l’empire financier, autrement plus dominateur. Il peut raisonnablement être anticipé que les évadés fiscaux usagés des paradis anglo-saxons perdront la libre disposition de leurs capitaux à mesure que croîtront les besoins de financement de leur bienfaiteurs. Tel est pris qui croyait prendre… Le contrôle des flux financiers internationaux L’homogénéisation des procédures de collecte des avoirs financiers, par le biais de trusts, qui a cours dans les paradis fiscaux, facilite la fluidité de la circulation des fonds. Les paradis fiscaux anglo-saxons sont ainsi des acteurs prépondérants de la stratégie globale de contrôle des flux financiers internationaux. Toutefois, ce contrôle des flux financiers ne serait pas effectif sans la présence d’organismes chargés de gérer les compensations financières entre les différents établissements bancaires. Techniquement, ce contrôle des flux financiers internationaux est assuré par les chambres de compensation 32, souvent situées dans des paradis fiscaux 33. Les flux financiers qui entrent et sortent des paradis fiscaux ne sont contrôlables, partiellement, que par les opérations de compensation, dites de clearing 34. Malheureusement, ces opérations sont elles-mêmes aux mains de chambres de compensation gérées par des établissements financiers. L’État en tant qu’entité juridique de nature politique n’a aucun droit de regard sur les flux transitant dans les paradis fiscaux, ces derniers sont aux mains des acteurs économiques dominants réunis au sein d’une sorte de consortium bancaire. Dans le monde de la finance, tous les organismes de contrôle, ou présentés comme tels, sont aux mains des organismes contrôlés ; les propriétaires majoritaires des principaux établissements financiers, anglo-saxons, sont ainsi de façon constitutionnelle à la fois juges et parties dans la vaste pièce de théâtre qu’est la finance mondialisée. Le paradis fiscal, instrument de subversion et d’affaiblissement des États aux mains des principaux acteurs économiques et financiers, agit comme un accélérateur de destruction des États-nations. Mais il y a plus, tous les prétendus États indépendants vivant de la finance opaque sont, par leur existence même, une négation juridique internationale du principe politique qu’est l’État. B – La notion de places financières autonomes est une nouvelle atteinte au concept politique d’État Sur le fond, une place financière, qui ne vit que par et pour la captation des capitaux – évadés ou optimisés – n’a d’indépendante que l’apparence. Il s’agit en réalité d’un État tout à fait dépendant des capitaux qui le font vivre. Ce phénomène d’illusion d’indépendance est, d’une façon générale, savamment entretenu par les acteurs économiques dominants ; nous l’avons déjà rencontré à propos de l’indépendance des banques centrales 35. Les paradis fiscaux érigés en États indépendants n’ont ni la nature ni la fonction de véritables États, nous assistons ici à un dévoiement ouvert de la notion d’État, une sorte d’abus de droit public international à grande échelle. Élever des places fortes financières au rang d’États indépendants est une manipulation juridique de grande ampleur faite par les tenants de l’économie mondiale 36. Le fait qu’une telle instrumentalisation de la notion d’État ait été possible est le signe que les États en tant qu’entités politiques autonomes ont perdu la partie dans le vaste jeu géopolitique mondial. Cette partie a été incontestablement gagnée par les principaux détenteurs de capitaux financiers. Pour finir de convaincre les plus sceptiques que ces nouveaux États, fantoches, sont voulus et protégés, il suffit de remarquer qu’alors même que les USA n’hésitent pas à faire, ou faire faire par l’OTAN ou autres milices privées – contras –, des guerres (même illégales comme en Irak) à des États tiers (sous le fallacieux prétexte de leur imposer la démocratie), personne n’a jamais entendu parler d’une quelconque velléité des USA ou de l’OTAN d’aller envahir et anéantir les États parasites tels que les îles Vierges britanniques ou les Caïmans. Sur la forme, alors que la politique de l’empire britannique subordonnait ses conquêtes territoriales de façon directe, la politique de domination américaine a préféré accorder aux États conquis une apparente autonomie de gestion tout en les tenant fermement en laisse par le contrôle de leurs flux financiers. C’est ainsi que la domination américaine a élevé les paradis fiscaux au rang d’États souverains. Il faut ici se rappeler que la domination dite américaine, tout comme la domination dite britannique, n’ont d’américain et de britannique que le nom : il s’agit en réalité de la domination de la petite caste des acteurs économiques dominants, lesquels se sont approprié les États en les mettant sous dépendance monétaire et financière. Le géopolitologue canadien Peter Scott Dale désigne ces acteurs économiques dominants et leur organisation interne du terme d’«État profond». Si l’on adopte une vision historique large, l’on constate que les plus grands détenteurs du capital ont conquis des villes – du temps de la ligue hanséatique – avant de conquérir des États et des continents ; ils finiront, si les choses suivent leur pente naturelle, par conquérir le pouvoir politique du monde entier. Chaque pas en avant de cette conquête politique se fait en détruisant l’étape antérieure : ainsi, les villes dominées ont laissé la place à des États dominés, lesquels ont à leur tour cédé la place à des empires dominés qui finiront euxmêmes – si personne n’intervient pour arrêter ce processus – dévorés par le gouvernement mondial. La méthode de conquête politique pratiquée par cette association de marchands est de détruire à chaque pas en avant les constructions politiques antérieures, nous faisant croire aux avancées de la modernité. Conclusion D’un point de vue stratégique, le paradis fiscal est l’élément essentiel qui solidifie l’édifice monétaro- économique global en permettant l’opacité totale des propriétaires des capitaux et une sauvegarde de leurs avoirs financiers – qui échappent à toute imposition. Ils facilitent d’autant le mécanisme de concentration du capital qui, à son tour, rend possible la subversion des États et des organisations internationales. Au-delà des grandes déclarations publiques, l’existence des paradis fiscaux fait en réalité l’objet d’une sorte de consensus géopolitique ; or ce dernier paraît fondé sur une appréciation erronée de la situation par les différents acteurs politiques. Car enfin, les États, qui peuvent d’une façon ou d’une autre être des usagers des paradis fiscaux, ne contrôlent ni les sommes globales qui reposent au paradis, ni les flux financiers qui transitent dans ces places ; ils jouent le simple rôle d’acteurs, voués à disparaître, dans une pièce de théâtre dont le scénario est écrit par les principaux détenteurs de capitaux. Les États, qui croient tirer profit de l’existence des paradis fiscaux devraient se souvenir que in fine, la plupart des sommes déposées dans les paradis fiscaux sont en réalité sous la domination d’établissements financiers anglo-saxons. Probablement en raison de ce faux consensus, aucun État n’a réellement entrepris de se donner les moyens d’une lutte effective contre les paradis artificiels que sont les paradis fiscaux. Les États deviennent de simples pions dans les mains oligarchiques. Dans ce contexte, les nations sont destinées à disparaître du champ politique pour laisser la place à des institutions globales dévouées à l’oligarchie. Pour terminer sur une note positive, les paradis fiscaux sont devenus, à leurs corps défendant, le talon d’Achille de la mondialisation. Ces paradis, nouvellement constitués en réseau, ont pour caractéristique d’agir au moyen de trusts anonymes. Il suffirait que des États dignes de ce nom suppriment la validité des transactions juridiques avec les trusts anonymes – et, d’une façon générale, avec tout type de structures juridiques permettant l’opacité des propriétaires de capitaux – pour tarir une grande partie du drainage des fonds vers les paradis fiscaux anglo-saxons. Ceci porterait un coup – peut-être décisif – à l’oligarchie à la manœuvre, en supprimant une partie de ses revenus disponibles. Dans le même temps, une telle action permettrait aux États de récupérer une partie substantielle des revenus qui leur échappent. Les États, retrouvant ainsi des marges de manœuvre d’imposition ; ce qui permettrait d’attirer naturellement de nouveaux capitaux et donnerait une nouvelle ardeur à l’activité économique située sur leurs territoires. Valérie Bugault est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique. Article précédent Article suivant Notes 1 Pour la France :
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/5334-PGP.html ↩ 2 Cf. Le rapport de l’OCDE de février 2001 :
http://www.google.fr/url? sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0ahUKEwi0jMG767DLAhXHiRoKHQrJD4MQFggdMAA& url=http%3A%2F%2Fwww.oecd.org%2Ffr%2Fctp%2Fdomm d2PHYDGwZyJHDISrMLA&sig2=eumSKiUFMqN2a_qJX8G7nA ↩ 3
http://www.stopparadisfiscaux.fr/les-pfj-c-est-quoi/les-paradis-fiscaux/article/definition-et-caracteristiquesdes ↩ 4 l’emploi ci-dessous du terme États-Unis doit être précisé en ce que le terme d’État est ici dénaturé, dans sa nature et sa fonction, depuis que – 1913, création de la Fed – les institutions dudit État sont abusivement utilisées pour la défense d’intérêts privés ; l’utilisation du terme État relevant dès lors d’une sorte d’abus de droit constitutionnel ↩ 5 Lire à cet égard nos articles précédents Géopolitique du libre-échange et Géopolitique de l’optimisation fiscale ↩ 6 Voir :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1902.asp ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradis_fiscal ↩ 7 L’empire britannique a été établi progressivement, de la fin du XVIe siècle jusqu’à son apogée au début du XXe siècle :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_britannique ↩ 8 N’étant pas historienne, nous laissons aux historiens la tâche de démêler l’historique du cheminement du grand capital durant le second millénaire après Jésus Christ ↩ 9 Cf.
http://vigiinfos.canalblog.com/archives/2012/11/05/23247925.html ↩ 10 Voir notre article précédent sur la géopolitique de l’optimisation fiscale ↩ 11 Voir notre article précédent sur la géopolitique du libre-échange ↩ 12 Voir notre prochain article intitulé Géopolitique de l’entreprise, les caractères actuels de l’entreprise ↩ 13 Cf.
http://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-fiscaux/36667338.pdf ↩ 14 Cf.
http://www.stopparadisfiscaux.fr/qui-sommes-nous/plateformes-regionales-43/article/identification-dubeneficiaire ↩ 15 Ernst & Young, KPMG, PricewaterhouseCoopers, Deloitte Touche Tohmatsu ↩ 16 La situation oligopolistique est une caractéristique de la concentration du capital ↩ 17 Sur la mise en perspective du rôle géopolitique délétère de l’OCDE, lire notre article géopolitique de l’optimisation fiscale ↩ 18 Cf.
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/05/11/97002-20130511FILWWW00329-evasion-fiscale-vasteenquete-ouverte.php ↩ 19
http://www.abroad-fiduciaire.com/fr/attualita/secret-bancaire/102-secret-bancaire-les-anglos-saxonscontre-la-suisse ↩ 20.
http://russeurope.hypotheses.org/1077 ↩ 21
http://www.romandie.com/news/n/_Bruxelles_juge_inacceptable_que_l_Autriche_s_accroche_a_son_sec ret_bancaire_RP_080420131554-18-343649.asp ↩ 22
http://www.lematin.ch/economie/suisse-luxembourg-sacrifie-secret-bancaire/story/23680527 ; et
http://www.tdg.ch/economie/suisse-luxembourg-sacrifie-secretbancaire/contenu-2/secret-bancaire/s.html ↩ 23 Cf.
http://www.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2013/04/04/offshore-leaks-les-details-duprojet_3153470_4862750.html ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Offshore_Leaks ↩ 24
https://www.sif.admin.ch/sif/fr/home/themen/internationale-steuerpolitik/automatischerinformationsaustausch.html ↩ 25 Cf.
http://www.bilan.ch/argent-finances-plus-de-redaction/trusts-americains-resteront-opaques ↩ 26 Voir à cet égard, Les armées secrètes de l’OTAN de Daniele Ganser, édition Demi Lune, collection Résistances ↩ 27 Voir en particulier Peter Scott Dale, La machine de guerre américaine, éditions Demi Lune collection Résistances ; pour des applications précises : trafic de drogue et CIA :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Implication_de_la_CIA_dans_le_trafic_de_drogue ; en Afghanistan, implication de l’OTAN dans le trafic de drogue :
http://www.voltairenet.org/article167734.html ↩ 28 Voir l’exemple du Kosovo :
http://www.lepoint.fr/monde/les-dirigeants-du-kosovo-soupconnes-depurification-ethnique-et-trafic-d-organes-29-07-20141850053_24.php ↩ 29 Pour une illustration concernant loge P2 :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Propaganda_Due ↩ 30 Sur la présence des banques dans les paradis fiscaux : cf.
http://lesmoutonsenrages.fr/2016/03/03/nonce-nest-pas-une-veritable-crise-mais-un-colossal-systemede-detournement-de-capitaux ↩ 31 Cf.
http://www.voltairenet.org/mot266.html?lang=fr ↩ 32
http://www.senat.fr/rap/r13-087-2/r13-087-229.html ;
http://www.paradisfj.info/spip.php?rubrique24 ; voir aussi, pour un descriptif de leur fonction
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/06/03/lachambre-de-compensation-la-cle-de-l-amende-bnp_4430185_4355770.html ↩ 33 Voir par exemple Clearstream au Luxembourg ↩ 34 Le clearing est un procédé permettant de centraliser et d’organiser les opérations de compensation en vue de la liquidation des créances et des dettes entre banques ou entre pays ↩ 35 Voir notre article précédent sur la géopolitique du système des banques centrales ↩ 36 Pour une cartographie des paradis fiscaux, voir :
http://www.france24.com/static/infographies/carteparadis-fiscaux/paradis-fiscaux.html? keepThis=true&TB_iframe=true&height=720&width=986 ↩ 2 813 Articles from Le Saker Francophone Décryptage du système économique global [5/7] : Entreprise bancaire, l’instrument juridique du désordre politique global 2016 03 25 16:03:33 saker Par Valérie Bugault – le 21 février 2016 Les banques sont l’élément prépondérant du système de concentration des capitaux et d’utilisation du capital concentré. Elles ont acquis la possibilité de mettre en place des réglementations économiques très arrangeantes et des systèmes de contrôle purement formels de leurs activités. L’organisation de vastes transferts juridiques de capitaux au profit des propriétaires des principales banques, qui détiennent également – grâce à l’anonymat de certaines sociétés et trusts – de nombreuses autres entreprises, permet à son tour une accélération de la concentration des capitaux dans tous les domaines de l’économie (médias, agro-alimentaire, pharmaceutique, chimique, transports, extraction minière etc.) au moyen, notamment, des fusionsacquisitions 1 mais aussi des achats à effet de levier dits LBO, dont les principaux acteurs sont les services juridiques des banques d’affaires. Le système de sauvegarde des intérêts bancaires est parfaitement bien déguisé sous un amoncellement de prétendus contrôles et de règles plus techniques les unes que les autres. Ces différentes étapes ont à leur tour permis la mise en œuvre de certains mécanismes de spoliation des masses, lesquels ont tôt fait d’aboutir à une domination politique totale. L’élite financière occidentale est aujourd’hui dans une position de domination sociale qui n’a pas d’exemple historique pertinent. Jamais l’aristocratie ou la monarchie n’ont à ce point concentré et contrôlé les mécanismes de fonctionnement de la société L’Ancien Régime partageait la domination sociale entre les armes tenues par les aristocrates – noblesse d’épée bientôt mélangée aux hommes de loi, la noblesse dite de robe – et les âmes, tenues par l’Église catholique romaine. S’il faut avouer que les mêmes familles se partageaient la plupart des hauts postes de l’armée et du clergé, les contre-pouvoirs, notamment commerciaux, existaient et le niveau de développement technologique ne permettait pas le contrôle total auquel nous assistons aujourd’hui. Au XXI e siècle, une longue expérience de la domination et un raffinement particulier des mécanismes juridiques de contrôle, le tout allié aux développements technologiques récents, rendent la domination bancaire mondiale particulièrement préoccupante pour les libertés humaines et collectives, en particulier la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes ; concepts voués à disparaître au rythme, inculqué par les propriétaires des principales banques, du glas qui sonne la fin de la notion d’État. Nous analyserons dans un premier temps les mécanismes juridiques du fonctionnement élémentaire de la banque et, dans un second temps, les conséquences de l’enrichissement et de la concentration maximale des capitaux par les banques. I) Les mécanismes juridiques du fonctionnement élémentaire de la banque Les banques se sont donné les moyens juridiques d’être en mesure de convaincre les hommes d’État, de tous horizons politiques et de tous pays, d’édicter des lois en leur faveur. Elles ont notamment obtenu que les législations imposent aux administrés une limite aux montants payables en espèces (pour la France, voir l’article L 112-6 du Code monétaire et financier). Ainsi, en France, aucun paiement excédant 1500 euros 2 ne peut plus être effectué en espèces, ce qui oblige les administrés à détenir un compte bancaire 3 . Dans la vie courante, le compte en banque est ainsi devenu incontournable 4 . Les choses sont, comme toujours, habilement présentées par des experts en rhétorique. Ainsi, l’obligation de détenir un compte bancaire, instituée par une loi bancaire de 2006, s’est habilement transformée en droit à un compte bancaire 5 édicté par l’article L 312-1 du Code monétaire et financier. Au moyen de divers subterfuges rhétoriques, les banques ont, par l’intermédiaire des États, obtenu le privilège de disposer de l’argent des citoyens et des contribuables. Autrement dit, les États ont été complices – et victimes – de l’opération visant à placer l’argent public sous la dépendance d’organismes dominés non par l’intérêt commun mais par l’intérêt strictement privé de leurs actionnaires majoritaires. Les dépôts bancaires appartiennent de facto à la banque qui en est gestionnaire En observation liminaire, il faut indiquer que l’argent en dépôt sur un compte bancaire n’est, juridiquement, pas la propriété du déposant – qui n’a pas de droit réel sur ces sommes – ; le déposant devient un créancier de la banque, qui a l’usage des sommes en question 6 . S’agissant de l’utilisation des dépôts par les banques, l’absence de distinction entre banques de dépôt et banques d’investissement rend les dépôts bancaires particulièrement vulnérables aux spéculations hasardeuses, et généralement lucratives, des banques. Un petit retour en arrière permettra d’y voir plus clair. Dès le courant des années 1970, le gouvernement américain a couvert les agissements bancaires tendant à contourner le Glass-Steagall Act , qui imposait la séparation des banques de dépôt et des banques d’investissement. Cette législation, qui avait été introduite suite à la crise boursière de 1929 afin d’éviter de nouveaux excès, a finalement été abrogée par le gouvernement Clinton en 1999. En France et en Europe, la séparation entre banques de dépôt et activités d’investissement était la règle jusqu’à ce que les lobbies bancaires obtiennent la possibilité de faire travailler les dépôts 7 . Suite à la crise financière de 2008, qui a généré une forte demande pour revenir à une certaine orthodoxie financière des banques, il fut question d’instaurer dans les pays européens une nouvelle réglementation bancaire prévoyant la séparation entre activités de dépôt et d’investissement. Le gouverneur de la banque centrale finlandaise Erkki Liikanen avait officiellement demandé une séparation entre les activités de dépôt et les activités d’investissement des banques 8 . La loi allemande de 2013 a, comme de coutume en Europe, donné le LA de la réglementation européenne 9 , la séparation entre les activités de dépôt et les activités de spéculation – très médiatisée 10 – ne concernera pas l’essentiel et, finalement, ne sera pas effective 11. Il en va de même de la réforme française du 26 juillet 2013, qui ne concerne que 1% des activités bancaires 12 : il s’agit, ni plus ni moins, que d’une aimable plaisanterie destinée à endormir un public qui ne comprend rien à toutes les énormités – sur le fond – et subtilités – sur la forme – bancaires. Au niveau européen, la réunion des ministres des Finances européens (Ecofin) du 19 juin 2015 a donné son feu vert à une réforme bancaire dite de séparation des activités de dépôt et des activités spéculatives, de laquelle l’Angleterre – plus importante place financière du monde – est exemptée 13. Ainsi, de la même façon que ce qui se passe en matière de paradis fiscaux 14, les banques anglo-saxonnes, dont les propriétaires ont provoqué toutes les déréglementations du système bancaire, sortiront vainqueurs de la réglementation visant à restreindre les possibilités pour les banques d’agir comme bon leur semble. Ce semblant de réglementation se situe dans le droit fil de la guerre sans merci menée, via la prétendue lutte contre les paradis fiscaux, par les principaux établissements financiers anglo-saxons contre les banques dont la domination leur échappait 15. La prétendue réforme européenne n’aura servi qu’à concentrer davantage le milieu bancaire en procurant un tel handicap aux banques non anglo-saxonnes qu’elles deviendront prochainement des proies aisées. Cette réforme aura finalement servi de prétexte aux banques anglo-saxonnes pour obtenir un avantage décisif dans la guerre qu’elles mènent contre les banques dont le contrôle leur échappe. Il ne sera en définitive opéré aucune séparation réelle entre les activités de dépôt et d’investissement des principales banques. Le lobby bancaire, qui édicte les lois et dirige les États, a, une fois de plus, gagné la partie contre les ressortissants des États. Voyons maintenant comment fonctionne une banque dans un cadre normal, c’est- àdire hors activité spéculative. La réserve fractionnaire et la perception d’intérêts sur les prêts : des prêts à découvert, juridiquement nuls, qui occasionnent un enrichissement sans cause des banques Le prêt à découvert érigé en système de fonctionnement normal S’agissant du fonctionnement bancaire normal, les banques privées sont autorisées, par les banques centrales, à fournir du crédit à découvert – c’est-à-dire sans disposer, en réserve, du montant de crédits fournis – dans la seule limite de respecter, pour l’ensemble leurs activités (normales et spéculatives), une réserve obligatoire. Ce système d’autorisation de crédit à découvert porte le nom de système de réserve fractionnaire. Le montant de la réserve obligatoire est généralement fixé par la banque centrale du pays en question, appelée, pour l’occasion autorité monétaire. Nous avons déjà vu, dans l’article intitulé Géopolitique des banques centrales que la banque centrale est, par construction, une banque dominée par des banquiers privés. Il faut préciser à cet égard que la modification statutaire de la Banque de France – opérée par une loi du 24 juillet 1936 – suivie de sa nationalisation en 1945 – loi du 2 décembre 1945 – ne doit pas faire illusion : ces modifications de forme n’ont en aucune façon changé la structure fondamentale du contrôle économique opéré sur le pouvoir politique – c’està-dire sur les institutions françaises – par l’oligarchie française devenue euroatlantiste. Privatisée ou nationalisée, la Banque de France reste un instrument de pouvoir du grand capital français. En résumé, les banques centrales, aux mains des grands capitalistes propriétaires des banques privées, autorisent les banques privées – contrôlées par elles-mêmes, donc – à fournir au public ou aux États un crédit à découvert. La seule limite, tant aux activités de fourniture de crédit qu’aux activités dites pour compte propre – spéculatives – des banques, est le respect d’une dérisoire réserve obligatoire. Depuis une décision du Conseil des Gouverneurs de la Banque centrale européenne – BCE – du 8 décembre 2011, le taux de la réserve obligatoire pour les banques de la zone euro est fixé à 1% de leurs encours de dépôt 16 ; elle n’était auparavant, et depuis 1999, que de 2%. En d’autres termes, les principaux actionnaires des banques privées s’autorisent euxmêmes, via le prétendu contrôle des banques centrales indépendantes de tout organe politique, non seulement à spéculer avec l’argent du public mais encore à fournir aux particuliers et aux États un crédit sur des sommes d’argent dont elles ne disposent pas. On est loin du principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs cher à Montesquieu, que nos États modernes sont censés respecter – au moins dans la forme. La déliquescence du secteur bancaire : état des lieux et poids de la sanction Le montant très faible de la réserve obligatoire a rendu nécessaire un nouveau mécanisme de contrôle, dit prudentiel, qui est réglé par les accords internationaux de Bâle III. Ce nouveau système de prétendu contrôle est édicté sous l’impulsion de la BRI 17. Rappelons que la BRI, composées des différentes banques centrales, est ellemême une émanation du milieu bancaire 18. Comme toujours, le milieu bancaire reste entre lui-même pour agir et se contrôler, pas d’intrusion étrangère de contrôle dans ce petit milieu bien verrouillé. Dans le contexte actuel de difficultés bancaires – liées au mouvement de dérégulation initié par ce milieu –, la BCE a fait passer aux principales banques européennes des stress tests permettant – prétendument – de déceler les banques susceptibles de devoir faire face à une faillite imminente. Sans surprise, toutes les grandes banques européennes ont passé, haut la main, ces stress tests 19. Lesdits stress tests, conçus par l’autorité bancaire européenne (EBA) basée à Londres, ont une très faible valeur technique, car outre qu’ils ne prennent pas en compte les opérations hors bilan des banques – ce qui est énorme –, ils omettent également de prendre en compte l’hypothèse déflationniste en cours en Europe de l’Ouest ainsi que les effets systémiques, c’est-à-dire les effets domino dus à l’interconnexion des banques. La pertinence et la valeur de ces prétendus tests a été remise en cause de nombreuses fois 20 ; signalons à cet égard que le passage de stress tests n’avait pas, en son temps, empêché la Lehman Brothers de faire faillite 21. Il n’est pas étonnant que certains esprits taquins fassent valoir que ces tests agissent davantage comme une opération de propagande bancaire que comme un indicateur économique fiable 22. Dans le contexte général de déliquescence bancaire, le lobby financier a pourvu à toute éventualité en s’intéressant particulièrement aux victimes d’éventuelles faillites bancaires. La solution au problème du renflouement de banques en faillite aura finalement été trouvée, sans surprise, sur le dos des usagers. C’est ainsi qu’une directive européenne du 15 mai 2014, transposée en droit français par une ordonnance du 20 août 2015, permet une ponction sur les comptes des clients 23, ce qui se traduit techniquement par l’introduction du bail-in. Plus précisément, si d’aventure les choses arrivaient à mal tourner, c’est-à-dire si, de spéculation en spéculation, une banque arrivait à un déséquilibre important de son bilan (les opérations hors bilan ne sont pas prises en compte !), les petits actionnaires, les petits détenteurs d’obligations et les déposants seront chargés de renflouer le passif. Les plus importants actionnaires bancaires resteront, par trusts interposés, anonymes et donc inatteignables par cette nouvelle réglementation. Nous avons là un bel aperçu de l’impunité totale des tireurs de ficelles bancaires que sont les principaux propriétaires anonymes des banques systémiques. Les personnes qui verront leurs avoirs ponctionnées sont toutes celles qui participent au schéma financier global en ayant confié leurs économies à des établissements financiers privés. Au premier titre des victimes bancaires se trouvent les personnes détenant, via des assurances vie ou autres fonds de pension, des parts obligataires ou des actions bancaires. En roue de secours, les petits déposants seront également ponctionnés. En résumé, les petits et moyens déposants, ceux que les lois obligent à avoir un compte bancaire, et tous les acteurs malgré eux du cirque financier global – détenteurs, via des assurances vie ou autre placement rentable, de titres obligataires ou d’actions bancaires – sont les dindons d’une farce concoctée par les plus gros propriétaires des banques systémiques, lesquels ne répondent jamais de leurs actions puisqu’ils ont pris le contrôle des circuits législatifs des États occidentaux. Les établissements financiers peuvent donc continuer de jouer en toute impunité et en toute liberté avec l’argent déposé ou placé par le public, qui de facto sinon de jure leur appartient. Une expression traditionnelle illustre parfaitement la situation des banques face aux citoyens et aux États : «Face, je gagne, pile tu perds.» L’impunité juridique et économique des plus gros propriétaires de capitaux bancaires, lesquels ont leurs avoirs garantis par l’anonymat des sociétés écrans et trusts anonymes situés dans les paradis fiscaux 24, a ainsi été juridiquement acté. En conclusion, les banques ont été autorisées par les États à utiliser l’argent des dépôts bancaires afin de spéculer pour leur compte propre. Ce mélange des genres bancaires a occasionné une fragilisation générale des bilans des banques dont les activités sont interconnectées. Suite à la crise de 2008, l’inquiétude du public a évoqué la nécessité de séparer les activités bancaires entre d’une part les activités de dépôt et d’autre part les activités d’investissement – spéculatives. Or, non seulement les activités de dépôt n’ont pas été réellement séparées des activités de spéculation, mais, au surplus, l’irresponsabilité économique des acteurs bancaires, qui spéculent pour leur propre, compte pourra aujourd’hui, par la grâce de la trahison et de l’incompétence des législateurs étatiques, être sanctionnée par la confiscation des comptes des déposants et par la spoliation des petits et moyens porteurs d’actions ou d’obligations bancaires. Le paysage bancaire globalement esquissé, entrons dans l’analyse juridique du fonctionnement bancaire quotidien selon le principe ci-dessus décrit du prêt à découvert. L’analyse juridique du prêt à découvert révèle que nous avons quitté le système juridique de droit commun issu du Code civil de 1804 Le contrat de prêt s’analyse en droit français en un contrat synallagmatique ou bilatéral dans lequel la banque s’engage à fournir une somme d’argent et le client s’engage à rémunérer ce service de fourniture de capital en payant des intérêts sur le capital prêté. L’article 1108 du Code civil et la doctrine juridique française soumettent la validité d’un tel contrat à quatre conditions, dont un consentement non vicié, une cause licite et un objet (du contrat) certain. En cas de contrat synallagmatique, ce qui est le cas du prêt, la cause de l’obligation de l’une des parties est l’objet de l’obligation de l’autre partie au contrat. La fourniture d’une somme d’argent – un capital – est donc la cause juridique du contrat souscrit par l’emprunteur tandis qu’elle est l’objet du contrat souscrit par la banque. Un bien – qu’il soit ou non une somme d’argent – ne peut être prêté que s’il existe. Fournir un crédit fondé sur une somme d’argent inexistante revient à tromper l’emprunteur en lui imposant de conclure un contrat non causé. En termes juridiques, un crédit à découvert s’analyse en toute logique, puisque la somme d’argent proposée n’existe pas, en un contrat non causé et dépourvu d’objet. Qui plus est, et parce que la somme d’argent prêtée n’existe pas, seule la banque tire un réel bénéfice d’un contrat de prêt fondé sur un tel système. En effet, l’emprunteur devra fournir des intérêts sur une somme qui n’a pas pu être valablement prêtée car inexistante. Un contrat de prêt fondé sur un système de prêt à découvert est donc par construction léonin. Le contrat de prêt tel qu’actuellement pratiqué par les banques est fondé, ab initio, sur un vice du consentement de l’emprunteur qui commet une erreur en croyant que la somme prêtée existe. Dans la mesure où les prêts fondés sur une somme d’argent inexistante sont faits de façon normale et habituelle, on pourrait dire qu’il existe, vis-àvis des prêts bancaires, une présomption irréfragable de vice du consentement des emprunteurs. Par ailleurs, s’agissant de prêt aux particuliers, le contrat synallagmatique est déséquilibré au profit de l’établissement bancaire qui impose ses conditions générales au cocontractant lequel ne peut négocier qu’à la marge dans la limite des taux dits de marché – déterminés par les banques elles-mêmes – le montant des taux qui lui seront appliqués. Nous sommes ici dans un contrat d’adhésion. La législation concernant ce nouveau type de contrat est, sans surprise – si l’on considère que la généralisation du lobbying a transformé le législateur en défenseur des intérêts oligarchiques –, dérogatoire au droit commun de l’article 1108 du Code civil. Du côté de la banque, le résultat du cumul de la réserve fractionnaire avec la perception d’intérêts occasionne un enrichissement sans cause. Le système légal consistant, pour les banques, à prêter de l’argent qui n’existe pas, a pour conséquence directe l’encaissement par les banques d’intérêts non causés en terme juridique, c’est-à-dire d’intérêts auxquels elles n’auraient pas eu droit dans le cadre juridique issu du droit civil napoléonien. Le système en place procure aux banques, de plein droit, un enrichissement sans cause qui est à la mesure de l’appauvrissement sans cause des emprunteurs – qui doivent payer des intérêts. Il convient de comprendre que le cumul du principe de réserve fractionnaire avec celle du paiement d’intérêts est une façon aimable, pour les banquiers, de contourner les législations interdisant le taux d’usure. Au lieu de se payer directement par des taux élevés, les banquiers se paient en étant légalement autorisés à prêter des sommes d’argent dont ils ne disposent pas. Pour faire un parallèle, il s’agit de la même différence que celle qui existe entre assiette et taux concernant les impôts. Les banquiers, en quelque sorte, élargissent leur assiette d’enrichissement, ce qui les dispense – pas toujours si l’on en croit les taux qu’ont pu atteindre certains prêts à la consommation – de recourir à des taux d’intérêts ouvertement abusifs. Dans ce contexte, les hommes politiques qui appellent à un développement du crédit comme moyen de financement – des particuliers et des États – répondent en réalité à la volonté, cachée mais réelle, de concentrer les capitaux dans les mains de banquiers déjà plus que bien dotés 25 ; ces hommes politique participent activement à la réalisation d’un accaparement généralisé au profit des propriétaires des banques. Rappelons qu’il fut un temps ou l’accaparement était un crime capital. Pour résumer, la pratique bancaire couramment admise consistant pour les banques à fournir des prêts à découvert – selon le système de réserve fractionnaire – revient, pour les emprunteurs, à souscrire des contrats sans cause, léonins, fondés sur un vice de leur consentement (l’erreur) et procurant à leur cocontractant (la banque) un enrichissement sans cause. Cette analyse, de stricte orthodoxie juridique civiliste, devrait permettre d’annuler la majeure partie des intérêts dus aux banques par les emprunteurs. Selon cette analyse, les banques devraient en outre être condamnées à payer des dommages et intérêts à la totalité des populations endettées – directement ou par État interposé. L’ampleur de la redistribution financière qui résulterait de l’application d’une telle analyse amène au constat suivant : le jour où le point de vue juridique qui fait prévaloir l’intérêt de tous, primera sur le point de vue économique, dominé par les intérêts bancaires, n’est pas près d’arriver. En d’autres termes, le pouvoir des banquiers est tel qu’il a réussi à contourner et pervertir le droit civil de façon à rendre légal un processus par essence juridiquement invalide – car systématiquement non causé, léonin et fondé sur un vice du consentement des cocontractants, en l’espèce les emprunteurs. Le droit civil est battu en brèche par les tenants de l’État qui ne sont autres que les plus importants capitalistes propriétaires des banques dites systémiques. Les mécanismes propres au fonctionnement bancaire et à ses interactions avec les tiers, personnes publiques ou personnes privées, sont tellement quantitativement et qualitativement dérogatoires au droit commun, que l’existence même d’un droit commun est mis en cause. On peut ainsi considérer que le système juridique issu des codifications napoléoniennes est mort et enterré. Nous sommes aujourd’hui collectivement entrés dans une nouvelle ère, celle du droit du plus fort qui est, en réalité, un droit de caste, variable – non seulement dans son application mais dans son principe même – en fonction de la position sociale des personnes à qui il s’applique. Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner de l’apparition sur le territoire français du projet juridique scélérat de propriété économique, qui n’est autre que la légalisation du principe d’accaparement 26. S’agissant des crédits accordés aux États, le système révèle la disparition du concept politique d’État Depuis une loi française de 1973 (dite Pompidou-Giscard-Rothschild) reprise, systématisée et aggravée par l’article 123 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), l’État français et les États européens ne peuvent plus se financer sans intérêts auprès de leurs banques centrales mais doivent obligatoirement faire appel au marché. La traduction théorique claire de ce système est que les États ne peuvent assurer leurs dépenses d’investissement – les dépenses de fonctionnement devraient, en bonne gestion, être intégralement auto-financées par l’impôt – qu’en s’appauvrissant durablement du montant exact de l’enrichissement corrélatif d’entreprises privées. Il y aurait beaucoup à dire sur l’auto-financement de l’État – par l’impôt – de ses dépenses de fonctionnement ; le clientélisme politique est un élément essentiel empêchant cet autofinancement de se réaliser. Mais là n’est pas le propos du présent article, nous n’entrerons pas dans les discours oiseux de l’intégrité financière des décisions des hommes issus de partis politiques électoralistes, puisqu’il est entendu que cette intégrité est dès l’abord sujette à caution : le système hiérarchique des partis politiques, qui fonctionne autour des consignes de vote combiné au principe du lobbying, interdit tout contre-pouvoir de nature à rendre effective l’intégrité en question. Les principaux propriétaires des banques ont pris le contrôle politique des États qu’ils ont dévoyés pour les amener à agir dans le sens de la défense de leurs propre intérêt particulier. Quoiqu’il en soit de la distinction entre dépenses de fonctionnement et d’investissement, le nouveau mécanisme à l’œuvre en Europe – gravé dans le marbre des traités – revient à imposer le financement étatique par le paiement d’intérêts à des entreprises financières ou autre groupements privés. En Europe, la situation de la Grèce, aux prises avec les prédateurs financiers du FMI et de l’UE, est absolument édifiante ; la prétendue banqueroute de ce pays souverain se traduit, en réalité, par une vaste opération de transfert massif de capitaux des citoyens grecs et, plus largement, européens, vers les poches des propriétaires des principaux établissements financiers prêteurs 27. Rappelons ici que la crise grecque, à l’origine de la prétendue banqueroute, a été déclenchée volontairement par l’attaque coordonnée de cinq fonds spéculatifs – Hedge Funds – américains 28. Nous assistons donc à une planification sciemment organisée visant à opérer un vaste transfert d’actifs financiers des poches des citoyens vers celles des propriétaires bancaires. Lorsque des acteurs financiers sont à la fois juges et parties, il arrive qu’il n’y ait plus de contre-pouvoir à leur volonté. En l’espèce, l’esprit de rapine l’a emporté sur toute autre considération publique. Les individus seront, comme les États, spoliés, c’est- àdire illégalement et illégitimement appauvris, par le fait du prince bancaire. En conclusion, les États, dits souverains, assistent impuissants à la vaste organisation juridique de spoliation qui les atteint de plein fouet. Leur impuissance révèle, en réalité, leur disparition du paysage juridique international. Conclusion Les contrats de prêts devraient être massivement annulés par des juridictions dignes de ce nom comme contrats non causés, fondés sur une clause léonine, sur un vice du consentement des emprunteurs (en tout cas pour ce qui concerne les particuliers, l’État ne pouvant pas se prévaloir de sa propre turpitude en invoquant son ignorance d’un processus qu’il a lui-même autorisé) et aboutissant à un enrichissement sans cause de l’une des parties – la banque – au contrat. Le mixage de la réserve fractionnaire avec la perception d’intérêts liés au crédit, formule juridiquement invalide, opère en réalité un transfert massif de capitaux du public dans les mains des principaux propriétaires de capitaux. Ce transfert s’effectue quelle que soit par ailleurs la qualité personne privée ou personne publique du cocontractant puisque les personnes publiques se financent quoiqu’il arrive par l’augmentation des prélèvements obligatoires qui pèsent, en fin de parcours, sur les résidents ou les usagers personnes privées. Nous assistons ici à la mise en place d’une spoliation systématique et légalisée, organisée par les banques, des biens publics à leur propre profit. L’analyse juridique qui devrait prévaloir est battue en brèche et volontairement ignorée Ce qui révèle non seulement la disparition de la notion de droit commun mais également du concept politique d’État. II) Les conséquences de l’enrichissement et de la concentration systématique des capitaux par les banques La combinaison du système de réserve fractionnaire et du crédit à intérêts a pour fonction et pour effet de produire, mécaniquement, une concentration des richesses au profit des propriétaires des banques, que l’on peut dès lors appeler du terme d’oligarchie. La concentration des richesses permise par le vaste transfert de capitaux ci-dessus décrit autorise, à terme, le rachat et la mainmise des acteurs financiers sur une part de plus en plus importante des biens, matériels et immatériels, matières premières et produits manufacturés de cette terre. Système aboutissant in fine à une concentration toujours plus forte de ces mêmes biens au sein de quelques entreprises multinationales, véritables conglomérats économiques. Par ailleurs, le poids économique acquis par les banques et les multinationales – détenues par les mêmes personnes – a rapidement permis à ces dernières d’agir de façon efficace et concertée sur tous les types de marchés, actions et obligations, faussant dès lors de façon structurelle la notion de prix de marché. Description du contexte juridico-économique La dérégulation bancaire, cause de l’accélération de la concentration des capitaux Le contrôle politique opéré par les banques a produit, outre la mise en place de contrôles beaucoup plus formels que réels de leurs activités (notamment par la création de prétendues banques centrales), le vaste mouvement de dérégulation bancaire que l’on a connu au XX e siècle. Ce mouvement de dérégulation bancaire – d’origine anglo-saxonne, est intimement lié à l’ouverture de l’économie et de la finance à la théorie des jeux – dont l’importance dans l’analyse économique s’est considérablement accrue depuis l’attribution, en 1994, par la Banque de Suède, du prix Nobel d’économie à John Nash. Ce mouvement de dérégulation a été de pair avec l’avènement de la créativité bancaire débridée, élevée au rang de vertu ultime. C’est ainsi que nous avons vu les mouvements de titrisation 29 au moyen de special purpose vehicle, le rapide développement du High Frequency Trading, l’émergence des Credit Default Swaps – dits CDS – 30 parmi d’autres nouveautés bancaires réjouissantes… Nous détaillerons ci-dessous quelques manifestations de la concentration des capitaux financiers permises par le vaste mouvement de dérégulation bancaire. Quelques manifestations de la concentration des capitaux financiers Manipulation des taux interbancaires L’une des manifestations de la puissance des banques systémiques – les plus importantes banques – est leur contrôle des taux d’intérêts interbancaires 31. Les taux interbancaires sont utilisés par les banques comme références pour la fixation des taux d’intérêts aux particuliers et aux entreprises 32. En agissant sur les taux d’intérêts interbancaires, les plus grosses banques agissent en conséquence sur le degré de concentration des capitaux entre leurs mains. La concentration des opérateurs de marché est un autre indice de la puissance acquise par les acteurs économiques dominants. Concentration des opérateurs de marché La vaste organisation de concentration des capitaux au profit des banques autorise in fine la prise de contrôle des opérateurs de marché. La fusion de l’opérateur NYSE, contrôlé par une société située dans l’État du Delaware 33 avec Euronext, contrôlée par une société néerlandaise, est une parfaite illustration du processus de concentration des opérateurs boursiers en cours. Les opérateurs financiers sont aux mains – anonymes comme toujours – des propriétaires des plus grandes banques. Le 12 novembre 2013, le groupe NYSE Euronext est passé sous le contrôle d’Intercontinental Exchange Group Inc., dit ICE, entreprise créée en 2000 par un certain Jeffrey Sprecher, qui a commencé sa carrière en travaillant avec un ponte de la dérégulation. La renonciation au projet de fusion NYSE euronext et Deutsche Börse 34, un temps envisagé, n’aura finalement pas lieu, le commissaire européen en charge du dossier s’y opposant 35, décision confirmée par le tribunal de l’Union européenne 36. Cette non-fusion ne doit pas faire illusion, nous sommes là, comme en matière de paradis fiscaux, dans une guerre entre grandes puissances bancaires, les unes ne voulant pas donner la prééminence aux autres. L’argument de concentration mis en avant comme critère de rejet de cette fusion est une justification étatique de façade à un conflit entre les entités financières américaines et allemandes, les unes ne voulant pas perdre leur hégémonie au profit des autres. Cette tentative de rapprochement ayant échoué, Deutsche Börse fusionnera finalement avec le London Stock Exchange (LSE) britannique 37. Ce nouveau groupe ne tardera pas à aiguiser l’appétit d’ICE. La domination financière précède la domination institutionnelle et militaire La concentration massive des capitaux ci-dessus décrite alimente le clientélisme qui génère des systèmes politiques dans lesquels les prétendus dirigeants politiques, élus du peuple ou non, sont en réalité les émissaires de l’oligarchie qui finance leurs campagnes politiques ou leur accession à des postes en vue et/ou bien rémunérés et leur demande l’hommage-lige en contrepartie de ce statut économique et social privilégié. L’hommage-lige consiste en l’espèce à voter ou faire voter (ce qui est facilité par la discipline de parti) des lois et autres réglementations favorables à l’oligarchie. Deux exemples récents étayent parfaitement cette situation : la nomination, en Europe, de deux Mario : Mario Draghi à la tête de la BCE et Mario Monti, président du Conseil italien de novembre 2011 à décembre 2012. Ces deux super Mario sont des anciens de la banque d’affaires Goldman Sachs. Ajoutons que le réseau d’influence de Goldman Sachs s’étend à l’ancien premier ministre et banquier central grec Lucas Papademos, sous le mandat duquel les comptes de la Grèce ont été truqués afin de faire entrer ce pays dans la zone euro, 38 ainsi qu’à l’actuel président de la banque centrale d’Angleterre, Mark Carney. L’État et les institutions sont contrôlés par ceux qui les financent, c’est-à-dire, en l’occurrence, l’oligarchie bancaire. C’est en vertu de ce dernier principe – immuable – que les collaborateurs vichystes de l’Allemagne nazie ont tôt fait de se transformer en collaborateurs de l’empire dominant américain, ce qui leur a permis de conserver leur rang social et leurs prérogatives économiques. A la faveur de ce processus de corruption de grande ampleur, le projet d’union européenne, né au XIX e siècle dans les cercles oligarchiques, a pu prospérer dans un premier temps sous la domination du continent européen par l’Allemagne nazie 39 et, dans un second temps, sous la domination de ce même continent par les USA et l’OTAN 40. La concentration des capitaux dans les mains des banques a à son tour permis à ces dernières de développer et amplifier leur poids politique, en contrôlant de mieux en mieux la législation des États. C’est ainsi, par exemple, que le lobbying a été présenté aux populations comme étant un moyen normal de légiférer ; l’emprunt bancaire non causé est devenu un moyen normal de financement en vertu de ce même système. A la faveur de cette concentration inédite des capitaux dans les mains bancaires, les États deviennent des agents à la solde du pouvoir oligarchique ; ils ont perdu leur nature et leur fonction initiale, laquelle justifiait et légitimait leur existence juridique. Les États ne sont plus les initiateurs des grands bouleversements juridiques sur la scène internationale, ils ne font que suivre la voie ouverte par leur maître, le milieu bancaire et toutes ses ramifications. La concentration des places financières annonce la mise en place du Grand marché transatlantique Le contrôle des places de marchés, des opérateurs boursiers et des indices boursiers se resserre à mesure que les projets de gouvernement mondial se mettent en œuvre. Ainsi, le groupe Continental Exchange Inc., dit ICE, créé en 2000 par Jeffrey Sprecher, a, dès 2001, racheté le principal marché européen de l’énergie, lequel s’occupe depuis 2005 de la cotation des permis de gaz à effet de serre. La commercialisation des permis de polluer participent activement à la financiarisation de l’économie mondiale au profit des principaux acteurs financiers de la planète 41. Ce même ICE a, en 2013, pris le contrôle de NYSE Euronext 42. Le 16 mars 2016, est annoncée la fusion du London Stock Exchange (LES) britannique avec la place de marché allemande Börse 43. L’ICE, qui avait déjà annoncé son intention de lancer une offre sur la Bourse de Londres 44 risque d’être d’autant plus intéressé à racheter le conglomérat germano-britannique. Par anticipation au développement juridique officiel du Grand marché transatlantique, nous assistons donc à la fusion des places de marchés américaine et européenne. Le nom même d’Échange intercontinental – Intercontinental Exchange –, entreprise créée en 2000, évoque le futur marché transatlantique, dont le grand public n’entendra parler qu’à la fin de la décennie, mais dont cette société est à la fois le marchepied et le précurseur. Ce sont les mêmes cercles de penseurs à la solde des plus importants propriétaires de capitaux qui ont lancé l’idée du grand marché transatlantique et celle de la réunion des bourses euro-atlantiques dans une entité commune. Le monde financier, à la manœuvre dans la conclusion du Grand marché transatlantique (dont le destin est de fusionner à terme avec le Grand marché transpacifique), prend naturellement les devants de cette future structure juridique en fusionnant les places de marché américaines et européennes. La méthode des petits pas qui a prévalu dans la construction européenne – et qui a donc fait ses preuves – prévaut également dans la construction du futur Grand marché transatlantique dont la signature officielle des TAFTA, AECG et autre TISA 45 n’est que la partie officielle. C’est également cette méthode, très efficace, des petits pas qui amènera l’oligarchie financière à réaliser son projet d’institutions mondiales aujourd’hui appelé Nouvel Ordre Mondial. Les peuples et les États indépendants, tels des grenouilles bouillant à petit feu dans une marmite, sont sidérés et ne réagissent pas à la mesure du danger de disparition qui les guette ; il en aurait été différemment si l’oligarchie avait brutalement imposé des ruptures institutionnelles ou d’agenda international : elle aurait alors, très probablement, dû faire face à une opposition frontale qui aurait mis ses projets en échec. Dans cette guerre économico-financiaro-
politique, il y a des perdants et des gagnants. Les perdants sont l’ensemble des peuples et des nations, et les gagnants sont les tenants de l’économie mondiale, c’est-à-dire les acteurs économiques dominants. La concentration financière précède la domination militaire L’exemple suisse Il n’est pas étonnant de constater qu’une fois la puissance financière de la Suisse, paradis fiscal jusqu’alors indépendant des banques anglo-saxonnes 46, mise à bas, ce pays financièrement vaincu se soumet à la puissance militaire de l’OTAN 47. L’exemple français Dans le même sens, et bien que plus espacé dans le temps, le long cheminement de la disparition de la place financière de Paris (Palais Brongniart) 48 commencé en septembre 2000 49 par la création d’Euronext, bientôt fusionnée en NYSE Euronext, elle-même aujourd’hui contrôlée par ICE, a précédé et accompagné le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Depuis la décision de De Gaulle de 1966 de quitter le commandement intégré de l’OTAN 50, la domination militaire française par les forces de l’oligarchie était larvée, elle passait de façon officieuse par l’existence, sur le territoire, des seules armées secrètes de l’OTAN 51. En 2009, sous l’égide du très euro-atlantiste président Sarkozy, les forces de l’oligarchie, après avoir pris le contrôle de la puissance financière française, reprennent directement le contrôle militaire de la France, qui réintègre le haut commandement intégré de cette organisation militaire 52. Si les armes ne sont jamais loin de la finance et de la géopolitique, elles sont actuellement au service d’une géopolitique entièrement dominée par l’argent collecté par l’oligarchie occidentale. La disparition du concept politique d’État L’incroyable enrichissement des propriétaires des capitaux bancaires rend possible un contrôle total du fait politique par le fait économique qui, à son tour, génère une augmentation de l’enrichissement des propriétaires économiques dominants. On est ici au cœur d’un cercle vertueux pour les grands capitalistes, et vicieux pour le reste du monde, car ce système d’enrichissement-contrôle s’auto-génère à l’infini ; l’objectif recherché par cette oligarchie étant, au-delà de l’accaparement – qui est un moyen et non une fin –, l’avènement institutionnel du Nouvel Ordre Mondial. Au cours de ce processus, l’État passe du statut d’entité politique de nature publique, à celui d’organe juridique privé au service des principaux propriétaires de capitaux. L’ampleur internationale de ce phénomène permet de dresser l’esquisse du plan oligarchique de création du Nouvel Ordre Mondial : une structure mondiale autoritaire et dictatoriale dans laquelle les populations n’auront pas leur mot à dire. Le phénomène de privatisation de l’État n’est pas nouveau, il date, grosso modo, de la création de banques centrales privées. Ainsi, la politique étrangère, mais aussi et dans une très large mesure, interne, de la France, a été durant tout le XX e siècle aux mains de la synarchie, laquelle n’est autre que l’oligarchie française. L’historienne Annie Lacroix-Riz a parfaitement documenté ce qu’il faut considérer comme un état de fait ; nous renvoyons les lecteurs qui croient en la liberté du vote populaire sous l’égide de partis politiques, à l’intégralité des ouvrages et conférences d’Annie Lacroix-Riz, en particulier celui traitant du Choix de la défaite 53. C’est cette oligarchie qui s’est, dès les années 1920, ralliée au choix de la domination financière proposé par les Anglo-Saxons et qui a accepté en 1930 la liquidation des réparations de guerre et la création de la BRI par le plan Young 54. La constance de la mainmise oligarchique sur la politique française, quels que soient par ailleurs les aléas politiques contextuels, est ce qui explique le départ de De Gaulle – résolument hostile aux partis politiques 55 –, du gouvernement après la fin de la Seconde Guerre mondiale : il ne voulait, ou ne pouvait, pas cautionner le retour aux affaires d’une grande partie des collaborateurs vichystes. On ne saurait trop insister sur le fait que les oligarques français du XX e siècle, impérialistes déclinants, se sont transformés sans états d’âme, de collaborateurs vichystes de l’Allemagne nazie, en collaborateurs de l’empire dominant américain, afin de pouvoir conserver leur rang social et leurs prérogatives économiques. C’est précisément cet enchaînement des choses qui a permis au projet européen – par essence fédéraliste et oligarchiste – de prospérer. Projet qui porte en lui la destruction des États-nations comme le nuage porte en lui la pluie. La substance oligarchique de l’actuelle Union Européenne n’est malheureusement plus à démontrer : une direction technocratique non élue et désignée par les cercles oligarchiques transatlantiques, un parlement fantoche – dont aucun membre ne parle la même langue – qui n’a d’autre pouvoir que celui de faire appliquer des traités soumis aux intérêts oligarchiques, le tout soumis au contrôle vigilant d’un système fédéral oligarchique de banques centrales. Tous les ingrédients de l’ordre oligarchique y sont à leur bonne place. Si la notion même d’État, en tant qu’entité politique, impose juridiquement, de façon structurelle, le devoir de protéger le bien commun, les banques qui subvertissent les États agissent de façon à dénaturer la notion même d’État, en le mettant au service d’intérêts bancaires privés. Il en résulte une perte de légitimité politique de l’État, coquille vide instrumentalisée. Dès lors, parler d’État revient à faire un abus de droit public constitutionnel. Les gouvernements d’États ainsi dénaturés s’analysent, au-delà de la démocratie de façade, en une ploutocratie. L’action des plus gros capitalistes, devenus propriétaires de banques, a anéanti la notion juridique d’État. Sur la scène internationale, l’État coquille vide est naturellement ravalé au rang de simple acteur économique soumis à la prédation des principaux tenants du pouvoir économique. Ces derniers ont réussi à imposer, légalement, une inversion des valeurs politiques et économiques : le principe économique a absorbé le principe politique. Conclusion La domination financière des banques débutée par la concentration du capital, s’est prolongée par le contrôle des monnaies dévolu à la notion de banque centrale 56 ; les principaux propriétaires bancaires ont ainsi pris le contrôle de la masse monétaire en circulation. Cette domination s’est poursuivie par une domination politique qui a entraîné un accroissement légal toujours plus important du capital concentré. La domination militaire est la conséquence logique du processus de domination des États par l’oligarchie financière. Ainsi, la concentration maximale des capitaux opérée par la création de monnaie (ancienne planche à billets et actuel Quantitative Easing) par les banques centrales et par l’octroi de prêts à découvert par les banques privées, génère un processus de captation du capital et des biens de très grande ampleur qui apporte à l’oligarchie les moyens de financer des guerres légales et illégales, licites (menées par des armées régulières) et illicites (conduites au moyen de mercenaires dûment rétribués, contras au Nicaragua, djihadistes en Syrie etc…). De politique, la domination financière devient géopolitique, l’oligarchie ayant la prétention d’organiser l’ordre et les institutions du monde à sa manière. Cette énorme concentration de capitaux a historiquement permis la création d’ennemis qui se retournent, immanquablement, contre les populations appauvries par l’accaparement érigé en système. Nous avons ainsi connu différents grands ennemis dûment financés : le bolchevisme 57, le nazisme 58, aujourd’hui l’islamisme intégriste constitué en État. Notons à cet égard que l’État islamique se finance, notamment, en spéculant sur les monnaies 59 dans le plus parfait silence du système de virement interbancaire Swift, lequel a pourtant su exclure les transactions avec l’Iran et a menacé celles avec la Russie 60 ; n’oublions pas les autres moyens de financement de l’EI que sont le blanchiment d’argent, le trafic d’œuvres d’art et la vente de pétrole 61. Bizarrement les comptes bancaires de l’État islamique ne sont pas rendus indisponibles, pas plus que ses transactions interbancaires ne sont empêchées par les organismes financiers gestionnaires qui les contrôlent. Ce cercle, vicieux pour les peuples et les nations, et vertueux pour les tenants de l’oligarchie, dure déjà depuis plusieurs siècles. Les peuples du monde – au premier titre desquels le peuple français bercé de l’illusion révolutionnaire – devraient s’organiser en dehors de tout système de parti politique pour s’approprier leur destin collectif ; une telle action est seule de nature à permettre le rejet par les populations de la prédation économique, laquelle se transforme immanquablement en prédation politique et géopolitique. Valérie Bugault est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique. Article précédent Article suivant Notes 1. L’activité de fusion-acquisition (fusac), très lucrative pour tous les intervenants, est devenue, audelà d’un effet de mode, un des fleurons de l’activité d’avocats d’affaires des trente dernières années. ↩ 2.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000682043&fast Pos=1&fastReqId=1157335271&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte ↩ 3.
http://rue89.nouvelobs.com/rue89-eco/2008/12/12/puis-je-demander-toucher-mon-salaireenespeces-68837 ↩ 4.
http://rue89.nouvelobs.com/2010/08/01/peut-on-vivre-en-france-sans-compte-en-banque-160478 ↩ 5.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2417 ;
https://www.banque-france.fr/labanquede-france/missions/protection-du-consommateur/droit-au-compte/informations-sur-le-droitaucompte.html ↩ 6.
http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2013/5/15/Ltrange-nature-du-dpt-bancaire ↩ 7.
http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021156849159-pourquoi-il-faut-separer-les-ba nques-1131842.php ↩ 8. Cf.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/02/06/l-allemagne-adopte-le-principedeseparation-des-activites-bancaires_1827864_3234.html ↩ 9.
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/la-reforme-bancaire-en-europe-sera-a ussi-une-coquille-vide-472289.html↩ 10. Cf.
http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/l-allemagne-adopte-sa-propre-reforme-b ancaire_1435418.html ↩ 11. Cf.
http://www.atlantico.fr/pepites/projet-reforme-bancaire-en-europe-devrait-fortement-ressembler-l oi-allemande-2119629.html ;
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/02/06/l-allemagne-ad opte-le-principe-de-separation-des-activites-bancaires_1827864_3234.html ↩ 12.
http://www.finance-watch.org/informer/blog/1070-bsr-blog-france?lang=fr ↩ 13.
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/reforme-bancaire-pourquoi-les-banques-francaises-s-i nsurgent-contre-le-projet-europeen-485687.html ; et aussi
http://www.leparisien.fr/flashactualiteeconomie/projet-europeen-de-reforme-bancaire-les-banques-francaises-denoncent-unscandale18-06-2015- 4873589.php#xtref=http%3A%2F%2Fwww.google.fr%2Furl%3Fsa%3Dt%24rct% 3Dj%24q%3D%24esrc%3Ds%24source%3Dweb%24cd%3D7%24ved%3D0ahUKEwj76 6v227_
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3DDgkALo9ef1NpEJ5719fz9Q ; encore
http://www.agefi.fr/banque-assurance/actualites/quotidien/20160126/deputes-francais-sinquietentreforme-bancaire-167323 ↩ 14. Voir Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 15. Voir notre article Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 16. Dans la zone euro, il s’agit des dépôts et des titres de créance et instruments du marché monétaire dont les échéances sont inférieures à deux ans ↩ 17.
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&ved=0ahUKEwiny7Tx0 MDLAhXFORoKHfveCyIQFggoMAI&url=http%3A%2F%2Fwww.bis.org%2Fpubl%2 Fbcbs189_fr.pdf&usg=AFQjCNERhhxbR84wkYorwyjUCDyyTX0e7Q&sig2=ennC M_3tkX8kRtGbMEZnnQ ;
https://acpr.banque-france.fr/international/les-grands-enjeux/lesaccordsde-bale/bale-iii.html ↩ 18. Sur le rôle fondamental joué par la BRI, voir :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-dusystemeeconomique-global-17-geopolitique-du-systeme-banques-centrales ↩ 19.
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/10/26/20002-20141026ARTFIG00149-stress-teststoutesles-grandes-banques-reussissent-l-examen.php ↩ 20.
https://www.les-crises.fr/la-vaste-blague-des-stress-tests-de-la-bce/ ;
http://www.paris match.com/Actu/Politique/Interview-de-Philippe-Lamberts-stress-tests-et-regulation-des-banques-6 42426 ↩ 21. Rappelons que les stress tests américains n’avaient décelé aucune anomalie sur la Lehman Brothers qui a pourtant fait faillite peu de temps après :
https://books.google.fr/books?id=UdqPnzq1pcC&pg=PA685&lpg=PA685&dq=lehman+brothers+pa sse+ses+stress+tests&sourc e=bl&ots=mSmDo2fC9g&sig=Sq9DJFDdY9HnZMDWvwTkMB7UzIs&hl=fr&sa=X&v ed=0ahUKEwjOwrLh-8LLAhWIrxoKHeo_BBUQ6AEISDAG#v=onepage&q=lehman% 20brothers%20passe%20ses%20stress%20tests&f=false ↩ 22. Cf.
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Stress-tests-de-la-BCE-propagande-au-service-ducartelbancaire-francais-28797.html ↩ 23.
https://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2015/12/23/directive-brrd-ponction-comptesbancairesgrands-medias-commencent-a-s-interesser-philippe-herlin/ et aussi
https://www.gold broker.fr/actualites/alerte-directive-brrd-ponction-comptes-bancaires-desormais-legale-france-869 ↩ 24. Voir à cet égard notre article précédent Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 25. Voir par exemple, pour la France :
http://www.20minutes.fr/economie/596786-20100914- economienicolas-sarkozy-veut-aider-les-francais-a-devenir-proprietaires ; voir encore :
http://www.liber ation.fr/france/2008/10/15/sarkozy-etait-il-partisan-des-subprimes-a-lafrancaise_111027 ↩ 26. Ce projet sera analysé dans le dernier article (le septième) de notre série de décryptage du système économique global. ↩ 27.
https://www.youtube.com/watch?v=a4ZcsRgC5ak ↩ 28.
https://www.youtube.com/watch?v=TLjq25_ayWM ↩ 29. La titrisation permet le séquençage et la parcellisation de produits financiers toxiques – comme l’étaient les subprimes – qui peuvent ensuite être partiellement mélangés à d’autres produits financiers, via des véhicules juridiques appelés special purpose vehicles, et revendus incognito à des clients ; l’ensemble du processus a pour objet de permettre aux acteurs bancaires ayant créé des créances irrécouvrables, de se délester juridiquement de ces dernières de façon discrète. Ce procédé a pour effet collatéral de contaminer très largement tous les acquéreurs de ces produits synthétiques, qui disposeront ainsi dans leurs bilans de créances douteuses ou irrécouvrables. C’est aussi, pour les établissements financiers, un moyen efficace de se débarrasser de concurrents encombrants. ↩ 30. Le Credit Default Swap est une sorte d’assurance contre le non-remboursement d’une dette d’un État ou d’une société. Toutefois, à la différence d’une assurance, le montant en capital dû en cas de réalisation de l’événement n’est pas garanti par une quelconque couverture financière ; cette assurance a, au surplus, pu être proposée à nu, c’est-à-dire que les établissements financiers pouvaient proposer des CDS sur des titres de créances, notamment sur des dettes d’États souverains, qu’ils ne possédaient pas. ↩ 31. Voir la manipulation du libor et de l’euribor ↩ 32.
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/04/23/20002-20150423ARTFIG00186-libor-comprendrecescandale-qui-fait-trembler-les-banques.php ;
https://deontofi.com/fraude-sur-lindice-destauxeuribor-point-detape-dun-scandale-statistique-mondial/ ↩ 33. Concernant le Delaware, lire notre article Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 34.
http://www.lefigaro.fr/marches/2011/02/09/04003-20110209ARTFIG00584-nyse-euronextetdeutsche-borse-pourraient-fusionner.php ↩ 35.
http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-94_fr.htm?locale=FR ↩ 36.
http://www.zonebourse.com/DEUTSCHE-BOERSE-AG-449617/actualite/Deutsche-BoerseProjetde-fusion-Deutsche-Borse-NYSE-Euronext-le-Tribunal-europeen-valide-son-re-19995347/ ↩ 37. Cf.
http://www.lemonde.fr/bourse/article/2016/03/16/les-operateurs-boursiers-allemanddeutscheborse-et-britannique-lse-vont-fusionner_4883716_1764778.html ↩ 38. Voir
http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/11/14/goldman-sachs-le-trait-d-union-entremariodraghi-mario-monti-et-lucas-papademos_1603675_3214.html ↩ 39. Voir le rôle de la BRI dans le financement de l’Allemagne nazie, détaillé dans notre précédent article Géopolitique du système de banques centrales ↩ 40. Cf. Annie Lacroix-Riz Aux origines du carcan européen (1900-1960) ; la France sous influence allemande et américaine, Coédition Le Temps des Cerises et Delga ; voir aussi :
https://vimeo.co m/18006526 ↩ 41.
http://www.voltairenet.org/article164792.html ↩ 42. Voir
http://www.challenges.fr/entreprise/20121220.CHA4583/mais-qui-est-le-nouveauproprietairede-la-bourse-de-paris.html et aussi
http://www.challenges.fr/entrepr ise/20121220.CHA4582/l-americain-ice-rachete-nyse-euronext-pour-8-2milliardsde-dollars.html ↩ 43. Cf.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/03/17/les-defis-de-la-fusionlsedeutsche-borse_4884754_3234.html ;
http://www.lesechos.fr/finance-m arches/marches-financiers/021770839800-accord-pour-la-fusion-entre-laboursede-londres-et-deutsche-borse-1207533.php ↩ 44.
http://www.capital.fr/bourse/actualites/deutsche-boerse-et-lse-devoilent-leur-pr ojet-de-fusion-1109604 ↩ 45. Voir notre article Géopolitique du libre-échange ↩ 46. Voir à ce propos notre article Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 47.
http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=4877 ↩ 48. Pour une histoire de la Bourse de Paris : voir
http://www.institutdelabourse.fr/?section=presen tation&page=histoire-de-la-bourse ↩ 49. Voir
http://www.slate.fr/story/25769/paris-petite-place-financiere-province-NYSE-LSE ;
http://www.slate.fr/story/34213/bourse-defaite-nyse ; et
https://fr.wikip edia.org/wiki/Bourse_de_Paris ↩ 50. Cf.
https://www.monde-diplomatique.fr/2008/04/VIDAL/15800 ↩ 51. Cf. Les armées secrètes de l’OTAN de Daniele Ganser, aux éditions Demi Lune, collection Résistances ↩ 52.
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9int%C3%A9gration_de_la_France_dans_le_comma ndement_int%C3%A9gr%C3%A9_de_l%27OTAN ;
http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/ politique-defense/reintegration-france-otan/ ↩ 53. 2 e édition, chez Armand Colin ↩ 54. Lire notre article Géopolitique du système de banques centrales ↩ 55. Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Gaulle ↩ 56. Lire notre article Géopolitique du système des banques centrales ↩ 57. Cf. Antony Sutton, Wall Street et la Révolution bolchevique aux éditions Le retour aux Sources ; voir également
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antony_Cyril_Sutton ↩ 58. Voir notre article Géopolitique des banques centrales pour le financement du nazisme par la BRI ; concernant le financement du nazisme par les multinationales :
https://www.youtube.com/watch? v=GGciVseWyhs ; concernant le financement du nazisme par Wall Street : Antony Sutton, Wall Street et l’ascension de Hitler, aux éditions Le retour aux Sources ; voir aussi
https://www.yout ube.com/watch?v=aq7so0vk2uQ ↩ 59. Cf.
http://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/quand-l-etat-islamique-s-enrichit-en-speculant-surletrading-de-devises-957765.html ↩ 60. Cf.
https://www.les-crises.fr/deconnexion-swift-russie↩ 61. Cf .
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/11/19/esclavage-rancons-petrolepillagecomment-se-finance-l-etat-islamique_4812961_4355770.html ;
http://www lesechos fr/17/11/201 5/lesechos fr/021484782326 attentats comment se finance l etat-islamique.htm ; voir aussi cette interview du président syrien Bachar el-Assad :
https://www.youtube.com/watch?v=foKf_4lLXjY ↩ 3 118 Articles from Le Saker Francophone Décryptage du système économique global [6/7] : Géopolitique de l’entreprise capitalistique – 1/2 Ni communiste, ni ultra-libérale, la troisième voie politique réside dans l’apaisement des relations sociales, politiques et géopolitiques que rendra possible un renouveau juridique global du concept d’entreprise. Lorsque nous parlerons d’entreprise dans le présent exposé, il faudra comprendre l’actuel modèle d’entreprise de type capitalistique qui s’est imposé au niveau mondial. Les variations juridiques, d’un modèle étatique à l’autre, s’arrêtent devant le mur de leurs points communs que sont la soumission aux intérêts des actionnaires majoritaires et la possibilité de devenir des conglomérats aux mains de ces mêmes actionnaires cachés derrière de multiples structures juridiques. L’entreprise sous sa forme actuelle obligeamment tournée vers la prédation économique est un acteur essentiel du jeu de pouvoir anglo-saxon lequel développe sa domination par le contrôle monétaire et par le libre-échange Ce système global de domination fortement intégré est aujourd’hui en phase d’expansion rapide Or le principe politique qui a pour fonction de régir la vie en Société devrait régir le commerce et l’économie et n’être pas régi par eux Commerce et politique sont deux termes différents qui ne peuvent pas être assimilés Aujourd’hui le rôle de l’État est considérablement abaissé et amoindri par le fait du modèle d’entreprise de type capitalistique les États n’ont plus les moyens d’assumer leur rôle politique qui est avant tout d’assurer et de garantir la paix sociale Face aux excès dus à la confiscation du pouvoir par une élite financière il est globalement souhaitable de réformer l’entreprise qui sert d’appui à leur expansionnisme juridique et politique mondial La théorie juridique exposée en seconde partie de cet article qui s’inscrit dans une ligne de rupture répond au besoin aujourd’hui impérieux de rendre au fait politique un contrôle sur le fait économique en d’autres termes de rendre à la notion d’État ses lettres de noblesse Ces propositions juridiques s’inscrivent dans la lignée de la conception gaulliste de l’entreprise 1 étant précisé que nous proposons une réorganisation structurelle du concept même d’entreprise et non un aménagement de ce concept L’établissement d’un contrôle juridique de l’entreprise par l’État et la matérialisation juridique d’un équilibre des pouvoirs au sein de cette institution seraient de nature à redonner aux États des marges de manœuvre économiques et politiques Cette théorie juridique de l’entreprise si elle était acceptée par une majorité d’États serait indiscutablement de nature à changer la géopolitique mondiale en mettant un terme à la prédation politico-économique en cours d’achèvement Toutefois un renouveau du concept juridique d’entreprise ne pourra de toute évidence être réalisé que par des instances politiques qui ne sont pas de simples émissaires des forces économiques en place L’Occident n’a malheureusement plus à sa disposition d’instances politiques qui s’occupent réellement du bien commun Les appareils des partis politiques ainsi qu’une partie très substantielle pour ne pas dire l’intégralité des appareils d’État ont été phagocytés par les principaux détenteurs de capitaux On peut aujourd’hui considérer que les États occidentaux sont d’une façon générale soumis au despotisme de ce que certains géopoliticiens tel Peter Scott Dale désignent du terme d’État profond et qui n’est en réalité que le dévoiement total ou partiel des institutions publiques par et pour les intérêts privés des principaux détenteurs de capitaux Nous analyserons dans une première partie les aspects juridiques problématiques de l’actuel modèle d’entreprise capitalistique Dans une seconde partie nous proposerons un nouveau modèle juridique d’entreprise de nature à transformer cette dernière en un instrument de politique économique au service des peuples Cette théorie ne pourra être validée qu’à partir du moment où des chefs d’État courageux et honnêtes auront l’audace d’imposer un tel renouveau juridique de l’entreprise dans leur législation 1 ère sous-partie : les aspects juridiques problématiques de l’actuel modèle d’entreprise capitalistique La conception économique anglo-saxonne du monde qui s’est installée en occident depuis l’avènement des grandes révolutions s’est durant le XXe siècle considérablement renforcée au point d’y être devenue prépondérante Cette appréciation commercialiste de la vie en société s’est durant la même période imposée au 2016-04-01 16:04:17 saker Par Valérie Bugault le 21 février 2016 Façade de Goldman Sachs anglosaxonnes (les très concentrées Fat Four) L’appréhension de la vie en commun sous le seul prisme du principe économique s’est d’une façon générale imposée au niveau global par le biais de la domination juridique du droit anglo-saxon qui a peu à peu anéanti la conception occidentale continentale du droit Dans une perspective de philosophie juridique deux visions occidentales de l’entreprise l’une anglo-saxonne et l’autre continentale s’affrontent au travers de l’entreprise Dans la vision anglo-saxonne l’entreprise domine la politique alors que dans la vision continentale la politique domine l’entreprise A la faveur du droit de l’Union européenne la vision anglo-saxonne l’a finalement emporté en Europe sur la vision continentale Les dérives politiques et sociétales globales que nous connaissons aujourd’hui font cortège à cette conception monolithique du monde Une observation attentive de la vie économique juridique et politique actuelle montre que la domination du fait économique est entièrement construite autour de la notion d’entreprise capitalistique En assurant la circulation des flux monétaires et financiers dans le monde l’entreprise joue un rôle prépondérant dans l’organisation économique globale Compagnon inséparable des paradis fiscaux l’entreprise est à la fois le moteur et le talon d’Achille du système actuellement en place système qui verra son achèvement dans l’avènement du Nouvel Ordre Mondial tant attendu par la ploutocratie Ce Nouvel Ordre Mondial est aujourd’hui sur le point avec la signature du traité transpacifique bientôt suivie par celle du traité transatlantique de franchir un nouveau et considérable bond en avant dans l’asservissement mondial généralisé des individus et des nations Nous commencerons par faire une rapide description du contexte politico-juridique dans lequel l’actuel modèle d’entreprise s’inscrit Nous considérerons ensuite les raisons qui font de l’actuel modèle d’entreprise un instrument de prédation sociale politique et géopolitique I) Rapide description du contexte politico-juridique dans lequel l’actuel modèle d’entreprise capitalistique s’inscrit D’une façon générale l’entreprise est le moyen légal pour ses principaux propriétaires de se doter d’une sorte de passe-droit juridique et fiscal permettant d’échapper à l’impôt ce qui génère une accumulation indue de capitaux lesquels seront utilisés par les entreprises pour mieux avaler la concurrence et pour financer au moyen de la corruption et du lobbying corruption légale les décideurs politiques qui feront voter des lois toujours plus favorables aux grandes entreprises et à leurs propriétaires La concentration des capitaux consubstantielle à l’actuelle entreprise de type capitalistique transforme cette dernière en instrument de prédation politique et géopolitique C’est ainsi qu’ont pu être votées toutes les lois de déréglementation et de créativité bancaire titrisation au moyen de Special Purpose Vehicule CDS 2 hedges funds 3 opérations pour compte propre etc c’est ainsi que la théorie des jeux a pu être appliquée à l’économie comme une sorte de dogme irréfragable C’est ainsi qu’ont pu être autorisées les opérations de LBO 4 pure prédation économique consistant à acquérir une entreprise en faisant payer le coût d’acquisition par la victime de la prédation etc Historiquement l’action des principaux détenteurs de capitaux en Occident n’a cessé de se renforcer au fil des siècles 5 pour finalement aboutir à une prise de contrôle officieuse plus ou moins achevée selon les cas des institutions étatiques et internationales L’entreprise a été utilisée par ce groupe d’individus comme un instrument puissant pour accroître son pouvoir au sein des institutions publiques l en a résulté l’émergence de ce que certains politologues et géopoliticiens désignent du terme d’État profond Les apparentes démocraties 6 occidentales qui ont souvent la forme de Républiques ne sont en réalité que le paravent de régimes politiques ploutocratiques 7 dans lesquels les détenteurs réels du pouvoir ne s’identifient aucunement aux détenteurs apparents du pouvoir que sont les présidents des Républiques et autres premiers ministres En Occident les réels détenteurs du pouvoir sont les principaux capitalistes réunis au sein de ce que l’on peut désigner du terme de consortium bancaire Nous allons voir comment par son mode de fonctionnement l’entreprise est un outil de prédation économique politique et géopolitique aux mains de ces réels détenteurs du pouvoir II) Le modèle d’entreprise de type capitalistique actuellement en vigueur est un instrument de prédation sociale, politique et géopolitique Le modèle d’entreprise capitalistique est le facteur principal de déstabilisation sociale d’une part en raison de ses caractéristiques intrinsèques (A) et d’autre part en raison de la démission par l’État de son rôle législatif (B) l faut immédiatement ajouter que la distinction entre les caractéristiques propres de l’entreprise et la démission de l’État est un peu factice dans la mesure où l’État devrait s’il n’avait pas démissionné de son rôle assujettir les caractéristiques propres de l’entreprise à l’intérêt commun ce qui n’est évidemment pas le cas les caractéristiques propres de l’entreprise sont donc également une forme profonde de démission de l’État A) L’actuel modèle d’entreprise capitalistique est un instrument de prédation sociale au profit de ses propriétaires majoritaires Selon le modèle actuel l’entreprise capitalistique est une organisation hiérarchique aux mains de ses propriétaires majoritaires qui permet d’assurer leur anonymat La prééminence des propriétaires majoritaires sur tous les autres acteurs de l’entreprise La politique généralisée du profit à court-terme qui prévaut actuellement dans le monde économique est rendue possible par la prééminence d’un groupe d’acteurs de l’entreprise sur les autres éléments constitutifs de cette dernière celui des apporteurs de capitaux et parmi eux essentiellement les apporteurs majoritaires qui décident réellement de la politique suivie par l’entreprise En effet les dirigeants d’entreprise nommés par les actionnaires majoritaires ont pour fonction structurelle de mettre en œuvre l’intérêt financier et matériel de ces derniers (dont ils dépendent) Ce phénomène permet un détournement de la fonction de l’entreprise considérée comme personnalité juridique En effet contrairement aux exigences légales l’entreprise ainsi conçue ne peut pas de façon structurelle avoir réellement pour rôle d’agir dans son intérêt propre qui est pourtant une contrainte légale liée à l’acquisition de la personnalité juridique L’intérêt des actionnaires majoritaires prime dans les faits sur toute autre considération puisque cet intérêt oriente par construction les actions des dirigeants En définitive l’intérêt de l’entreprise se confond de façon structurelle avec l’intérêt des actionnaires majoritaires En conséquence la politique suivie par l’entreprise sera essentiellement le reflet des seuls intérêts de ses apporteurs majoritaires de capitaux alors même concernant les grandes entreprises cotées en bourse que le groupe majoritaire peut être utilement constitué en valeur absolue par une infime minorité d’actionnaires La prééminence absolue dans l’entreprise des apporteurs de capitaux a pour effet structurel la privatisation du rôle et de la notion d’entreprise celle-ci devenant non pas un acteur dans et pour la Société pris au sens politique du terme mais un moyen détourné pour un groupe d’individus de prendre le pouvoir économique lequel permettra ensuite une captation du pouvoir politique La concentration du capital générée par l’entreprise conçue comme prédateur économique a ainsi permis à ses bénéficiaires les très gros capitalistes d’imposer juridiquement au niveau mondial le principe de libre-échange c’est-à-dire la liberté de circulation des capitaux des marchandises et des humains Cette pente fatale mène inéluctablement à ce que l’entreprise devienne un instrument de domination non seulement politique mais aussi géopolitique dans les mains d’un petit nombre d’individus dont l’identité sera par ailleurs difficile à distinguer Nous verrons dans la seconde partie de cet article qu’une appréciation objective de la réalité de ce qu’est une entreprise rend évidente l’observation selon laquelle cette dernière ne peut fonctionner que s’il existe indépendamment des actionnaires des personnes qui travaillent pour mettre en œuvre l’objet social (qui est la raison d’être de l’entreprise en tant que personnalité morale) l s’agit des employés que nous désignerons du terme d’apporteurs de travail peu importe la nature juridique du lien qui les relie à l’entreprise (contrat de travail sous-traitance…) Ce groupe d’individus n’est pas reconnu aujourd’hui par le droit dans la mesure de son apport au fonctionnement de l’entreprise il n’est considéré que de façon secondaire alors que son rôle est tout à fait primordial dans la mise en œuvre de l’objet social qui est la raison d’être fondamentale de l’existence juridique de l’entreprise L’entreprise permet l’anonymat des principaux propriétaires de capitaux Dans l’actuel modèle d’entreprise capitalistique les apporteurs de capitaux sont non seulement prépondérants mais ils peuvent également dans une très large mesure se rendre juridiquement anonymes ce qui a pour effet de faciliter leur prise de pouvoir par une concentration discrète qui n’attire l’attention de personne des capitaux ’ i i ié i i j l i À un premier niveau les actionnaires majoritaires utilisent le paravent de la personnalité morale (personnalité fictive juridiquement accordée à une société) pour anonymiser leur appropriation des biens matériels et immatériels ces biens sont officiellement détenus par les entreprises et officieusement sous l’emprise indirecte mais réelle des majoritaires Cette méthode judicieuse d’appropriation empêche le public de s’émouvoir d’un accaparement qu’il ignore Au stade de l’entreprise en tant qu’entité juridique il reste néanmoins relativement simple sauf en cas de trust anonyme de découvrir qui sont ses propriétaires ce qui n’est pas le cas en présence de groupes d’entreprises A un second niveau l’anonymat résulte de l’émergence de groupes économiques constitués d’une superposition complexe de structures juridiques Les trusts anonymes et la localisation dans des paradis fiscaux ne sont évidemment pas absents de l’organigramme de ces conglomérats internationaux D’une façon générale l’existence de groupes économiques aux ramifications internationales rend très difficile voire impossible la connaissance des propriétaires qui tirent les ficelles de l’ensemble économique Les banques à l’avant-poste des groupes multinationaux ont de cette façon pris discrètement et très efficacement le contrôle du pouvoir politique dans la plupart des pays du monde Le trust qui est un élément essentiel des groupes internationaux mérite quelques développements Le cas du trust Le trust est une honorable et très ancienne institution d’origine anglaise Le trust anglais n’est pas d’essence commerciale mais civile l permet la gestion des transferts de propriété et est soumis non pas au régime de droit de la common law mais à celui de l’equity Cette organisation juridique d’origine anglaise a été détournée de sa fonction initiale par les grands capitalistes qui se sont développés aux États-Unis d’Amérique à la fin du X Xe siècle notamment par la famille Rockefeller afin de contourner le droit américain des sociétés Au vu du succès de la Standard Oil Trust fondée par la famille Rockefeller en 1882 le trust s’est ainsi mis à prospérer en droit des affaires anglo-saxon L’hégémonie économique prise par les USA durant le XXe siècle a permis tout à la fois d’imposer le trust comme instrument de gestion des paradis fiscaux 8 et d’imposer cette institution dans la pratique du commerce international Dans ce contexte le trust est devenu le vecteur juridique privilégié de la liberté de circulation des capitaux Cette institution a deux avantages elle permet d’une part l’opacité quant aux propriétaires Elle permet d’autre part parce qu’elle est un véhicule juridique la circulation des capitaux partout dans le monde Toutefois afin que la libre circulation des capitaux par trusts interposés puisse se réaliser pleinement il fallait que le véhicule juridique trust soit juridiquement reconnu dans les différentes parties du monde l a donc été nécessaire soit d’imposer purement et simplement cette institution dans des systèmes juridiques étrangers opérant ainsi un apport juridique étranger directement au sein des législations concernées soit d’adapter les systèmes juridiques étrangers au concept de trust de façon à rendre cette institution juridiquement valable C’est à cette dernière préoccupation que répond l’intégration en droit français de la fiducie En effet le trust anglo-saxon qui n’entre dans aucune des qualifications traditionnelles du droit français y fait figure d’ovni juridique Le droit français connaît de multiples formes et régimes permettant de transférer la propriété en toute clarté la donation la donation-partage le legs etc La clarté ne remplissant pas les conditions nécessaires à l’accaparement discret on comprend que ce modèle de transmission du patrimoine ne se soit pas imposé dans l’ordre économique mondial S’agissant de la gestion des biens professionnels le droit français connaît également un grand nombre de structures juridiques permettant très largement de se passer du trust anglais les Codes civil et de commerce connaissent déjà la fondation l’association la société anonyme la société en commandite (simple et par actions) la SARL la société civile les holdings la société unipersonnelle sous différentes formes le G E le GAEC et encore bien d’autres… De la même manière en matière de droit des sûretés la loi française connaît de nombreux mécanismes ayant fait la preuve de leur efficacité sûretés réelles (hypothèque gage) ou personnelles (caution) l n’y avait donc aucune nécessité impérieuse d’ordre patrimonial commercial ou professionnel d’introduire le trust en droit français la seule nécessité provenait de l’ouverture des frontières et du sacro-saint principe politique de liberté de circulation des capitaux Pour les raisons décrites ci-dessus cette introduction ne fut pas simple les premières tentatives étant restées infructueuses mais elle le fut finalement grâce aux bons soins du sénateur Philippe Marini avec l’avènement de la fiducie 9 Aux yeux des acteurs du monde des affaires à l’origine de l’introduction de ce concept en droit français 10 la fiducie française n’est toutefois qu’une pâle et insuffisante imitation du trust anglo-saxon Cet ersatz est néanmoins suffisant pour déstructurer en profondeur un système de droit intégré et cohérent fondé sur l’unicité du patrimoine tel que l’était celui du Code civil 11 Outre les caractéristiques intrinsèques d’outil de pouvoir et d’anonymat de la conception actuelle de l’entreprise capitalistique la démission des États de leur rôle de législateur facilite l’utilisation de l’entreprise comme instrument de prédation économico-politique par ses principaux propriétaires B) L’actuel modèle d’entreprise capitalistique est un instrument de prédation sociale en raison de la démission de l’État de son rôle législatif l faut immédiatement préciser le sens de démission par l’État de son rôle législatif Cette démission concerne les principes politiques de l’organisation sociale Car l’État démissionnaire est dans le même temps et par contrecoup atteint d’une sorte de frénésie normative Ce déchaînement réglementaire ne porte bien évidemment pas sur la reprise en main des grandes orientations politiques à donner à la Société mais a pour objet de mettre en application les intérêts des principaux capitalistes Ces débordements normatifs qui noient les administrés sous des quantités de textes sont un moyen judicieux d’imposer discrètement des principes politiques dans l’intérêt des seuls acteurs économiques dominants D’une façon générale la frénésie normative est la conséquence directe de la disparition de l’État en tant qu’entité politique elle est le fait d’un État dénaturé qui a perdu sa souveraineté et qui s’est mis au service du grand capital En France l’actuel projet de loi dite travail à l’occasion duquel le patronat gagne la possibilité de déroger contractuellement aux dispositions du Code du Travail est une illustration édifiante de ce processus 12 L’État en tant qu’entité politique légitime n’existe plus dans les pays occidentaux c’est la raison principale pour laquelle il a démissionné de son rôle d’impulsion des grandes orientations politiques La souveraineté ne peut pas se conjuguer au principe d’allégeance elle est ou elle n’est pas Un État qui fait allégeance à des intérêts privés n’est en aucun cas un État souverain Nous verrons que l’État français et tous les États du monde ont renoncé à déterminer et encadrer de façon stricte le rôle social manifesté par l’objet social de l’entreprise Par ailleurs en France la nature juridique du concept d’entreprise oscille entre une approche contractuelle de plus en plus envahissante et une approche institutionnelle en régression le tout engendrant une insécurité juridique pour les petits entrepreneurs Dans le même ordre d’idée le législateur étatique français et européen autorise une multitude de formes et de régimes juridiques et fiscaux qui pénalisent les petits entrepreneurs et avantagent les groupes économiques disposant d’une forte assise financière Enfin et surtout les législateurs étatiques des différents pays du monde ont renoncé à édicter les normes comptables des entreprises multinationales prérogatives qui appartient aujourd’hui de plein droit aux acteurs économiques dominants l n’y a semble-t-il malheureusement pas le moindre début de contestation par les États de ce phénomène… Une indétermination juridique du rôle social, c’est-à-dire de l’objet social de l’entreprise Aujourd’hui l’objet social de l’entreprise qui doit obligatoirement être précisé dans ses statuts n’a aucune obligation d’être clairement circonscrite à une activité précisément identifiée A l’échelle de l’entité juridique l’objet social est le plus souvent désigné de façon suffisamment large et floue pour permettre un très large éventail d’activités éventail susceptible de s’ouvrir et de se fermer en fonction des événements conjecturaux Si certaines marges de manœuvre sont en effet nécessaires à l’entreprise pour évoluer en fonction des aléas du marché une indétermination excessive de son objet social permet une évolution structurelle de l’entreprise dans des voies radicalement différentes de sa raison d’être initiale l’entreprise est alors véritablement transformée et n’a plus rien à voir avec l’objectif pour lequel elle avait été créée de cette façon l’entreprise échappe au législateur interne Mais il y a pire le contrôle étatique sur le rôle social rempli par l’entreprise disparaît totalement en présence d’un groupe d’entreprises A la faveur de l’émergence de la notion de groupe d’entreprises plus ou moins formellement pris en compte par le droit mais d’ores et déjà une réalité fiscale en France l’objet social réel du groupe est tout à fait colossal il est susceptible de prendre en compte à peu près l’intégralité des activités humaines En présence d’un groupe de sociétés le formalisme légal exigeant pour chaque société la détermination dans les statuts d’un objet social est vidé de toute substance par les propriétaires de l’ensemble économique formé par le groupe A l’échelle du groupe d’entreprises les législateurs nationaux n’ont aucune prise sur l’activité réellement exercée par les détenteurs majoritaires des capitaux professionnels On assiste ici à une subversion du pouvoir politique normatif le pouvoir d’édicter des règles en l’occurrence l’obligation d’indiquer un objet social par les principaux détenteurs de capitaux qui ne supportent aucun contre-pouvoir dans la délimitation de leurs activités Pour résumer une entité juridique informelle le groupe d’entreprises reliée par ses actionnaires majoritaires et dotée d’un pouvoir économique réel s’arroge le droit d’agir sur toute la surface de la terre en toute indépendance par rapport aux États Une fois de plus les États sont considérés par les principaux détenteurs du pouvoir économique comme quantités négligeables La négation du principe législatif par le pouvoir économique est en réalité la négation du concept d’État derrière ce phénomène se cache une prise du pouvoir politique par les principaux acteurs économiques Outre son objet social indéterminé la nature même de l’entreprise est juridiquement incertaine en droit français Une indétermination de la nature juridique de l’entreprise en droit français En France l’indétermination de la nature juridique contrat ou institution de l’entreprise peut avoir des effets juridiques et fiscaux considérables à l’occasion d’événements importants dans la vie de l’entreprise Par exemple une modification régulière des statuts sera considérée comme emportant disparition de l’entreprise si celle-ci est une institution tandis qu’elle ne le sera pas si celle-ci a la nature d’un contrat Les tenants de la liberté totale et plus du commerce qui ont actuellement pris le pouvoir politique dans les pays occidentaux sont naturellement partisans d’une conception contractuelle de l’entreprise qui leur laisse beaucoup plus de marge de manœuvre vis à vis des instances publiques En revanche les partisans d’un État fort qui veulent restaurer la force de la loi considérée comme devant préserver l’intérêt général devront naturellement considérer l’entreprise comme une institution Une fois l’entreprise créée il n’appartient plus aux propriétaires y compris les majoritaires d’en changer totalement la substance S’ils veulent le faire ils devront dissoudre l’entreprise existante pour éventuellement en créer une nouvelle La contrainte juridique change de camp L’actuelle indétermination de la nature juridique de l’entreprise a pour conséquence une insécurité juridique préjudiciable au bon fonctionnement de l’activité économique générale En effet les choix politiques du chef d’entreprise en matière juridique et fiscale sont susceptibles d’être remis en cause tant par les administrations publiques que par les juges alors mêmes que ces choix avaient été faits de bonne foi Ce qui concrètement engendre de légitimes aigreurs de la part des entrepreneurs l faut noter que comme toujours seules les petites et moyennes entreprises (PME) sont susceptibles de réellement souffrir de cette insécurité juridique les multinationales ayant l’assise financière leur permettant d’amortir ce genre d’inconvénients Ce qui peut être fatal à une petite entreprise ne s’avère être qu’un inconvénient mineur pour une multinationale Au-delà de l’indétermination de la nature juridique de l’entreprise la multitude de formes et des régimes juridiques et fiscaux disponibles est une liberté pour les grandes entreprises et un esclavage pour les PME La multiplicité des formes et des régimes juridiques et fiscaux est une liberté pour les uns et un esclavage pour les autres Pour comprendre la problématique liée à la multitude des formes juridiques il faut revenir à l’essentiel c’est-à-dire aux contraintes fondamentales de l’activité humaine Pour l’essentiel l’activité humaine exercée de façon régulière à titre professionnel donc peut concerner des domaines très variés allant de la recherche de bénéfices au simple exercice à titre gratuit Toutefois qu’un bénéfice soit ou non recherché à titre principal par le ou les exploitants d’une activité professionnelle cette activité a besoin à un moment ou à un autre d’être financée Par ailleurs cette activité concerne toujours un ou des individus qui travaillent directement ou indirectement pour la mettre en œuvre Ainsi si l’on s’en tient aux fondamentaux de l’activité humaine la différence entre associations fondations G E (groupement d’intérêt économique) GE E (groupement européen d’intérêt économique) GAEC société de personnes sociétés de capitaux nationales ou européennes unipersonnelles ou collectives sociétés de fait et autre trust s’avère en définitive source de complexité inutile La seule légitimité de cette complexité réside dans le poids de l’histoire et l’avantage éventuel qu’en tirent les gros propriétaires de capitaux qui utilisent successivement et/ou simultanément l’une et l’autre des structures à leur disposition en fonction de leur intérêt financier En effet la multiplicité des structures juridiques disponibles favorise les grandes entreprises et les propriétaires qui sont derrière qui peuvent financer de coûteux conseils juridiques comptables et fiscaux Ces entreprises bénéficient ainsi d’un grand choix de formes et de régimes juridiques et fiscaux qui leur permet d’éviter la plupart des inconvénients de l’une ou l’autre des options générant par ricochet de nombreuses économies Les petits et moyens exploitants sont de leur côté souvent embarrassés par les choix qui s’offrent à eux mal informés sur les avantages et les inconvénients par ailleurs extrêmement fluctuants des différentes structures et régimes ils finissent inéluctablement par prendre une mauvaise option pas toujours aisée à corriger Dans le meilleur des cas cette erreur réduira la marge bénéficiaire de leur activité Dans le pire des cas leur faible assise financière ne leur permettra pas d’amortir le coût de cette erreur et ils seront contraints de liquider leur activité professionnelle Cette situation nuit quoiqu’il en soit aux États en réduisant d’autant leurs rentrées fiscales D’une façon générale la complexité bien que s’appliquant théoriquement de façon indistincte à toutes les entreprises ne pénalise concrètement que les seules entreprises ayant peu d’assise financière et dont les dirigeants ont eux-mêmes peu de connaissances comptables juridiques et fiscales connaissances qu’il faut par ailleurs avoir pointues et remettre sans cesse à jour en raison des incessants changements législatifs et réglementaires En plus de bénéficier de façon structurelle des carences étatiques les conglomérats se sont en outre directement arrogés en toute impunité et sans réaction étatique notoire le droit d’édicter au niveau mondial les normes comptables qui leur sont applicables L’édiction par l’oligarchie financière des règles comptables applicables aux sociétés par actions inscrites en bourse est le symptôme de l’effacement du rôle et de la fonction d’État Les propriétaires majoritaires des grands conglomérats contrôlent au niveau international les règles comptables des entreprises cotées en bourse Les normes IFRS sont édictées par les tenants du pouvoir économique global La comptabilité des entreprises cotées en bourse est très majoritairement réglée aujourd’hui au niveau mondial par les règles comptables dites FRS Ces règles sont issues d’un organisme privé l’ ASB (acronyme de International Accounting Standard Board le bureau des standards comptables internationaux) dont le siège est sans surprise 13 situé à Londres L’ ASB est sous la tutelle de l’ ASCF 14 structure à but non lucratif qui œuvre pour le bien commun de ses membres les plus gros détenteurs de capitaux du globe L’ ASCF créée en 2001 dans l’État du Delaware l’un des tout premiers paradis fiscaux de la planète 15 est composée de 22 administrateurs (trustees 16) qui assurent la direction de l’ ASB et des entités associées 17 En résumé l’ ASB organisme privé ne rend des comptes qu’aux fondations privées qui le financent au premier titre desquelles on retrouve les plus grands établissements financiers et les principaux cabinets d’audit de la planète On comprend donc que cet organisme a structurellement à cœur de défendre les intérêts des principaux détenteurs de capitaux Les grandes tendances des normes IFRS Ces règles comptables par construction arrangeantes pour les multinationales permettent une appréciation de plus en plus individualisée et subjective et de moins en moins générique et objective de la valeur des actifs du bilan des grandes entreprises Ce qui a pour effet direct de réduire la sécurité juridique et donc la confiance dans les transactions commerciales tant nationales qu’internationales A titre d’illustration cette réglementation permet l’évaluation comptable dite à la juste valeur (fair value en anglais FRS) extrêmement sujette à manipulation en lieu et place de la valorisation au coût historique anciennement en vigueur en France qui était D’une façon générale dans l’ordre politico-économique qui sévit aujourd’hui il faut prendre l’habitude de comprendre la terminologie utilisée comme désignant le contresens exact de ce qu’elle prétend désigner Ainsi la juste valeur ne comprend pas le terme juste au sens de la justice globale pérenne dans le temps mais au sens de l’intérêt à un moment donné de l’entreprise qui utilise et valorise le bien en question Chaque fois que les adjectifs juste libre, etc apparaissent sur le terrain réglementaire il faut comprendre qu’ils signifient la mise en place d’un processus partial injuste et de type carcéral pour les petits tandis qu’il sera en effet juste et libre pour les puissants De la même façon tous les hommes qui prétendent libérer la croissance les énergies l’économie parlent au nom des plus gros propriétaires de capitaux et ne se soucient aucunement de libérer les énergies productives des PME ou des citoyens Nous avons une nouvelle manifestation de la justice de caste sournoisement en cours de rapide développement en Occident déjà décrite dans un précédent article 18 Les normes IFRS tendent à s’imposer partout dans le monde Au niveau européen les normes FRS s’imposent depuis l’édiction d’un «règlement européen directement applicable sur le territoire des États membres de l’UE, à la différence d’une directive qui doit être transposée du 19 juillet 2002 19 Les normes FRS se sont ainsi imposées en France par le biais du droit de l’Union européenne Cela ne doit point surprendre car nous avons déjà vu 20 que l’Union européenne était un mur institutionnel de consolidation du système général de prédation économique mis en place par les grands capitalistes Outre les pays occidentaux ces normes FRS tendent à s’imposer au niveau mondial Elles sont actuellement appliquées par cent vingt-trois pays répartis sur tous les continents Ainsi l’Australie la Nouvelle-Zélande Hong-Kong l’Afrique du Sud ont adopté ces règles en 2003 Le Canada le Mexique la Chine le Japon l’ nde et la Russie (pour les institutions bancaires et certains émetteurs de titres) appliquent aujourd’hui également les normes FRS La normalisation comptable mondiale est un préambule à la réalisation du gouvernement mondial oligarchique (Nouvel Ordre Mondial) Le contrôle des règles comptables est un élément important du processus général de contrôle économique global mis en œuvre par les détenteurs du pouvoir économique Sans surprise ces normes FRS ont été édictées afin de faire converger les modèles américain (US GAAP) et européen 21 l s’agit ni plus ni moins d’un processus de convergence normative annonciatrice du grand marché transatlantique et un pas plus loin du gouvernement mondial ou Nouvel Ordre Mondial voulu par l’oligarchie bancaire Les États une fois de plus apparaissent comme de simples entités juridiques chargées de faire respecter sur leur territoire les intérêts privés des principaux propriétaires de capitaux intérêts érigés en loi internationale fondamentale Ce qui se passe au niveau des normes comptables applicables aux entreprises est un symptôme celui de l’avancée considérable dans les faits du processus de désintégration des États processus qui ne demande plus qu’à être juridiquement acté Conclusion de la 1ère sous-partie La position hégémonique que les principaux propriétaires de capitaux ont acquise dans la structure de l’entreprise de type capitalistique leur a permis ensuite d’acquérir cette même position dans les institutions étatiques laquelle leur a permis à son tour de renforcer leur hégémonie internationale D’économique l’hégémonie est ainsi devenue la subversion étatique aidant géopolitique La notion d’entreprise a été détournée de sa fonction naturelle d’organisation sociale par les acteurs économiques dominants Elle est actuellement une réelle source de pouvoir phénomène dont les États n’ont pas pris la juste mesure La démission des États de leur rôle législatif a pour effet direct immédiat de creuser la différence de traitement juridique et fiscal entre multinationales et PME 22 aggravant d’autant la concentration des capitaux Ce phénomène a pour effet d’alimenter le cercle vicieux du contrôle global par les acteurs économiques dominants La démission étatique a également un effet secondaire encore plus grave que le premier celui de délégitimer son rôle et sa fonction lui faisant perdre sa raison d’être En se mettant au service d’intérêts privés les États signent non seulement leur aveu d’impuissance mais aussi et surtout leur prochaine disparition Dans ce contexte une définition juridique précise des contours de l’entreprise serait un précieux et puissant outil à effet de levier dans la reconquête politique par les États de leur liberté lesquels mériteraient alors le qualificatif de souverains La définition juridique de l’entreprise exposée dans la deuxième partie de cet article répond à cette préoccupation elle est de nature à permettre la réintégration du fait économique au sein du fait politique et à engendrer une pacification des échanges nationaux et internationaux et de la vie en Société Valérie Bugault est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique Article précédent Article suivant Notes 1 Cf https //fr wikipedia org/wiki/La r%C3%A9forme de l%27entreprise https //fr wikipedia org/wiki/Management participatif ↩ 2 Acronyme de Credit Default Swap qui sont une sorte d’assurance contre le risque de non-remboursement d’une dette par un État ou une entreprise mais cette assurance n’en est formellement pas une car elle ne bénéficie pas de la couverture financière légale nécessaire à toute assurance encore plus loin les CDS ont pu être proposés à nu c’est-à-dire sur des titres de dettes d’État que le souscripteur de CDS ne détenait pas De la sorte c’est un peu comme si votre assureur vous assurait sans garantie de pouvoir le faire sur la maison de votre voisin vous procurant ainsi un intérêt à voir celle-ci partir en fumée pour espérer ( ) toucher une assurance pour laquelle vous auriez versé des primes le moins de primes versées serait le mieux pour vous Un véritable délire de créativité bancaire… ↩ 3 Fonds d’investissements non cotés qui échappent donc à la réglementation de marché à vocation spéculative Leurs performances sont en conséquence structurellement déconnectées des performances des marchés d’actions et obligataires ↩ 4 Acronyme de Leveraged buy-out en français «achat à effet de levier» qui correspond à l’achat d’une entreprise au moyen d’un emprunt qui sera remboursé par la société acquise (la cible en terminologie guerrière de droit des affaires) ↩ 5 Depuis les Grandes Découvertes en passant par la Renaissance et les Lumières dont a plus ou moins directement résulté la révolution industrielle ↩ 6 La démocratie est une forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple ↩ 7 La ploutocratie est un système de gouvernement dans lequel le pouvoir politique est dévolu aux détenteurs de la richesse ↩ 8 Lire notre article précédent Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 9 Cf http //www senat fr/dossier-legislatif/ppl04-
178 html et encore http //www lepetitjuriste fr/droit-des-affaires/droit-
bancaire-et-financier/la-
france-enfin-a-lheure-
delafinance-islamique et http //cnriut09 univ-lille1 fr/articles/Articles/Fulltext/
75a pdf ↩ 10 http //www lexisnexis fr/droit-document/article/
droit-societes/07-2007/009 PS RDS RDS0707ET00009 htm et http //books google fr/books? id=qmftD9rW4McC&pg=PA205&lpg=
PA205&dq=fiducie+inachevée&
source=bl&ots=p74Fa9epSy&sig=
8gCla1xA kbGGas6jXEmfMm9kc&hl=fr&sa=X&
ei=nwJ1UZH1D O6f7gbe6oD Aw&ved=0CEkQ6AEwBTgK#v=
onepage&q=fiducie%20inachevée&
f=false ↩ 11 Cf http //www lepetitjuriste fr/droit-international/droit-
international-prive/la-
fiducie-face-au-trust/ ↩ 12 Cf http //www entreprise news/?p=976 ↩ 13 Lire notre précédent article Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 14 Acronyme de International Accounting Standards Committee Foundation ↩ 15 Lire à cet égard notre précédent article Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 16 Cf http //www google fr/url? sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=
web&cd=3&ved=
0ahUKEwivy5O2j9LLAhVGcBoKHQZLA
u QFggrMA &url=http%3A%2F%2Fwww etudesfiscalesinternationales com%2Fmedia%2F02%2F00%
2F1133111840 doc&usg=
AFQjCNG9yZyX75ecLOu3u17 cp1adBjTMw&sig2=zfcb4Hx-
yPNjaDo6gqfg7g ↩ 17 Cf http //www focusifrs com/content/view/full/774 ↩ 18 Cf Entreprise bancaire, l’instrument juridique du désordre économique global ↩ 19 Cf http //www pansard-associes com/publications/audit-
comptabilite/normes-ias-ifrs/
normes-ifrs-divergences-
normes-francaises htm https //www overblog com/Le point sur les norme frs descriptions champs dapplication conseils-1095203869-art206691 html ↩ sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=
web&cd=2&ved=
0ahUKEwjf5PyitNTLAhUDVhoKHTNhB
y QFggjMAE&url=http%3A%2F%2Fwww focusifrs com%2Fcontent%2Fdown 41-43 pdf&usg=
AFQjCNHE8fPGHRdPe00DxFB-
f9zPEMJBww&sig2= GRqSQR50RUOwKfeogkUCA ↩ 22 Pour une application récente de l’édiction de normes qui sous couvert d’aider les entreprises opèrent en réalité une différence fondamentale de traitement entre les PME et les grandes entreprises voir par exemple http //www eric-verhaeghe fr/bruno-leroux-sacharne-
contre-entreprises-francaises/ ↩ 2 499 Articles from Le Saker Francophone Décryptage du système économique global [6/7] : Géopolitique de l’entreprise capitalistique – 2/2 Nous verrons, dans cette seconde partie, les changements juridiques à apporter à l’entreprise capitalistique pour transformer celleci en facteur d’organisation et de paix sociale. Seconde sous-partie – Le renouveau du modèle d’entreprise capitalistique : un instrument de politique économique au service des peuples L’entrepr se de type cap ta st que est aujourd’hu ’acteur jur d que qu dét ent e rô e préém nent sur a scène mond a e. Af n de remettre ’entrepr se à sa bonne p ace, es États do vent reprendre e contrô e jur d que de ’entrepr se de type cap ta st que. Pour ce fa re, est abso ument nd spensab e de rendre jur d quement mposs b e a const tut on de cong omérats, vér tab es emp res économ ques. En effet, a const tut on de groupes de soc étés sera t ut sée comme moyen par es pr nc paux propr éta res de cap taux pour échapper aux contra ntes jur d ques de a not on d’entrepr se conçue comme étant au serv ce du b en commun. La nouve e déf n t on de ’entrepr se do t acter que a not on de groupe de soc étés est ’ennem e des États et rendre mposs b e a const tut on de ces groupes. Dans ces cond t ons, donner une déf n t on jur d que préc se du concept d’entrepr se permettra t de remettre cette dern ère sous e contrô e po t que des États. Ce a aura t pour effet de ré ntégrer ’entrepr se dans a fonct on d’organ sat on soc a e qu’e e aura t toujours dû avo r. Le fait économique reprendra t dès ors sa juste p ace au se n de a co ect v té huma ne : ce e de fac ter es échanges et de part c per à a recherche d’un mieux être co ect f. Le fait économique redev endra t soum s au fait politique. Nous exposerons c dessous es cond t ons nécessa res, non suff santes ma s nd spensab es, qu permettra ent au concept d’entrepr se d’ ntégrer sa juste p ace dans ’organ sat on soc a e et po t que. I faut tout d’abord dent f er c a rement a forme et e rô e de ’entrepr se (I). I faut ensu te équ brer es pouvo rs et responsab tés des d fférents acteurs de ’entrepr se (II). I faut enf n permettre à tous es acteurs de ’entrepr se de part c per à son cap ta et de bénéf c er de ses fru ts (III). I) Une identification de la forme juridique et du rôle de l’entreprise La déterm nat on de a nature jur d que de ’entrepr se, ’ dent f cat on préc se de son rô e profess onne et des d fférents acteurs qu a composent permettra à ’entrepr se de deven r un nstrument de créat on de va eur co ect ve ; à ’opposé de ’ nstrument d’enr ch ssement de ses seu s propr éta res qu’e e est aujourd’hu . A) La forme et la nature juridique de l’entreprise L’entrepr se est une structure jur d que dotée d’une personna té profess onne e. Sa nature jur d que est ce e d’une nst tut on. 1° Une structure juridique dotée de la personnalité professionnelle 2016-04-08 14 04 47 saker Par Va ér e Bugau t e 21 févr er 2016 L’entrepr se peut concerner n’ mporte que type d’act v té huma ne dép oyée dans e temps moyennant un f nancement et des moyens pour mettre en œuvre ’object f profess onne . Peu mporte que ’act v té so t ou non à but ucrat f car n a not on de bénéf ces n ce e de c entè e ne caractér sent ’entrepr se. Bénéf ces et c entè es ne sont, au m eux, que des nd cateurs ou des moyens d’éva uat on de a compétence de a d rect on. I ex ste en effet des cas, notamment en mat ère de recherche et déve oppement (start up dans es hautes techno og es) où ’entrepr se ne peut pas fa re, tempora rement ou durab ement, de bénéf ces. Dans d’autres cas, ’object f profess onne recherché matér a sé par ’objet soc a n’est pas de fa re des bénéf ces ma s de fa re des économ es. Quant à a c entè e, e e est fugace, var ab e dans e temps et ’espace. Contra rement aux so ut ons jur d ques frança ses actue es, a c entè e ne saura t va ab ement fa re ’objet d’une va or sat on, d’une appropr at on ou d’une transm ss on. La c entè e peut correspondre à une oca sat on géograph que de ’entrepr se p us ou mo ns favorab e, ou à une apt tude part cu ère de ’exp o tant de ’entrepr se, ou encore à un heureux concours de c rconstances ; es tro s cas de f gure pouvant se comb ner. La oca sat on géograph que favorab e est, par essence, f uctuante ; favorab e un jour, e e peut s’avérer défavorab e e endema n en ra son d’une mod f cat on du contexte économ que, env ronnementa , etc., qu ne dépend pas du chef d’entrepr se. Par a eurs, s des techn ques de fabr cat on ou de vente peuvent être va or sées et transm ses, e ta ent pour es mettre en œuvre, de nature très personne e, ne saura t en aucun cas fa re ’objet d’une que conque va or sat on et transm ss on ; en déc der autrement s gn f era t accepter de donner une va eur f nanc ère à ’être huma n ; cette pente actue ement pr se nous semb e être, à terme, fort pér euse. Une c entè e est, par essence, un phénomène f uctuant qu échappe pour une très arge part à a seu e vo onté du chef d’entrepr se ; sa matér a té est trop mpréc se et ncerta ne pour pouvo r fa re ’objet d’une va or sat on honnête, à des f ns d’appropr at on et de transm ss on. De a même façon qu’ ne saura t être sér eusement quest on d’appropr er ’ ntens té de ’a r que nous resp rons même s , de fa t, cet a r a une va eur v ta e ntr nsèque év dente. La va eur v ta e de notre env ronnement est hors de portée de ’ nd v du, e e se d fférenc e par nature de a va eur marchande, aque e ne do t se fonder que sur des é éments tang b es et pérennes qu dépendent ent èrement de ’ nd v du. En résumé, a va or sat on d’une c entè e est trop dépendante de facteurs sur esque s e chef d’entrepr se n’a pas de pr se pour fa re sér eusement ’objet d’une appropr at on ou d’une transm ss on. Accepter e pr nc pe d’une va or sat on f nanc ère de a c entè e est en réa té a prem ère étape de a f nanc ar sat on de ’économ e, aque e a ma heureusement pr s aujourd’hu une amp eur ncommensurab e. Une entreprise est composée d’un animus et d’un corpus reliés par un objectif professionnel Fondamenta ement, ’entrepr se est une structure jur d que composée d’un animus et d’un corpus profess onne s, esque s sont réun s dans ’object f de mettre en œuvre une act v té part cu ère. En conséquence, cette structure est dotée de a personna té jur d que dans a m te des beso ns et nécess tés profess onne es. L’animus profess onne La not on jur d que d’animus se caractér se par une intention de mettre en œuvre une act v té profess onne e. L’animus est composé d’un élément économique es propr éta res et d’un élément juridique ’équ pe d r geante. Cet animus est matérialisé par a créat on de a structure professionnelle nd v due e ou co ect ve ; aque e est créée dans ’un que object f de mettre en œuvre une act v té déterm née. Les apporteurs de capitaux : élément économique de l’an mus L’élément économique de l’animus profess onne correspond au groupe de gens qu dét ennent ’entrepr se, es apporteurs de capitaux. Cet é ément économ que se décompose en un élément actif, es propr éta res major ta res, et en un élément passif, es propr éta res m nor ta res. A ors que es propr éta res major ta res ag ssent de façon préc se et permanente sur a façon dont a structure va fonct onner, es propr éta res m nor ta res se comportent comme de s mp es nvest sseurs sans rée dro t de regard sur a structure de ’entrepr se. La seu e poss b té pour des m nor ta res d’ag r sur a structure profess onne e est de se ret rer de ce e c en récupérant ou en cédant es cap taux qu’ s y ava ent nvest . Les dirigeants : élément juridique de l’an mus L’autre part e de ’animus profess onne , son élément juridique, est ’équipe dirigeante. Le ou es d r geants de ’entrepr se sont ’ nterface de ’entrepr se v s à v s, d’une part des t ers et, d’autre part des d fférents groupes de personnes composants ’entrepr se. On d t que es d r geants de ’entrepr se représentent ce e c , au sens jur d que du terme. Les d r geants sont chargés de mettre concrètement en œuvre ’objet soc a , ce qu suppose, en part cu er, de cho s r es moyens qu permettront à ’entrepr se de fonct onner. Autrement d t, es d r geants ont a charge de cho s r et d’organ ser e corpus de ’entrepr se. Le corpus profess onne Le corpus profess onne est ’élément matériel de l’entreprise, ce u qu va concrètement permettre a m se en œuvre de ’object f profess onne . Le corpus professionnel est composé à a fo s de moyens huma ns les apporteurs de travail et d’ nvest ssements, qu sont tous es b ens matér e s ou mmatér e s, corpore s ou ncorpore s, nécessa res à ’accomp ssement de ’objet soc a . Les apporteurs de travail : élément humain du corpus Les apporteurs de travail correspondent au groupe de personnes qu , par eur trava régu er, vont permettre a réa sat on concrète de ’objet soc a . Ce groupe, composé du personne de ’entrepr se, est beaucoup p us arge que es seu s sa ar és de ’entrepr se, c’est à d re es seu s t tu a res d’un contrat de trava . Le groupe des apporteurs de travail correspond à toutes es personnes qu ag ssent régu èrement sur une certa ne durée pour a m se en œuvre de ’objet soc a d’une entrepr se. À contrar o, ce groupe ne comprend pas es nd v dus qu , de façon ponctue e, peuvent être amenés à part c per à a m se en œuvre de ’objet soc a . Se on es cas c’est à d re en fonct on de a déf n t on de ’objet soc a es apporteurs de travail peuvent nc ure es sous tra tants, es comm ss onna res, et p us g oba ement toute personne forme ement ndépendante te un prestata re de serv ce qu ag t de façon récurrente pendant une durée certa ne pour a m se en œuvre de ’objet soc a d’une entrepr se. La not on d’apporteur de travail est donc ndépendante du cadre éga actue qu e une personne à une entrepr se. Cette not on nouve e d’apporteur de travail opère une forme de révo ut on dans ’actue e concept on frança se, de type maqu sarde, des re at ons de trava . Le terme de maqu s jur d que des re at ons de trava do t être compr s c , par ana og e avec e sens propre du terme maquis, comme ’émergence d’une mu t tude de statuts profess onne s (contrat à durée déterm née, contrat de trava tempora re, contrat de trava à temps part e ) ou pré profess onne s (format on profess onne e en a ternance, stag a re, VIE 1 , VIA 2 et VSI 3 CSNE, anc en serv ce nat ona à ’étranger d t coopé ndépendant, sous tra tant, contrat de trava à durée déterm née, comm ss onna re, ndépendants etc.) résu tant de a dégradat on du statut profess onne pérenne qu’éta t e contrat de trava à durée ndéterm née, CDI. Cette dégradat on est consécut ve à ’act on des pr nc paux propr éta res de cap taux, qu ont, su vant eurs ntérêts f nanc ers, à a fo s externa sé a pér ode de format on du personne , précar sé e statut de sa ar é et externa sé certa ns serv ces ou part es de ’entrepr se (mu t p ant es pet tes et moyennes entrepr ses de sous tra tance un peu partout dans e monde), fa sant dès ors peser e r sque afférent à ad te act v té sur des pet tes et moyennes entrepr ses jur d quement ndépendantes ma s économ quement dépendantes ce qu es frag se d’autant. D’une façon généra e, ’act on des pr nc paux propr éta res de cap taux va, orsqu’e e n’a p us de contre pouvo rs, de façon naturelle dans e sens d’une précar sat on de ’ensemb e de a v e économ que qu est e coro a re de a concentrat on max ma e du cap ta . La pr se en compte jur d que, dans a déf n t on de ’entrepr se, de a not on d’apporteur de travail est de nature à fa re échec à cette stratég e des pr nc paux détenteurs de cap taux. Les investissements : les biens matériels et immatériels nécessaires à la réalisation de l’objet social Les nvest ssements sont composés de tous es b ens matér e s et mmatér e s, corpore s ou ncorpore s qu sont nécessa res à a réa sat on de ’objet soc a de ’entrepr se. Ces b ens matér e s ou mmatér e s ne font part e du corpus de ’entrepr se que s’ s sont utiles à la réalisation de l’objet social et qu’ s restent ut es pendant une certaine durée. Les nvest ssements réa sés à des f ns spécu at ves ne peuvent, par construct on, pas fa re part e de ’é ément matér e du corpus profess onne . Conformément à a déf n t on comptab e actue e des nvest ssements, ’é ément matér e par oppos t on à ’é ément huma n que sont es apporteurs de travail du corpus profess onne s’entend donc de ’acqu s t on ou de a créat on par une entrepr se d’un b en durab e dest né à rester au mo ns un an sous a même forme. La va eur de ce b en do t être au mo ns éga e à 500 euros. Ces biens peuvent êtres corporels terra n, bât ment, us ne, mach ne out etc. , incorporels brevet, cence etc ou financiers ma s m tés dans ce cas aux seules obligations. A a d fférence des nvest ssements comptab es actue s, ’é ément matér e du corpus profess onne ne saura t comprendre, en mat ère d’investissements financiers, que es obligations, à l’exclusion des actions. En effet, a détent on d’act ons d’entrepr ses t erces s gn f e a pr se de part c pat on, autrement d t ’appropr at on d’une part e d’une ou de p us eurs entrepr ses t erces. E e a donc pour effet mécan que de créer des groupes de soc étés, ce que notre présente ana yse veut préc sément év ter et nterd re. A contrar o, a détent on d’ob gat ons d’entrepr ses t erces s’ana yse comme de s mp es prêts octroyés dont es remboursements se font moyennant un taux d’ ntérêt préétab qu ne dépend pas des résu tats de ’entrepr se t erce bénéf c a re du prêt. La détent on d’ob gat ons ne réa se aucune part c pat on dans une entrepr se t erce, e e n’accroît pas e pouvo r des act onna res de a soc été qu nvest t ; e e n’est pour ’entrepr se qu octro e e prêt qu’un nvest ssement f nanc er, p us ou mo ns r squé se on es cas. Actue ement, a const tut on de groupes de sociétés est e moyen qu permet aux grands cap ta stes d’échapper au contrô e po t que m n mum que es États exercent sur a soc été commerc a e de type cap ta st que. L’entrepr se en tant que part e d’un groupe économ que a pr s e pouvo r économ que, po t que pu s géopo t que. Or, derr ère es groupes économ ques se cachent es pr nc paux détenteurs de cap taux de a p anète. Notre propos t on de modè e d’entrepr se a préc sément pour objet de rendre mposs b e toute nouve e tentat ve de dom nat on au moyen d’emp res économ ques. Un objectif professionnel : l’objet social L’animus et e corpus profess onne s sont réun s au se n d’une structure profess onne e dans e seu but de mettre en œuvre un object f profess onne qu se tradu t jur d quement par a not on d’objet soc a . Autrement d t, ’object f profess onne , c’est à d re ’objet soc a , est e en entre ’animus et e corpus qu permet à ’entrepr se d’ex ster jur d quement, c’est à d re d’avo r une personna té profess onne e. Cet object f profess onne a deux faces. La prem ère face est qu’ est forme ement et jur d quement déterm né par ’objet social de ’entrepr se. La seconde face est ’ex stence d’un ntérêt propre de ’entrepr se ’ ntérêt soc a , d st nct de ’ ntérêt des d fférentes composantes de ’entrepr se. Ce sont es dirigeants de ’entrepr se é ément jur d que de ’animus profess onne qu sont es garants du respect de l’objet social et de l’intérêt social dans a condu te et a d rect on de ’entrepr se. En d’autres termes, es d r geants sont responsab es devant es assoc és (propr éta res major ta res), devant es apporteurs de travail et devant es t ers y compr s adm n strat ons pub ques du respect de ces deux aspects de ’object f profess onne . Les personnes ntéressées au sens jur d que du terme peuvent attra re es d r geants devant e juge en cas de non respect potent e de ’object f profess onne . Conc us on : ’entrepr se a une personna té ur d que de nature profess onne e Sur e fond, ’entrepr se est composée d’un animus et d’un corpus profess onne re és par a réa sat on d’un object f profess onne . Sur a forme, ’entrepr se est forma sée par une structure profess onne e dotée d’un ntérêt propre, ndépendant de ce u de ses membres qu just f e ’octro d’une personna té jur d que à vocat on profess onne e. Se on notre théor e, ’ex stence de a personna té jur d que est ée à ’ex stence des tro s cond t ons de ’entrepr se (animus corpus, objet soc a ) et ne dépend pas d’un que conque acte déc arat f. A ns , dès que es cr tères de fond des entrepr ses sont remp s, ce e c d spose de p e n dro t de a personna té jur d que. Se on e jur ste frança s Léon M choud, es deux cond t ons nécessa res à ’octro de a personnalité morale sont d’une part ’ex stence d’un ntérêt d st nct de ’ ntérêt nd v due de ses membres et d’autre part une vo onté. L’animus profess onne réa se parfa tement ’é ément vo ontar ste de a personnalité morale, et ’ ntérêt soc a est garant par es d r geants. La personna té jur d que do t donc être accordée à ’entrepr se a ns déf n e. Toutefo s, a personna té jur d que de ’entrepr se est une personna té à seu e vocat on profess onne e. Dans ce contexte, est souha tab e d’abandonner le terme de personnalité morale jusqu’a ors ut sé. Le terme moral, qu deva t se comprendre par oppos t on au terme physique, est amb gu et n’a pas de sens préc s. La personnalité professionnelle ne s’oppose pas à a personna té phys que, e e a comp ète en que que sorte. Ce a permet d’aff rmer qu’ ex ste, à côté des personnes phys ques et des personnes de dro t pub c (États, etc.), une catégor e nouve e ’entrepr se dotée de a p én tude des pouvo rs jur d ques dans a seu e m te de a réa sat on d’un object f profess onne préc s. 2° L’entreprise a la nature juridique d’une institution L’entrepr se est un animus et un corpus re és par un object f profess onne , e tout forma sé par une structure dotée d’un ntérêt propre ndépendant de ce u de ses membres. S ’on s’en t ent à a déf n t on jur d que de ’ nst tut on donnée par e jur ste Maur ce Haur ou 4 , ’entrepr se a ns conçue a sans aucun doute poss b e, a nature jur d que d’une nst tut on. L’ ncert tude jur d que actue e qu règne en dro t frança s sur a nature de ’entrepr se contrat ou nst tut on n’a p us aucune ra son d’être. Cette ncert tude éta t au surp us, comme évoqué dans a prem ère part e de cet art c e, un n d d’ nsécur té jur d que et f sca e ; es cho x jur d ques et f scaux fa ts par e ou es d r geants dans a condu te de ’entrepr se éta ent à tout moment menacés d’être contestés par es d verses adm n strat ons pub ques. B) L’entreprise est identifiée par son objet social et sa nationalité L’entrepr se te e qu’ c conçue a un rô e d’organ sat on soc a e qu sera un facteur de restaurat on tout à a fo s de a pa x soc a e et de a nature po t que du concept d’État. Af n de remp r son nouveau rô e, ’entrepr se do t avo r un objet soc a parfa tement c a r et dé m té, e e do t auss être attachée de façon permanente à un État. 1° L’objet social doit être précisément identifié La fonction de ’entrepr se se tradu t techn quement en dro t par a not on d’objet social. Pour deven r un acteur reconnu par e corps soc a , ’entrepr se do t avo r un object f profess onne , c’est à d re un objet social préc sément déf n , dent f é et non extens b e. Cette aff rmat on, qu semb e s mp e, ne ’est pas tant que ça. D’une part, nous avons vu, dans a prem ère part e de cet art c e, qu’actue ement ’objet soc a des entrepr ses est e p us souvent réd gé de man ère suff samment arge pour permettre à ’entrepr se, au gré des changements de conjoncture et de propr éta res, d’eng ober a p upart des act v tés. La nécessa re soup esse de ’objet soc a ne do t cependant pas dépasser une m te, ce e qu rendra t ’objet s vague qu’ permettra t toute sorte d’act v té. D’autre part, faut éga ement cons dérer ’ex stence des groupes de sociétés qu tendent à deven r, p us ou mo ns forme ement, en part cu er en dro t f sca , des ent tés jur d ques à part ent ère ; ces groupes détenant par a eurs une vér tab e force économ que. Au travers du groupe, ’ex gence éga e d’un objet soc a est dévoyée dans a mesure où cette not on dev ent plurielle, déc née en autant d’ent té qu’ y a d’entrepr ses dans e groupe. Du po nt de vue du groupe, es objets soc aux peuvent être te ement var és qu’ s peuvent en réa té recouvr r a quas tota té des act v tés d spon b es aux huma ns. La nécessité d’identification précise et circonscrite de l’objet social interdit, par construction, la constitution de groupe de sociétés. La d spar t on de a poss b té de groupe de sociétés sera très prof tab e au corps soc a dans son ensemb e, e e fera d sparaître déf n t vement du même coup deux out s de prédat on économ que : a concentrat on des act v tés en que ques ma ns et ’anonymat de ces ma ns. Af n de rendre à ’État un contrô e p én er sur e concept d’entrepr se, faut nécessa rement que cette dern ère so t, au moment de sa créat on, attachée à un État qu aura a charge à a fo s de a contrô er et de a défendre pendant toute a durée de sa v e. 2° La nationalité fixe, au moment de sa constitution, l’appartenance pérenne de l’entreprise à un État Le s ège soc a est un é ément const tut f fondamenta de ’entrepr se qu cond t onne sa nat ona té, c’est à d re a ég s at on qu u sera app cab e, e eu où e e devra payer ses mpôts, ’app cat on des cond t ons jur d ques et f nanc ères de a rémunérat on des apporteurs de travail et des apporteurs de cap taux, a teneur préc se des règ es rég ssant es re at ons entre es d fférents groupes composant ’entrepr se etc… Af n de conserver un dro t de regard sur ’act v té de ’entrepr se, e ég s ateur do t mposer a f x té statuta re du s ège soc a . Par a eurs, aucune d stors on entre s ège soc a statuta re et s ège soc a rée ne do t ex ster. Le s ège soc a rée do t être dent que au s ège soc a statuta re, ce qu aura pour avantage d’év ter de mu t p es comp cat ons jur d ques et jur sprudent e es. Toute d stors on entre s ège soc a rée et s ège soc a statuta re devra être sanct onné par a d spar t on de a soc été. I faut préc ser que a f x té du s ège soc a n’ nterd t pas, par nature, ’ mp antat on mu t p e des entrepr ses sous forme de succursa es ou d’étab ssement , cette dern ère devant néanmo ns être m tée à deux ou tro s. Les mp antat ons mu t p es do vent même pouvo r être fa tes sur des terr to res étrangers, sous réserve que es États ntéressés en a ent accepté e pr nc pe. A cet égard, sera t de bonne po t que pour es États d’exc ure a poss b té d’ mp antat on dans un parad s f sca . La déterm nat on ab initio d’un s ège soc a f xe est de nature à assurer un comp et contrô e de ’État sur ’entrepr se ma s auss à procurer à cette dern ère une protect on d’ordre économ que et d p omat que contre des t ers, entrepr ses ou États. L’État est garant de ’ ntégr té des entrepr ses s tuées sur son terr to re, esque es u procurent, en contrepart e, des rentrées f sca es qu contr buent à son fonct onnement ; un échange de bons procédés. C) Précisions sur les différents groupes composants l’entreprise Nous avons vu que ’entrepr se est pr nc pa ement composée de tro s groupes de personnes : es apporteurs de capitaux, es d r geants et es apporteurs de travail. Ces tro s groupes ne sont pas homogènes car parm es apporteurs de cap taux, e sous groupe des major ta res se d st ngue rad ca ement de ce u des m nor ta res. Seu e groupe de apporteurs major ta res dét ent un rée dro t de regard sur ’entrepr se. De a même façon, es apporteurs de travail ne sont pas jur d quement és à ’entrepr se de façon dent que, certa ns sont sa ar és, d’autres encore sous tra tants ou ndépendants. Ma s n’en demeure pas mo ns que ces tro s catégor es, es propriétaires majoritaires, es d r geants et es apporteurs de travail agents économ ques de ’entrepr se , sont abso ument nécessa res au fonct onnement concret de ’entrepr se. Nous a ons ana yser es caractér st ques propres à chacun de ces tro s groupes. 1° Des propriétaires majoritaires identifiables L’ dent f cat on c a re des d fférents part c pants à ’entrepr se suppose que es apporteurs de cap taux so ent nommément dent f és et non anonymes. Actue ement, ’anonymat des apporteurs de cap taux au prem er rang desque s f gurent es major ta res est organ sé se on p us eurs moda tés. I peut se fa re que a forme soc a e e e même, te e que es trusts anonymes, organ se ’opac té jur d que des propr éta res. Ces structures sont part cu èrement présentes dans es parad s f scaux. I peut auss se fa re que ’anonymat décou e d’une organ sat on en groupe de soc étés, es part c pat ons cro sées et es formes que revêtent e groupe rendant f na ement extrêmement d ff c e ’ dent f cat on préc se des pr nc paux act onna res cachés derr ère ; ce phénomène sera d’autant p us accentué que e groupe est mp anté sur e terr to re de d fférents États, parad s f scaux y compr s. L’anonym sat on des détenteurs de cap taux fac te es marges de manœuvre de ces dern ers et favor se a concentrat on des cap taux ; phénomène qu engendre, par vo e de conséquence, une très forte press on sur es États. Le rétab ssement du contrô e jur d que des États sur es entrepr ses do t donc nécessa rement entraîner a suppress on de toute poss b té d’anonym sat on des propr éta res de cap taux. D’une part, es structures soc a es opaques que sont es trusts anonymes ne do vent pas avo r de reconna ssance éga e. D’autre part, a not on de groupe de soc été do t d sparaître du vocabu a re économ que, jur d que et po t que ; comme do t d sparaître a réa té des groupes économ ques. Les entrepr ses ne do vent p us pouvo r s’organ ser en groupes, toute part c pat on es unes dans es autres étant dorénavant nterd te. Un État d gne de ce nom ne do t autor ser et reconnaître sur son terr to re ’ex stence n de structures jur d ques opaques, n de groupes de soc étés, qu ne font qu’une seu e chose : u fa re concurrence. 2° Les apporteurs de travail élevés au même rang statutaire que les propriétaires majoritaires L’aspect de a présente théor e qu s’ nscr t e p us dans une gne de rupture par rapport au concept actue de soc été cap ta st que est sans aucun doute a reconna ssance statuta re, au même n veau que es propr éta res major ta res, des apporteurs de travail c’est à d re des gens qu , par eur trava régu er, part c pent à a réa sat on de ’objet soc a de ’entrepr se. La ég t m té d’une te e reconna ssance statuta re est s mp e : e e prov ent du constat que a m se en œuvre de ’objet soc a repose essent e ement sur es personnes qu trava ent à cet object f : fabr quer ou transformer des marchand ses, réa ser un ou des serv ces etc. Au surp us, s ’on pousse a og que à son terme, ’entrepr se pourra t se passer de ses pr nc paux act onna res tand s qu’e e ne pourra t pas se passer des gens qu ag ssent concrètement pour mettre en œuvre son objet soc a . Les gens qu trava ent à réa ser ’objet soc a de ’entrepr se peu mporte par a eurs a nature jur d que du en qu es e à ’entrepr se sont abso ument nd spensab es au concept d’entrepr se qu , sans eux, n’aura t aucun sens. I est donc doub ement og que de cons dérer que ’actue e prédom nance po t que et jur d que des pr nc paux apporteurs de cap taux const tue, de façon fondamenta e, une dér ve de ce qu’est rée ement ’entrepr se. Par vo e de conséquence, a théor e jur d que de ’entrepr se que nous proposons suppose la reconnaissance juridique nouvelle en tant qu’entité autonome et prépondérante des apporteurs de travail agents économ ques de ’entrepr se. De cette façon, a déf n t on et a m se en œuvre de ’objet soc a , esque s passent notamment par a dés gnat on des d r geants, ne dépendront p us des seu s act onna res major ta res ma s seront brement déterm nés par des groupes ayant des ntérêts part cu ers d fférents. I s’ag t, n p us n mo ns, que d’étab r au n veau de ’entrepr se e programme de séparat on et d’équ bre des pouvo rs théor sé par Montesqu eu et matér a sé dans a Const tut on des USA sous e nom de checks and balances. Le rééqu brage des forces au se n de ’entrepr se aura pour conséquence un rééqu brage des forces au se n de a soc été po t que. 3° Une co-désignation des dirigeants Nous avons vu que ’ensemb e du personne de ’entrepr se qu part c pe par son trava régu er à a réa sat on de ’objet soc a do t dorénavant être doté, au même t tre que es propr éta res major ta res, d’un statut jur d que autonome. Les d rect ves de m se en œuvre de ’objet soc a de ’entrepr se reposent concrètement sur es d r geants. I est donc og que de cons dérer que la reconnaissance statutaire des apporteurs de travail, agents économ ques de ’entrepr se, a t pour corollaire a poss b té de dés gnat on des d r geants de ’entrepr se, à éga té avec es propr éta res major ta res. La dés gnat on de ’équ pe d r geante de ’entrepr se do t apparten r conjo ntement aux propr éta res major ta res et aux apporteurs de travail. Concrètement, es d r geants seront dés gnés, en a ternance, par ’un ou ’autre des deux groupes, avec un dro t de veto, dont a m se en œuvre devra être m tés à des cas part cu ers et re evant d’une certa ne grav té, pour e groupe non désignant. I résu tera de ’avènement jur d que statuta re des apporteurs de travail que a façon et es moyens de mettre en œuvre ’objet soc a par es d r geants te s que nouve ement dés gnés seront déterm nés par a confrontat on des vues et ntérêts des deux groupes d st ncts que sont d’une part es propr éta res major ta res, et d’autre part es apporteurs de travail agents économ ques de ’entrepr se. Dès ors, es propr éta res major ta res ne seront p us es seu s concernés par e fonct onnement de ’entrepr se qu prendra enf n sa vér tab e d mens on co ect ve, a contrar o de a d mens on str ctement pr vée qu’e e revêt aujourd’hu . Rappe ons que es act onna res major ta res sont aujourd’hu tout pu ssants pour dés gner es d r geants de ’entrepr se, esque s dev ennent de facto des agents sous nf uence chargés de ve er à ’ ntérêt du groupe act onna res major ta res qu es met en p ace. Cette concept on de ’entrepr se fa t ’ mpasse sur e fa t que ’entrepr se, de par a reconna ssance jur d que que e dro t u accorde, est un acteur de a Soc été entendu au sens po t que du terme à part ent ère ; ’entrepr se remp s donc de facto un rô e soc a qu est supér eur à ’ ntérêt str ctement pr vé des seu s act onna res, fussent s major ta res. La personna té jur d que de ’entrepr se, conçue comme courro e de transm ss on ou une s mp e nterface des ntérêts des pr nc paux détenteurs de ’entrepr se, est détournée de sa fonct on off c e e : a ors que e rô e des d r geants do t être d’ag r pour mettre en œuvre ’objet soc a dans ’ ntérêt exc us f de a personne mora e, ce rô e est détourné au prof t des pr nc paux apporteurs de cap taux. I s’ag t à, très object vement, d’un abus systémat que et généra sé de personne morale. La codés gnat on des d r geants par es act onna res major ta res et par es apporteurs de travail est e remède à cette dér ve. II) Équilibrage entre pouvoir et responsabilité des différents acteurs de l’entreprise La m se en perspect ve des rapports de force qu rég ssent es entrepr ses est fondamenta e pour comprendre a nécess té po t que pour es États pour ceux d’entre eux qu veu ent récupérer des marges de manœuvres économ ques et po t ques et retrouver a ns e statut po t que qu eur appart ent de dro t , de remettre de ’ordre et des contre pouvo rs dans e concept d’entrepr se. Le concept jur d que nouveau d’entrepr se c décr t propose une déterm nat on c a re des pouvo rs et responsab tés de chacune des ent tés composants ’entrepr se. I propose éga ement un certa n type d’organ sat on des re at ons entre ces d fférentes ent tés. A) Détermination des pouvoirs et responsabilités de chaque groupe participant à l’entreprise Une fo s es acteurs de ’entrepr se dent f és ; chaque groupe do t être doté de façon permanente et off c e e de pouvo rs et de responsab tés corré at ves. La pa x soc a e suppose qu’ ne peut y avo r de pouvo r sans responsab té n , à ’ nverse, de responsab té sans pouvo r. 1° Pouvoir et responsabilité des dirigeants Les d r geants ont, dans a m se en œuvre de eur m ss on, une berté tota e d’act on qu est néanmo ns m tée par des sanct ons en cas d’outrepassement ou de non respect de eur m ss on. Nous a ons vo r en quo cons ste préc sément eur m ss on avant de cons dérer es sanct ons suscept b es d’ nterven r. Pouvo r des d r geants dans a m se en œuvre de ’ob et soc a Les d r geants ont deux m ss ons pr nc pa es, a prem ère concerne a déterm nat on de a po t que de ’entrepr se et a seconde concerne ’organ sat on nterne du trava dans ’entrepr se, auss appe é du terme ang ophone de management. Détermination de la politique de l’entreprise Les d r geants, a ternat vement nommés par es propr éta res major ta res et par es apporteurs de travail, do vent pouvo r en toute berté et ndépendance déc der de a po t que profess onne e su v e par ’entrepr se. La seu e m te à a berté d’act on des d r geants t ent au respect de eur m ss on, qu est éga ement a ra son d’être de ’octro de a personna té jur d que à ’entrepr se. I s do vent en conséquence respecter ’objet soc a et ’ ntérêt propre de ’entrepr se, qu’ s ont a charge de respect vement mettre en œuvre et garant r. Organisation des relations internes de travail : la cogestion de l’entreprise libérée Dans a m se en œuvre des re at ons nternes de trava , qu concernent en prem er eu e groupe des apporteurs de travail, es d r geants do vent respecter e pr nc pe de a cogest on. En d’autres termes, a berté de manœuvre des d r geants n’est pas comp ète, e e ne s’opère qu’à ’ ntér eur du cadre de a codéc s on. Concrètement, ’équ pe d r geante do t par pr nc pe ntégrer es gens qu trava ent dans ’entrepr se aux déc s ons concernant ’organ sat on de ce trava et es nteract ons entre es nd v dus part c pant à a réa sat on de ’objet soc a . Cette méthode, m se en œuvre par es part sans de ’entreprise libérée a d’ores et déjà argement fa t ses preuves en termes d’eff cac té. Des gens comme Jean Franço s Zobr st ont a ns , en France, rendu ses ettres de nob esse à a not on d’entrepr se grâce préc sément à cette méthode de management 5 . Une fo s ’organ sat on du trava a ns étab e en nterne, appart ent au (aux) d r geant(s) de fa re respecter cette organ sat on. Intégrer e principe de cogestion en matière d’organisation du travail est une autre grande nouveauté de la théorie juridique de l’entreprise. E e s’ nscr t dans une gne de rupture avec a concept on anc enne de ’entrepr se où e d r geant émanat on d recte des pr nc paux propr éta res éta t e chef m ta re h érarch que tout pu ssant et nd scuté. La concept on anc enne de ’entrepr se s’appuya t sur une organ sat on pyram da e des rapports soc aux, avec es propr éta res major ta res en haut de a pyram de. Cette concept on reposa t sur e postu at mp c te que es hommes et eur trava n’éta ent que des moyens de réa ser es ntérêts des propr éta res major ta res. La concept on nouve e de ’entrepr se s’ nscr t au contra re dans une organ sat on argement hor zonta e des rapports soc aux. E e repose sur e postu at que es hommes qu trava ent dans ’entrepr se sont au cœur nuc éa re du système. En d’autres termes, e postu at est que ’eff cac té de a m se en œuvre de ’objet soc a repose en prem er eu sur e b en être et a cons dérat on apportée aux gens qu trava ent à cette m se en œuvre. Étab r e pr nc pe de cogest on dans ’organ sat on du trava au se n de ’entrepr se rétab t ’équ bre dans a m se en œuvre de ’objet soc a pu sque es apporteurs de travail sur qu repose concrètement a réa sat on de ’objet soc a seront enf n ntéressés à a bonne marche de ’entrepr se. A ns , se on a concept on nouve e de ’entrepr se, ’humain est réintégré au cœur du processus économique, a ors que se on a concept on anc enne n’éta t qu’une var ab e d’ajustement dans a m se en œuvre des ntérêts économ ques des propr éta res major ta res de ’entrepr se. I s’ag t, c encore, de mettre en œuvre au niveau de l’entreprise les principes de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs. L m tes au pouvo r des d r geants Le rô e des d r geants peut être contesté au n veau de a déterm nat on de a gne de condu te po t que de ’entrepr se, ou au n veau de ’organ sat on nterne du trava . Non respect de l’intérêt social par la direction En cas de contestat on par es act onna res major ta res ou par es apporteurs de travail de a m se en œuvre de a gne po t que de ’entrepr se déc dée par a d rect on, e juge sera chargé de trancher e d fférend. Dans ce cas, e juge sera amené à vér f er e respect par es d r geants de ’ ntérêt soc a propre de ’entrepr se. Dans es grandes gnes de te es contestat ons peut proven r des constats que es d r geants confondent ’ ntérêt de ’entrepr se avec ’ ntérêt part cu er d’un groupe const tuant ’entrepr se ; qu’ s opèrent des cho x de f nancement man festement excess fs ou nadaptés à un déve oppement de ong terme te par exemp e e recours excess f à ’endettement, en part cu er de court terme ; qu’ s prennent des déc s ons ncohérentes dans e temps ou dans ’espace etc. Le juge pourra éga ement être amené à déc der s e ou es d r geants sont en s tuat on d’ ncapac té man feste de remp r eur m ss on. I appart endra à a jur sprudence de pourvo r au déta d’une part de ce que recouvre e respect de ’ ntérêt soc a de ’entrepr se et d’autre part de a not on d’incapacité manifeste à diriger l’entreprise. L’ ntérêt jur d que à ag r, c’est à d re a poss b té de sa s ne du juge, appart ent aux deux groupes que sont es propr éta res major ta res et es apporteurs de travail. Non respect du principe de cogestion Les apporteurs de travail ont un dro t éga à a cogest on dans a m se en œuvre des re at ons de trava ; re at ons de groupes ou re at ons nter nd v due es. Les d r geants sont gard ens du respect des re at ons de trava étab es sur e pr nc pe de a cogest on. Le juge sera e cas échéant amené à se prononcer sur e respect ou non par e d r geant de ce pr nc pe de cogest on. Toute personne appartenant aux apporteurs de travail pourra sa s r e juge à des f ns de vér f cat on du respect du pr nc pe de cogest on. 2° Pouvoir et responsabilité des apporteurs de travail Les apporteurs de travail sont, au prem er chef, ntéressés à a m se en œuvre de ’objet soc a . I s part c pent à ce t tre au processus de dés gnat on de ’équ pe d r geante, et à ’organ sat on nterne du trava dans ’entrepr se. Prérogat ves Pouvoir de désignation des dirigeants Rappe ons que ’entrepr se est une structure à vocat on profess onne e qu bénéf c e à ce t tre de a personna té jur d que. La structure jur d que qu’est ’entrepr se est composée, pr nc pa ement, de tro s é éments essent e s : es propr éta res major ta res qu sont des apporteurs de cap taux, es apporteurs de travail et es d r geants. La tro s ème composante est dés gnée par es deux prem ères. A ns , en tant que composante essent e e de ’entrepr se, e groupe des apporteurs de travail part c pe, de a même façon que es propr éta res major ta res, à a dés gnat on des d r geants de ’entrepr se, esque s sont chargés de mettre en œuvre ’objet soc a . Les apporteurs de travail sont d’autant p us ég t mes à dés gner e d r geant qu eur conv ent que e rô e de ce dern er cons ste, outre a pr se des déc s ons po t ques stratég ques, éga ement à organ ser, dans e respect du pr nc pe de cogest on, es re at ons profess onne es nternes à ’entrepr se c’est à d re es re at ons entre es d fférents apporteurs de travail de ’entrepr se. Participation à la cogestion Le groupe des apporteurs de travail part c pe, en partenar at avec ’équ pe d r geante, à a m se en p ace et à ’évo ut on de ’organ sat on du trava et des re at ons d’équ pes et nter nd v due es au se n de ’entrepr se. L m tes de ces prérogat ves Limite à la participation à la cogestion Une fo s ’organ sat on du trava étab e dans e respect du pr nc pe de cogest on par es apporteur de travail et es d r geants, ces dern ers ont a charge de fa re respecter cette organ sat on. Dans ce cadre, chaque apporteur de travail do t part c per oya ement à a réa sat on de ’objet soc a . C’est à d re qu’ do t accepter es cond t ons de ’organ sat on du trava te es que co déf n es par ’équ pe d r geante et par e groupe des apporteurs de travail. Chacun d’eux do t auss respecter a gne po t que de ’entrepr se te e que déf n e par es d r geants. Tout écart v s à v s du pr nc pe de oyauté dans a réa sat on de ’objet soc a do t être sanct onné par ’équ pe d r geante ; a sanct on do t être proport onnée à a faute comm se, e e est p us ourde en cas de faute ntent onne e qu’en cas de faute non ntent onne e. En cas de contestat on par ’apporteur de trava de a sanct on mposée par e ou es d r geants, e juge sera chargé de trancher e t ge. Toute act on jud c a re abus ve de a part d’un apporteur de travail sera sanct onnée par ’octro de dommages ntérêts au prof t de ’entrepr se ; c’est en effet en ’entrepr se e e même qu sera t a prem ère v ct me d’une mauva se qua té des re at ons nternes dues à une act on en just ce ntempest ve. Limite au pouvoir de désignation des dirigeants Au moment de a dés gnat on de ’équ pe d r geante par e groupe des apporteurs de travail, es propr éta res major ta res conservent un dro t de veto, app cab e dans es cas graves ou es d r geants a ns dés gnés sera ent man festement naptes à remp r ces fonct ons. Cette napt tude pourra t décou er de ’ex stence de condamnat ons c v es (pr vat on des dro ts c v ques) ou péna es antér eures, d’ ncapac té jur d que ou de tout autre cas part cu èrement grave. Le juge aura à déterm ner au cas par cas e contenu de cette inaptitude manifeste du d r geant à exercer ses fonct ons. S es d r geants en p ace, dés gnés par e groupe des apporteurs de travail éta ent au cours d’exerc ce re evés de eur m ss on par e juge, a ors e groupe des apporteurs de travail perdra t, à t tre de sanct on, son tour dans a procha ne dés gnat on des d r geants. 3° Les propriétaires majoritaires Comme tout é ément composant ’entrepr se, es propr éta res major ta res ont des prérogat ves qu sont m tées par e respect de ’ ntérêt soc a propre de ’entrepr se. Prérogat ves Les propr éta res de ’entrepr se, qu part c pent à a dés gnat on des d r geants et subséquemment à a déterm nat on de ’objet soc a , sont auss des sortes d’agents f nanc ers de cette dern ère. Désignation des dirigeants et détermination de l’objet social En tant que composante statuta re essent e e de ’entrepr se, e groupe formé par es propr éta res major ta res part c pe à a dés gnat on de ’équ pe d r geante. Cette dés gnat on se fa t à tour de rô e avec es apporteurs de travail. S ’on veut b en se souven r que e respect de ’objet soc a par ’entrepr se re ève d’une prérogat ve des d r geants, a ors résu te de eur nouveau processus de dés gnat on que ces dern ers ne sont mécan quement p us es seu s command ta res des propr éta res major ta res. En d’autres termes, a déterm nat on de ’objet soc a re ève dorénavant d’un comprom s entre e groupe des propr éta res major ta res et ce u des apporteurs de travail. Comprom s garant par es d r geants dans ’exerc ce de eurs fonct ons. Prérogatives financières En part c pant act vement au f nancement des entrepr ses, es propr éta res major ta res sont auss des sortes d’agents f nanc ers de ’entrepr se. Un peu comme des banqu ers externes, s nvest ssent de ’argent af n de permettre a m se en œuvre, par es d r geants, de ’objet soc a . Ma s à a d fférence de banqu ers externes, es propr éta res major ta res de ’entrepr se sont copropr éta res d’une part e de ce e c ; s sont en conséquence rémunérés en fonct on des résu tats de ’entrepr se par es bénéf ces d str bués par es d r geants. Les propr éta res major ta res sont a ns , de façon structure e, ntéressés à a bonne marche de ’entrepr se. Les d r geants sont seu s hab tés à déterm ner e montant des bénéf ces qu seront d str bués aux act onna res major ta res. Toutefo s, es propr éta res major ta res peuvent contester devant e juge a déc s on dans son pr nc pe et dans son montant pr se par es d r geants de d str buer ou non des bénéf ces. Une contestat on de ce montant ne pourra se fa re que dans e cadre de a contestat on du respect de ’ ntérêt soc a par e d r geant ors de ’affectat on des fonds d spon b es c’est à d re du bénéf ce de ’entrepr se. L m tes aux prérogat ves Le rô e cons stant, pour es propr éta res major ta res, à dés gner es d r geants est partagé avec es apporteurs de travail Ces dern ers ag ssent à a façon d’un contre pouvo r, empêchant de façon structure e a confus on entre ’ ntérêt soc a et ’ ntérêt propre du groupe des propr éta res major ta res. En tant qu’agents f nanc ers, es propr éta res major ta res sont éga ement tenus de respecter ’ ntérêt soc a te que déf n par es d r geants. Limite au pouvoir de désignation des dirigeants Af n de pa er e r sque ce r sque est dans e contexte actue une réa té jur d que et non un risque de confus on entre ntérêt des propr éta res major ta res et ntérêt propre de ’entrepr se, e concept nouveau d’entrepr se mpose e partage de a dés gnat on des d r geants avec e groupe des apporteurs de travail. Au moment de a dés gnat on de ’équ pe d r geante par e groupe des propr éta res major ta res, es apporteurs de travail conservent un dro t de veto, app cab e dans es cas graves ou es d r geants a ns dés gnés sera ent man festement naptes à remp r ces fonct ons. Cette napt tude pourra t décou er de ’ex stence de condamnat ons c v es (pr vat on des dro ts c v ques) ou péna es antér eures, d’ ncapac té jur d que ou de tout autre cas part cu èrement grave. Le juge aura à déterm ner au cas par cas e contenu de cette inaptitude manifeste du d r geant à exercer ses fonct ons. S es d r geants m s en p ace, par es act onna res major ta res éta ent, en cours d’exerc ce, re evés de eur fonct on par e juge, a ors es propr éta res major ta res perdra ent, à t tre de sanct on, eur tour dans a procha ne dés gnat on des d r geants. Limites aux prérogatives financières Toute contestat on par es propr éta res major ta res du bénéf ce d str bué a oué par es d r geants qu sera t jugée abus ve ou ntempest ve donnera eu au pa ement de dommages et ntérêts à ’entrepr se. En effet, ’entrepr se sera t a pr nc pa e v ct me d’une contestat on du rô e de ses d r geants ; contestat on qu aura t pour effet d’ nstaurer, pendant au mo ns toute a durée de a procédure, une susp c on sur es d r geants préjud c ab e au bon fonct onnement quot d en des re at ons de trava . 4° Les propriétaires minoritaires, simples investisseurs Les propr éta res m nor ta res ont un s mp e rô e d’apporteurs de cap taux, s ne part c pent pas d rectement à a réa sat on de ’objet soc a . Prérogat ves Les propr éta res m nor ta res de ’entrepr se sont ’é ément économ que pass f de ’animus profess onne . I s ont, dans ’entrepr se, un rô e de s mp e nvest sseur. Un peu comme une banque externe qu octro e un prêt, s nvest ssent de ’argent dans ’entrepr se. Ma s, à a d fférence des banqu ers, s dét ennent, de a même façon que es propr éta res major ta res, une part e de ’entrepr se. A a d fférence des banqu ers, es propr éta res m nor ta res ne sont pas rémunérés par un ntérêt ma s par un bénéf ce d str bué par e chef d’entrepr se. Limites aux prérogatives Contra rement aux propr éta res major ta res, es propr éta res m nor ta res ne sont, par essence, pas mp qués dans es cond t ons de réa sat on de ’objet soc a . En conséquence, ne eur appart ent pas de cho s r es d r geants chargés de mettre en œuvre cet objet soc a . N’ayant pas a prérogat ve de nommer es d r geants, s ne peuvent, par un para é sme des formes, pas avo r ce e de es démettre de eurs fonct ons. Par a eurs, en tant que s mp es apporteurs de cap taux, s ne sont pas hab tés à contester en just ce es déc s ons d’affectat on des bénéf ces de ’entrepr se pr se par es d r geants. En cas de mécontentement concernant a po t que de d str but on des bénéf ces, a seu e chose que pu ssent fa re es propr éta res m nor ta res est de ret rer eurs apports f nanc ers de ’entrepr se et d’a er nvest r eur argent a eurs. Ce qu , ne e cachons pas, reste un moyen de press on f nanc er éventue ement très mportant. I s’ag t d’un moyen d’act on nd rect qu ob ge, d’une façon ou d’une autre, es B) Organisation des relations entre les différents acteurs de l’entreprise Les re at ons entre es d vers groupes qu composent ’entrepr se do vent être ana ysées et encadrées de façon permanente par e dro t. A défaut, e r sque sera t ’ nsta at on de semp terne s conf ts, p us ou mo ns atents, qu empêchera ent e fonct onnement correct de ’entrepr se. Aucune théor e jur d que de ’entrepr se ne rés stera t à ’ nstaurat on à t tre permanent de te s n ds de ch canes. 1° Relation bilatérales entre propriétaires majoritaires et apporteurs de travail Depu s ’œuvre de Montesqu eu, n’est un secret pour personne qu’organ ser un équ bre entre es forces en présence est e seu moyen d’év ter une pr se de contrô e des unes sur es autres. Déc né en mat ère d’entrepr se, ce pr nc pe suppose un équ bre des forces entre es apporteurs de capitaux et es apporteurs de travail. Toutefo s, cet équ bre ne do t pas about r à ’ mmob sme, écue résu tant de a confrontat on de deux pouvo rs dent ques. L’équ bre des forces do t donc être aménagé, es re at ons entre es d fférents pouvo rs entretenues et organ sées, af n de ne pas about r à des conf ts neptes et sans ssues. Le rô e du droit est de pac f er es re at ons, pas de es rendre conf ctue es. D’où a nécess té pour e ég s ateur de gérer es re at ons entre es deux types d’apporteurs qu part c pent à ’entrepr se de façon prépondérante. Dans ce contexte, une réponse jur d que équ brée cons ste à donner e pouvo r de nom nat on des d r geants a ternat vement aux apporteurs de capitaux et aux apporteurs de travail, sauf à sanct onner un groupe qu aura t fa à a dés gnat on du précédent d r geant en u ret rant tempora rement son dro t de nom nat on. I sera t éga ement jud c eux de donner aux apporteurs non concernés par a nom nat on du d r geant un dro t de veto. Ce dern er devant toutefo s être m té au cas extrême où e d r geant proposé sera t man festement napte à exercer ses fonct ons : pour des causes jud c a res (condamnat on c v que ou péna e antér eure), en ra son d’échecs précédents répétés à ce type de fonct on ou pour toute autre ra son mposs b es à déta er in abstracto. La jur sprudence pourvo ra au déta de ce qu rend un d r geant manifestement inapte à exercer ses fonctions. 2° Relations bilatérales entre propriétaires majoritaires et minoritaires L’é ément économ que de ’animus profess onne se décompose en un é ément act f dans a réa sat on de ’objet soc a es propr éta res major ta res et un é ément pass f dans a réa sat on de ’objet soc a es propr éta res m nor ta res. Ces deux groupes ont pour fonct on d’apporter des cap taux à ’entrepr se af n de pourvo r à un moment donné, tota ement ou part e ement, au f nancement de ses act v tés. Ma s ces deux groupes n’entret ennent pas de rée rapport ’un avec ’autre. Les d r geants déc dent du montant des bénéf ces éventue s qu’ conv ent de d str buer. L’enve oppe du bénéfice qu sera distribué est répartie par parts éga es entre d’une part es apporteurs de cap taux major ta res et m nor ta res confondus et d’autre part es apporteurs de travail. Les bénéf ces d str bués affectés au groupe des apporteurs de capitaux seront répart s entre eux au prorata de la participation respective de chacun d’eux au financement de l’entreprise. Les propr éta res major ta res sont hab tés à contester en just ce e bénéf ce d str bué au t tre du non respect par e d r geant de ’ ntérêt soc a . A contrar o, es m nor ta res n’ont pas a poss b té de contester en just ce a part de bénéf ces d str bués qu eur est attr buée par es d r geants. I s conservent néanmo ns un moyen de press on essent e : ce u de ret rer eurs avo rs de ’entrepr se, ob geant es d r geants à trouver des cap taux de remp acement. 3° Relations bilatérales entre minoritaires et dirigeants Comme nd qué c dessus, es d r geants de ’entrepr se é ément jur d que de ’animus profess onne déc dent brement de a part e du bénéf ce réa sé par ’entrepr se qu’ conv endra de d str buer. Ce bénéf ce d str bué est ensu te répart à parts égales entre d’une part ’é ément économ que de ’animus profess onne composé des apporteurs majoritaires et minoritaires de capitaux et d’autre part ’é ément huma n du corpus profess onne es apporteurs de travail. Une fo s cette prem ère répart t on étab e, a part e des bénéf ces d str buée réservée aux apporteurs de cap taux sera d v sée entre es major ta res et es m nor ta res au prorata de a part c pat on de chacun de ces deux groupes dans e f nancement de ’entrepr se part c pat on actée au pass f du b an de ’entrepr se. Les propr éta res m nor ta res n’ont pas d’act on d recte contre es déc s ons du d r geant. I s conservent néanmo ns un moyen de press on, qu est une sorte d’act on nd recte sur eux car s peuvent à tout moment ret rer eurs apports de ’entrepr se, mposant à cette dern ère c’est à d re à ses d r geants de trouver une source de f nancement de remp acement. 4° Relations trilatérales entre majoritaires, apporteurs de travail et dirigeants Les nteract ons entre es d r geants, es propr éta res major ta res et es apporteurs de travail sont de deux ordres. E es re èvent d’une part de a dés gnat on et de a révocat on des d r geants par es apporteurs de travail et es major ta res et d’autre part du rô e d’arb tre des d r geants entre es ntérêts des apporteurs de travail et ceux des propr éta res major ta res dans a condu te de ’ ntérêt soc a . Désignation et révocation du dirigeant Les propr éta res major ta res part c pent à éga té avec es apporteurs de travail à a dés gnat on de ’équ pe chargée de d r ger ’entrepr se. La dés gnat on du d r geant do t se fa re, a ternat vement par ’un ou ’autre de ces deux groupes. S’ arr va t que e d r geant dés gné par ’un des deux groupes so t reconnu napte à ce rô e par es juges, a ors e groupe qu aura t procédé à a dés gnat on perdra t son tour ors de a procha ne dés gnat on ; e dro t de dés gnat on des d r geants u sera t tempora rement ret ré à t tre de sanct on. Les apporteurs de cap taux ou de trava qu n’ont pas procédé à a dés gnat on du d r geant conservent un dro t de veto sur ad te dés gnat on. Toutefo s ce dro t de veto ne s’app quera que dans des cas extrêmes où a compétence, a oyauté, ’ ntégr té ou a capac té personne e du d r geant pourront être m ses en cause de façon man feste. I s’ag t des cas où e d r geant sera t man festement napte à exercer es fonct ons de d rect on. La ste des cas dans esque s e d r geant sera t cons déré comme manifestement inapte à exercer ses fonct ons do t être a ssée à ’appréc at on du juge au moyen d’une est mat on au cas par cas. Par ce que ’on nomme en dro t e parallélisme des formes, e ou es d r geants peuvent être révoqués, à tout moment pour justes et/ou graves mot fs, à a fo s par es apporteurs de travail et par es propr éta res major ta res. Une te e révocat on sera b en sûre suscept b e d’être contestée en just ce par une personne just f ant d’un ntérêt pour ag r. Toute act on en révocat on jugée abus ve do t donner eu à des dommages et ntérêts au prof t de ’entrepr se. De cette façon e juge état que apparaît être, en dern er recours, ’arb tre u t me des ntérêts part cu ers au se n de ’entrepr se. Le dirigeant arbitre entre les intérêts des apporteurs de trava et ceux des propriétaires majoritaires dans la conduite de l’entreprise et la détermination de l’intérêt social De son côté, e ou es d r geants de ’entrepr se ag ssent comme un é ément modérateur, un méd ateur, entre es ntérêts des propr éta res major ta res et ceux des apporteurs de travail. Autrement d t, es d r geants appréc ent a façon dont ’objet soc a do t être m s en œuvre en tenant compte du po nt de vue de ces deux groupes es propr éta res major ta res et es apporteurs de travail. La berté d’appréc at on du d r geant dans a condu te de ’entrepr se est donc encadrée par es ntérêts, éventue ement antagon stes, des apporteurs de travail et des propr éta res major ta res. De te e sorte que ’appréc at on de ’objet soc a résu te de a confrontat on du po nt de vue de ces deux groupes. Cette méthode entraîne, mécan quement, ’ex stence d’un ntérêt soc a propre et ndépendant de ce u des d fférents groupes const tuant ’entrepr se. Le dirigeant est garant de l’intérêt social Le d r geant est e garant du respect de ’ ntérêt soc a de ’entrepr se, te que c dessus déf n . I devra, éventue ement, rendre compte de son mpart a té dans a déterm nat on de ’ ntérêt soc a devant des tr bunaux. Les propr éta res major ta res et es apporteurs de travail peuvent en effet attra re en just ce e d r geant s’ s est ment que ’ ntérêt soc a ref ète p us ’ ntérêt part cu er de ’un des deux groupes, vo re d’un t ers, que ’ ntérêt propre de ’entrepr se. III) Tous les acteurs de l’entreprise doivent pouvoir participer à son capital et bénéficier de ses fruits Une bonne po t que, ce e qu est source de pa x, do t organ ser a f u d té des re at ons soc a es et ne pas cr sta ser es rô es des uns et des autres ad vitam aeternam. I s’ag t donc de prévo r et d’organ ser ce que ’on appe e, en angage courant, un ascenseur social. App qué à ’entrepr se, cette max me suppose que es groupes des apporteurs de cap taux et des apporteurs de travail ne so ent pas f gés de façon mmuab e. En d’autres termes, ces dern ers do vent pouvo r deven r apporteurs de capitaux. I n’est en effet pas og que que es apporteurs de travail, qu part c pent au prem er chef par eur trava régu er et récurrent à a réa sat on du bénéf ce de ’entrepr se, ne pu ssent pas deven r éga ement apporteurs de capitaux. Permettre jur d quement aux apporteurs de travail de deven r à eur tour apporteurs de capitaux représente une juste ému at on soc a e, par a récompense des efforts qu’ s ont fourn s. La part c pat on au cap ta de eur entrepr se n’est pas nécessa rement poss b e a pr or pour tous es apporteurs de travail, ce e c do t donc être fac tée par a poss b té jur d que de part c per aux bénéf ces d str bués par ’entrepr se qu sont, jur d quement, es fru ts de ’entrepr se. Nous évoquerons dans un prem er temps ’attr but on de parts de ’entrepr se au t tre de récompense en nature aux d r geants et aux apporteurs de travail. Nous évoquerons dans un second temps a part c pat on des act onna res et des apporteurs de travail aux bénéf ces d str bués. Nous ment onnerons enf n e dro t pr or ta re de rachat de ’entrepr se qu do t être donné aux apporteurs de travail en cas de d ff cu té de ce e c . A) Attribution de parts de l’entreprise aux dirigeants et aux apporteurs de travail Les d r geants et es apporteurs de travail sont dans une s tuat on très s m a res : es uns et es autres passent a p us grande part e de eur temps à mettre en œuvre ’objet soc a de ’entrepr se. I s do vent donc og quement pouvo r être ponctue ement récompensé en nature de a même man ère par ’octro de parts soc a es (act ons) de ’entrepr se. 1° Fonctionnement du nouveau système de récompense en nature par l’attribution de parts de l’entreprise Le montant tota des parts de ’entrepr se qu seront d str buées a ns que eur répart t on entre es bénéf c a res re ève d’une déc s on de a d rect on de ’entrepr se. Ces parts devront s’accompagner d’une augmentat on corré at ve de cap ta , ce qu rend par nécess té ’opérat on assez except onne e. Les montants d str bués ne do vent pas être d fférenc és en fonct on du statut profess onne des bénéf c a res ma s do vent être attr bués en fonct on du mér te propre de chacun d’eux, c’est à d re en fonct on de eur part c pat on effect ve, dont ’appréc at on peut être annue e ou p ur annue e, à a réa sat on de ’objet soc a . Le cas échéant, tout apporteur de travail et tout propr éta re major ta re peut demander au juge de vér f er que ’augmentat on de cap ta et a répart t on des parts soc a es ont été fa tes par es d r geants dans e str ct respect de ’ ntérêt propre de ’entrepr se. En cas de contestat on de ’opérat on, ’attr but on des parts de ’entrepr se contestée est ge ée jusqu’à ’ ntervent on de a déc s on du juge. Toute contestat on jugée abus ve donnera eu à des dommages et ntérêts à ’entrepr se. Cette mesure de d str but on de parts de ’entrepr se aux apporteurs de travail et aux d r geants, qu s’ana yse jur d quement en une récompense en nature, est d ctée par ’équ té, source de pa x soc a e. E e est corré at vement un gage d’eff cac té du fonct onnement de ’entrepr se dans a mesure où a réa sat on de ’objet soc a aura d’autant p us de chance d’être accomp e dans es me eures cond t ons que es personnes qu y trava ent seront justement et équ tab ement récompensées de eurs efforts. E e répond a ns parfa tement à ’ ntérêt b en compr s de ’entrepr se. 2° Différence du nouveau régime juridique d’attribution de parts de l’entreprise avec l’actuel régime des stock-options Fondamenta ement, a d fférence entre e nouveau système proposé et ce u d t des stock options est de ta e, e e s’ nscr t dans a d fférence fondamenta e de contexte qu ex ste entre a soc été de type cap ta st que actue e et e modè e d’entrepr se que nous proposons. Se on e rég me actue , es stocks options sont une opt on d’achat à terme sur des parts de ’entrepr se à un pr x f xé à ’avance. Ce rég me est supposé nc ter es bénéf c a res c’est à d re es d r geants à fa re monter, à terme, e cours des act ons de ’entrepr se. I s’ag t en que que sorte d’une spécu at on sur e trava d’autru . S e cours des act ons augmente, certes es détenteurs de stocks opt ons seront favor sés ce qu sera une juste récompense des efforts fourn s à ’occas on de eur trava ma s tous es act onna res, en part cu er es major ta res, e seront éga ement. Le rég me d t des stock options est une nc tat on fa te par es pr nc paux propr éta res de ’entrepr se à eurs d r geants pour mot ver ces dern ers à cont nuer de trava er à ’accro ssement de a va eur de a soc été dont es major ta res prof teront au prem er chef. Les stocks opt ons te s qu’actue ement conçus s’avèrent au f na être un moyen jur d que ut sé comme subterfuge par es pr nc paux détenteurs de cap taux pour augmenter eurs revenus en spécu ant sur e trava d’autru . Le rég me de ’attr but on de parts de ’entrepr se que nous précon sons dans a présente théor e ne prétend pas, contra rement au rég me d t des stock options, spécu er sur e trava des hommes ma s au contra re récompenser un trava déjà effectué par ’attr but on, à t tre except onne et nom nat f, d’une part e de ’entrepr se. B) Participation aux bénéfices distribués des actionnaires et des apporteurs de travail La rémunérat on de ’é ément économ que de ’animus profess onne est fonct on des résu tats de ’entrepr se ; ce qu est og que car es act onna res, copropr éta res de ’entrepr se, ne sont pas extér eurs à cette dern ère. A contrar o, es banques, qu peuvent éga ement part c per au f nancement de ’entrepr se, sont extér eurs à ce e c ; e es perço vent des ntérêts en contrepart e des prêts qu’e es peuvent fourn r. Le taux d’ ntérêt, préa ab ement négoc é par e d r geant, n’est pas dépendant du résu tat de ’entrepr se, rédu t, en amont, e résu tat de ’entrepr se. S une banque extér eure à ’entrepr se ntervena t, au t tre de son apport de f nancement, dans es cho x des d r geants de ’entrepr se, e e pourra t être condamnée pour immixtion dans la gestion. I n’ex ste actue ement aucune part c pat on automat que et généra sée des apporteurs de travail aux bénéf ces de ’entrepr se. Toutefo s, ce type de rémunérat on ex ste, en France, dans es entrepr ses de p us de 100 sa ar és. I conv ent donc d’automat ser et de généra ser ce processus af n de fac ter jur d quement e passage des apporteurs de travail en apporteurs de cap taux. Nous proposons a ns de donner aux apporteurs de travail un dro t effect f permanent à a répart t on des fru ts de ’entrepr se. Cette mesure fac tera a poss b té, pour es apporteurs de travail, d’acheter par a su te d’autres dro ts dans e cap ta de eur entrepr se. Cette ana yse, s mp e et og que, n’est pas dénuée de danger po t que. 1° La légitimité de la participation des apporteurs de travail aux fruits de l’entreprise (bénéfice distribué) Une fo s es bénéf ces réa sés s bénéf ces y a se pose a ors au d r geant a quest on de a déterm nat on de a part qu do t être m se en réserve et de ce e qu peut être d str buée. Une part e des bénéf ces do t ob gato rement être m se en réserve af n de permettre à ’entrepr se d’assurer, au mo ns en part e, e f nancement de ses nvest ssements et de son déve oppement à ven r. Le surp us de bénéf ces do t pouvo r être d str bué aux personnes ayant part c pé, f nanc èrement ou par eur trava , à a réa sat on desd ts bénéf ces. I est contre product f d’exc ure de a part du bénéf ce d str buab e es apporteurs de travail a ors que ce sont pr nc pa ement eux qu ont pos t vement ag pour permettre a réa sat on dud t bénéf ce. C’est a ra son pour aque e a présente théor e se prononce pour une prem ère répart t on des bénéf ces d str bués par part éga e entre d’une part e groupe des apporteurs de travail et d’autre part ce u des apporteurs de cap taux. C’est à cet object f d’équ té que réponda t, de façon part e e, a démarche de Char es De Gau e orsqu’ a, en 1959, nst tué a part c pat on des sa ar és aux résu tats de ’entrepr se pr nc pe généra sé en 1967 à toutes es entrepr ses de p us de 100 sa ar és. Ce pr nc pe, qu n’a structure ement pas de quo rebuter es apporteurs de cap taux 6 a néanmo ns posé un prob ème d’ordre po t que au Généra De Gau e. 2° Le danger politique de la participation : l’exemple Gaulliste Pour b en comprendre es tenants et about ssants de cette quest on, faut remettre e pr nc pe de a part c pat on dans son contexte h stor que. D’une part es événements, d’ordre révo ut onna re de Ma 1968 ont su v de très près a généra sat on du pr nc pe de part c pat on des sa ar és (1967). D’autre part et surtout, e Généra De Gau e a été tenu en échec en 1969 ors d’un référendum, ce qu a entraîné à son départ 7 . I sera t sans doute aventureux de fa re un en d rect exc us f entre Ma 68 et e seu avènement du pr nc pe de a part c pat on tant es déc s ons po t ques pr ses par e Généra e De Gau e dans a décenn e des années 1960 s’ nscr va ent g oba ement dans une oppos t on fronta e aux ntérêts états un ens ; esque s ntérêts ne fa sa ent déjà depu s b en ongtemps que ref éter es ntérêts des pr nc paux propr éta res cap ta st ques occ dentaux, en part cu er ceux de ’o garch e frança se. I n’est qu’à songer à a déc s on du prés dent frança s de transformer en or une part e des avo rs frança s détenus en do ar amér ca n 8 . I faut éga ement penser à a déc s on pr se en 1966 par Char es De Gau e de sort r du commandement ntégré de ’OTAN 9 , qu a eu pour effet de fa re récupérer à a France, tempora rement jusqu’à a déc s on de N co as Sarkozy pr se en 2007 et va dée en 2009 10, son autonom e m ta re. Toutefo s, e en entre e départ de De Gau e et ’extens on du pr nc pe de a part c pat on a été expressément fa t par ’h stor en Henr Gu em n. Ce dern er ava t en effet pub quement c a rement expr mé ’ dée se on aque e e rejet du référendum ayant about au départ de Char es De Gau e éta t dû au fa t que ce chef d’État commença t, avec son projet de part c pat on, à nqu éter es banques 11. L’entrepr se part c pat ve n’ava t pas été b en acceptée par ’o garch e frança se qu a toujours, en sous ma n, commandé ’État. Outre a part c pat on aux fru ts de ’entrepr se, es apporteurs de travail do vent avo r un dro t pr or ta re de rachat de eur entrepr se en cas de d ff cu té économ que de ce e c . C) Droit prioritaire de rachat des apporteurs de travail en cas de difficulté économique de l’entreprise Pour comprendre a ra son profonde qu just f e ’étab ssement jur d que d’un dro t préférent e de rachat des apporteurs de travail sur eur entrepr se en cas de défaut de pa ement de ce e c , mporte de s’attarder un nstant sur es ra sons d’être des d ff cu tés de ’entrepr se. Ce es c peuvent être conjoncture es et mparab es, comme un bruta retournement de marché ( é par exemp e à a découverte d’une nouve e techno og e), un adage popu a re d ra t «la faute à pas de chance». Ma s a déconf ture de ’entrepr se peut auss être a conséquence de mauva ses déc s ons de po t que commerc a e ou de gest on pr ses par e ou es d r geants de ’entrepr se. Dans ce cas de f gure, e groupe des apporteurs de travail est a v ct me d recte et mméd ate de ses d r geants, sur esque s s n’ont au surp us, en ’état actue de a ég s at on, que très peu pour ne pas d re «pas» de contrô e. Dans ce contexte, es gens qu part c pent, par eur trava , à a réa sat on de ’objet soc a do vent avo r en cas de d ff cu té de ’entrepr se, un dro t préférent e , éga ement réservé, de rachat de ’entrepr se au pr x off c e dépréc é ce pr x pouvant être éga à zéro, ou au «franc symbolique qu est e s en dans e contexte donné. L’entrepr se a ns rachetée dev ent a propr été exc us ve de ses apporteurs de travail, qu auront a charge effect ve de a fa re redémarrer ou de a réan mer ; s auront, quo qu’ en so t, un contrô e d rect sur eur out de trava . Conclusion L’entrepr se sous sa forme actue e ob geamment tournée vers a prédat on économ que est un acteur essent e du jeu de pouvo r ang osaxon, eque déve oppe sa dom nat on par e contrô e monéta re et par e bre échange. Ce système g oba de dom nat on, fortement ntégré, est aujourd’hu en phase d’expans on rap de. Ce s mp e constat, d’év dence s ’on sa t regarder au bon endro t est en réa té assez d ff c e à fa re en ra son de a profus on méd at quement organ sée d’ nformat ons p us ou mo ns p utôt mo ns que p us pert nentes. La remarque de Porta s ors du d scours pré m na re au Code C v de 1804 se on aque e «Il est des temps où l’on est condamné à l’ignorance parce qu’on manque de livres ; il en est d’autres où il est difficile de s’instruire parce qu’on en a trop» s’avère être c d’une part cu ère actua té. A ors que a dom nat on po t que s’éta t jusqu’à présent fa te par es armes, ces dern ères ne sont devenues que ’u t me recours pour forcer a m se en p ace de a dom nat on par a f nance et e cap ta (concentrat on du cap ta ). La nouve e arme de soum ss on des peup es est ’entrepr se, au prem er t tre de aque e f gure a banque. L’entrepr se est à a prédat on po t que ce que es fonds spécu at fs hedges funds sont à a prédat on f nanc ère : une sorte de cavalerie d’élite chargée de montrer a vo e à ’ nfanter e ; ’ nfanter e étant représentée en mat ère f nanc ère par es nvest sseurs et en mat ère po t que par es États notamment es élus chargés de ég férer et rég ementer. En que ques s èc es, es p ers jur d ques de a dom nat on sont a ns devenus, à a faveur de ’act v té des entrepr ses, e contrô e de a créat on monéta re, e bre échange et a berté de c rcu at on des cap taux. L’entrepr se te e qu’actue ement conçue est au cœur du processus d’asserv ssement des États et des peup es ; e e est ’ennem e d recte de toutes es nat ons du monde. Le processus méthod que, qu dess ne, v a ’entrepr se, e chem n de ’aven r, auss avancé so t , n’est pas né uctab e. Ce qu est n’a pas toujours été et n’a pas vocat on à être toujours. I faut changer e parad gme jur d que de ’entrepr se s ’on veut que es c v sat ons huma nes pu ssent reprendre eur cours norma . A ors seu ement es soc étés huma nes pourront mettre en mus que a précon sat on d’A bert E nste n se on aque e «il est grand temps de remplacer l’idéal du succès par celui du service». La concept on nouve e de ’exp o tant que nous proposons nterd t par construct on a not on de groupe de soc étés, qu est e moyen pour es propr éta res de cap taux de fonder des emp res cap ta st ques, esque s permettront, à eur tour, une appropr at on po t que des États. La const tut on de ces groupes a généré e fa t que ’entrepr se a t été é evée dans ’ordre jur d que au n veau de ’État 12, raba ssant de facto ce dern er à un s mp e rô e d’agent économ que, ann h ant ce fa sant sa fonct on po t que. Inverser a tendance nécess te a suppress on de a poss b té de format on de groupes de soc étés, vér tab es emp res économ ques. S es États veu ent récupérer eur ég t m té po t que, s do vent nécessa rement nterd re es groupes de soc étés. Car, en abd quant, au prof t des groupes de sociétés e contrô e du fait économique, es États se sont eux mêmes condamnés à terme à perdre ce u du fait politique et donc eur ég t m té. D’une façon généra e, s’ veut avo r une chance de reprendre e pouvo r po t que qu’ a jusqu’à présent comp a samment abandonné aux seu s détenteurs du pouvo r économ que assumant dès ors de se transformer mécan quement en porte paro e de eurs ntérêts part cu ers e ég s ateur état que, en tant que représentant du b en commun, do t mpérat vement prendre e contrô e de a déf n t on préc se du concept d’entrepr se. A ns , a théor e jur d que de ’entrepr se br èvement présentée dans e présent art c e s’ nscr t en tota e oppos t on au conservat sme po t coéconom que actue . Cette théor e aura donc nécessa rement comme ennem e déc arée une bonne part e de ’o garch e actue ement aux commandes ; e e sera en revanche une a de jur d que et po t que préc euse, vo re même déc s ve, pour tout homme po t que qu amb t onne de récupérer un pouvo r que es tenants du tout économique ont fa t en sorte de u ret rer. Fa re échec à a prédat on économ que u t me requ ert des hommes d’État courageux ayant a vo onté et es moyens po t ques d’ mposer une mod f cat on et/ou une c ar f cat on jur d que de que ques é éments pr mord aux du concept d’entrepr se. Ces mod f cat ons auront un doub e effet. Prem èrement, e es donneront à ’entrepr se e rô e d’organ sat on soc a e qu est son rô e nature que e dro t aura t dû transcr re en règ es dès e départ. Deux èmement, e es rétab ront a not on po t que d’État, qu a aujourd’hu perdu a p us grande part e de sa va eur, ’État étant sans jeu de mot démonétisé par e jeu mond a de ’entrepr se. La théor e jur d que de ’entrepr se va de pa re avec un retour des fonct ons réga ennes de ’État. Valérie Bugault est Docteur en droit ancienne avocate fiscaliste analyste de géopolitique juridique et économique Art c e précédent Art c e su vant Notes 1. Vo ontar at nternat ona en entrepr se ↩ 2. Vo ontar at nternat ona en adm n strat on ↩ 3. Vo ontar at de so dar té nternat ona e ; es VSI part c pent, au se n d’une ONG agréée, à une act on de so dar té nternat ona e, a de au déve oppement ou urgence human ta re ↩ 4. Maur ce Haur ou a décr t ’ nst tut on comme étant «une idée d’œuvre ou d’entreprise qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social ; pour la réalisation de cette idée un pouvoir s’organise qui lui procure des organes ; d’autre part entre les membres du groupe social intéressé à la réalisation de l’idée il se produit des manifestations de communion dirigées par les organes du pouvoir et réglées par des procédures». ↩ 5. Cf.
https://www.youtube.com/watch?v=N_4DzvRn Qg ↩ 6. A t tre d’exemp e, Marce Dassau t ava t été moteur dans ’étab ssement de ce sa n pr nc pe de gest on :
http://www. aurentdassau
t.com/ a fam e dassau t _r_5.htm ↩ 7. Cf.
http://perspect ve.usherbrooke.ca/b an/serv et/BMEve?codeEve=248 ;
https://fr.w k ped
a.org/w k /Char es_de_Gau e ↩ 8. L re par exemp e :
http://www. es cr
ses.fr/de gau e sm 1/ ↩ 9. Cf.
http://www.char es de gau
e.org/pages/revue espo r/art c es comptes rendus et chron ques/ e 7 mars 1966 de gau e sort de otanpar raphae dargent.php ↩ 10. Cf.
https://fr.w k ped
a.org/w k /R%C3%A9 nt%C3%A9grat on_de_ a_France_dans_ e_commandement_ nt%C3%A9gr%C3%A9_de_ %27OTAN ↩ 11. Cf.
https://www.youtube.com/watch?v=0vRRFxIxSW0 ↩ 12. Vo r notre art c e Géopolitique du libre échange ↩ 1 567 Février 2016 76 Décryptage du système économique global [7/7] : Géopolitique du concept de propriété privée – 1/2 Par Valérie Bugault – le 21 février 2016 En France, et plus généralement en Occident, la propriété privée telle qu’issue du Code civil disparaît à mesure que les grands propriétaires accapareurs s’enrichissent de l’appauvrissement des masses. Ce phénomène est d’autant plus accentué que les monnaies fiduciaires vont, à la faveur de crises monétaires et financières savamment organisées par les tenants du pouvoir économique mondial 1, bientôt perdre une partie substantielle de leur valeur artificielle. Devant le danger de disparition – organisée – de la richesse monétaire, les temps sont venus pour les détenteurs de grandes fortunes de disposer juridiquement de tous les biens matériels disponibles. Nous voici donc collectivement entrés dans une nouvelle ère d’accaparement des richesses matérielles (biens matériels tangibles tant mobiliers qu’immobiliers) et immatérielles (brevets, marques) par un petit nombre d’individus. En termes de philosophie politique, l’époque contemporaine ressemble de plus en plus au Moyen Âge dans lequel les seigneurs et le clergé se partageaient les terres que les paysans avaient le droit de cultiver contre paiement d’impôts en nature et en argent. Mais, à la différence du Moyen Âge, les seigneurs actuels ne doivent rien à leurs vassaux, ni protection ni secours. La route juridique, politique et économique que l’on voit prendre est, bien au-delà d’un retour à la féodalité, une véritable impasse civilisationnelle dans laquelle l’individu n’aura comme seule valeur que celle du niveau d’accaparement atteint par ses richesses ; il s’agit ni plus ni moins de la négation de l’individu et des conceptions naturelles de la vie sur terre. La perspective pour la très grande majorité des humains est celle du servage pur et simple, dans lequel ils finiront, tôt ou tard, par être des pièces de rechange corporelles pour la classe dominante des marchands devenus financiers. Février 2016 77 Selon une analyse plus prosaïque, l’ultra-libéralisme, nom donné aux théories développées par et pour les plus gros détenteurs de capitaux, instaure et utilise l’appropriation du fait politique par le fait économique pour assurer la domination de ses intérêts. Cet ultra-libéralisme agit en quelque sorte comme un communisme inversé. Si la mise en œuvre du communisme a assuré, en même temps que l’appropriation collective par la désappropriation individuelle 2, la mainmise de quelques apparatchiks sur le pouvoir 3, l’ultra-libéralisme réalise à l’instar du communisme, mais en prenant le chemin inverse de la désappropriation des biens publics récupérés par quelques individus, la mainmise de quelques personnes sur le pouvoir. L’argent aura été, pour cette classe de commerçants, le moyen matériel tandis que le droit de propriété aura été le moyen juridique de s’emparer du pouvoir. L’évolution de la domination politique de la classe commerçante, a pour corollaire l’évolution des instruments qu’elle a utilisé pour s’emparer du pouvoir: devenus inutiles, leur destin est de disparaître. Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que le droit de propriété, un temps mis socialement en valeur, tend à disparaître au fur et à mesure qu’il devient inutile à la classe dominante qui a, aujourd’hui, acquis un pouvoir économique et politique mondial quasi-absolu. Il en va de même de l’argent artificiellement accru, qui, une fois sa fonction de domination matérielle réalisée, devient inutile à cette classe victorieuse et peut alors disparaître. Les méthodes dites de Quantitative Easing auront par exemple servi aux grands propriétaires de capitaux à concentrer davantage leurs richesses mondiales par des rachats faciles d’entreprises, d’immobiliers et autres biens matériels (matières premières, etc.). On ne s’étonnera donc pas de l’ampleur de la crise financière et monétaire actuelle 4 ; une fois son rôle rempli, l’argent fictif va pouvoir disparaître. En France, l’actuel droit de propriété (Sous-partie I), qui conserve une existence formelle – sinon réelle – dans les textes en vigueur, suit la pente, fatale aux classes moyennes et inférieures, d’une transformation en propriété économique, qui signera sa disparition légale (Sous-partie II). Sous partie I : De la propriété privée… Nous analyserons la naissance du concept juridique de propriété privée (A) avant de décrire les atteintes actuelles à ce concept (B) Février 2016 78 A) Avènement juridique du concept de propriété privée Un bref aperçu du contexte historique de l’avènement du droit de propriété (1°) permettra de comprendre ses modalités juridiques techniques (2°). 1° CONTEXTE HISTORIQUE DE L’AVÈNEMENT DU DROIT DE PROPRIÉTÉ SOUS SA FORME ACTUELLE Le concept d’appropriation est vieux comme le monde, il remonte sans aucun doute bien avant Rome. Mais ce concept a pris, au cours du temps, des formes très différentes de la propriété privée que nous connaissons aujourd’hui. Si certains font remonter au XIVe siècle, les prémices de ce qui deviendra le droit naturel à la propriété privée que nous connaissons 5, nous nous satisferons de remonter à la Révolution française, qui signe la naissance juridique de l’actuel droit de propriété. Il faut immédiatement ajouter que ce droit de propriété n’est pas apparu brutalement, par hasard, au détour d’un chemin : il a suivi, durant l’Ancien Régime, une longue évolution. La Révolution française n’a fait que matérialiser juridiquement cette notion conceptuelle préexistante. La bourgeoisie commerçante est à l’origine, par le biais du développement de clubs de réflexion – que nous appelons aujourd’hui think tanks –, de l’agitation populaire qui a débouché sur la Révolution française et la fin de l’Ancien Régime. Cette bourgeoisie est née du commerce international des matières rares et précieuses issu des grandes navigations et découvertes des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Suffisamment développée pour s’imposer politiquement à la fin du XVIIIe siècle, cette bourgeoisie commerçante verra, par la suite, son pouvoir confirmé par la Révolution industrielle. A la fin du XVIIIe siècle, la création juridique de la propriété privée a été une étape indispensable permettant à cette bourgeoisie commerçante, alors en plein essor, de contester le principe d’accaparement seigneurial et ecclésiastique, qui caractérisait l’Ordre politique de l’Ancien Régime. La création de l’actuelle notion de propriété était en effet perçue, par cette bourgeoisie très présente dans la noblesse dite de robe – c’est-à-dire dans les parlements d’Ancien Régime –, comme le meilleur moyen juridique pour s’imposer politiquement. Parallèlement à la contestation par la bourgeoisie commerçante, l’ordre féodal était également contesté, de l’intérieur, par certains défenseurs du Février 2016 79 pouvoir royal, en particulier par l’école des physiocrates ; favorables à un despotisme éclairé, ils préconisaient le rachat des droits féodaux par la Royauté 6. Ces derniers n’ont jamais eu gain de cause car l’Ancien Régime, en tant que système, n’aurait pas supporté la disparition du principe féodal : une telle mutation interne aurait structurellement mis fin à la cohérence d’ensemble de l’ordre établi. Dépourvu d’organisation sociale de remplacement, les propositions des physiocrates sont restées lettre morte, laissant la place libre au nouvel ordre social et politique prévu par la bourgeoisie commerçante. A leur corps défendant, les physiocrates ont été des alliés objectifs de la destruction de l’ordre politique de l’Ancien Régime. Contesté de l’extérieur par la bourgeoisie commerçante et de l’intérieur, notamment, par l’école des physiocrates, l’ordre féodal, support de l’Ancien Régime, était condamné sans appel possible. La nature ayant horreur du vide, l’ordre commerçant l’a finalement emporté, remplaçant les institutions de l’Ancien Régime par les siennes propres fondées sur la notion de propriété privée. C’est dans ce contexte politique précis que le principe juridique de propriété privée a finalement été imposé par la bourgeoisie commerçante. 2° MODALITÉS JURIDIQUES TECHNIQUES DE L’ACTUEL DROIT DE PROPRIÉTÉ En France, la proclamation de la plénitude et de l’absolutisme du droit de propriété vient de la Révolution française, il s’agit donc, en ce sens, d’un acquis révolutionnaire 7. La propriété privée est véritablement établie en principe politique par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen – DDHC- de 1789. L’article 2 de la DDHC érige la propriété privée en un droit naturel, en disposant que «Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.» L’article 17 de la DDHC sacralise le droit de propriété en disposant que «La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.» C’est dans cet environnement politique qu’est apparu l’absolutisme du droit de propriété de l’article 544 du Code Civil de 1804. Resté formellement inchangé jusqu’à ce jour, cet article dispose que «la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on Février 2016 80 n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements». L’adjectif absolue est aussitôt limité par le membre de phrase «pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois». Ainsi, l’apparente radicalité de la notion de propriété privée se trouve ab initio limitée par le pouvoir législatif, représentant la force de l’État, organisé autour de parlementaires élus qui votent les lois du peuple, conçues comme garantes du bien commun – lequel est structurellement compris selon la conception de l’ordre bourgeois commerçant. Le Code civil de 1804 est, dans son intégralité, une œuvre de compromis chargée de confirmer, après des années particulièrement sanglantes, la paix civile fraîchement retrouvée et chèrement payée par la population française. S’agissant du droit de propriété, le Code civil avait pour objectif de solder la période révolutionnaire, de confirmer les droits des acquéreurs des biens nationaux – c’est-à-dire essentiellement la bourgeoisie commerçante –, et finalement, d’acter juridiquement le fait sociologique et économique de l’avènement politique de la bourgeoisie d’argent. Dans ce contexte, le droit de propriété issu du Code civil, a pour fondement non seulement le libéralisme révolutionnaire, inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, mais aussi le fait politique révolutionnaire lui-même. Ni les rédacteurs du Code civil, ni le premier consul Bonaparte (qui assistait et participait aux débats sur les articles du Code devant le Conseil d’État) n’ont voulu revenir sur le droit de propriété des acquéreurs des biens nationaux. L’absolutisme de ce droit de propriété était un gage de paix sociale. Il s’agissait d’abord et avant tout de préserver la propriété des multiples – gros moyens et petits – acquéreurs des biens du clergé et de la noblesse confisqués au moment de la Révolution. Ces biens confisqués appartenaient au départ à des ordres politiques (clergé et noblesse) qui avaient eux-mêmes, en quelque sorte 8, initialement accaparé la propriété de tous les biens immobiliers disponibles sur le territoire. La Révolution a, à son tour et par un retour des choses dont l’Histoire a le secret, confisqué ces biens pour les répartir assez largement parmi le peuple. Il faut préciser que la vente des biens nationaux s’est opérée selon des modalités qui ont oscillé entre le fait de privilégier les petits acquéreurs, en acceptant des coalitions de petits paysans peu fortunés, en morcelant les lots et en acceptant leur financement sur le long terme (par des rentes), et le fait – beaucoup plus fréquent – de privilégier une caste bourgeoise, enrichie par le commerce, capable d’acquérir des lots importants et de racheter les rentes, c’est-à-dire de payer comptant ces lots initialement destinés à être Février 2016 81 financés sur de nombreuses années 9. Toutefois, même en tenant compte de la faveur clairement concédée aux bourgeois commerçants 10, la répartition dans la population des biens du clergé et de la noblesse était réelle : l’appropriation bourgeoise n’était alors comparable ni à l’accaparement de tous les biens immobiliers par les castes de l’Ancien Régime, ni à l’accaparement par les tenants du pouvoir économique que nous connaissons aujourd’hui. S’il y a effectivement eu, en France, une brève période de redistribution – partielle mais réelle – des richesses, ces temps sont révolus et nous sommes à nouveau entrés, au cours des XIXe, XXe et XXIe siècles, dans une situation d’accaparement, mondiale et non plus simplement occidentale, des richesses par cette classe commerçante, devenue classe financière victorieuse. En France – comme ailleurs –, cette évolution se matérialise par l’existence d’atteintes, toujours plus nombreuses, au principe du droit de propriété individuelle. B) Les multiples et graves atteintes actuelles au droit de propriété individuelle L’évolution du droit de propriété depuis les Temps modernes prend la forme d’une courbe de Gauss : sa variation est fonction du niveau de développement de la bourgeoisie commerçante qui a inventé ce droit. Timide à la naissance de la bourgeoisie commerçante aux Temps modernes, la propriété privée s’affirme officiellement au moment de l’avènement politique de la bourgeoisie commerçante qu’est la Révolution Française, pour finalement décliner à mesure qu’elle devient inutile à cette bourgeoisie, devenue aristocratie financière qui a pris le contrôle absolu des institutions politiques de l’Époque contemporaine. Actuellement, le droit de propriété tend, en occident, à n’être plus qu’une coquille vide, c’est-à-dire une forme juridique vidée de toute substance réelle par le pouvoir économique qui a pris le contrôle du pouvoir politique ; il est devenu tout à fait inutile à ses concepteurs. Ainsi, l’environnement politico-économique actuel est, d’une façon générale, hostile au principe de propriété privée individuelle. La banque est un facteur essentiel de disparition du principe de propriété privée (1°). L’environnement institutionnel, dominé par les détenteurs du pouvoir économique, en raison de la disparition du principe de l’État-nation et du droit à l’autodétermination des peuples, est une autre source d’attaque de la Février 2016 82 propriété privée. Les États, devenus des courroies de transmission des intérêts oligarchiques, mettent en œuvre d’une part une fiscalité de type confiscatoire sur les biens et avoirs des classes sociales moyennes et inférieures (qui ne peuvent pas s’échapper dans les paradis fiscaux) et d’autre part des politiques qui sont des obstacles rédhibitoires à l’exercice effectif du droit de propriété par les particuliers (2°). En raison de la prééminence politique absolue – c’est-à-dire sans contrepouvoirs – des intérêts oligarchiques, les normes actuelles portent, d’une façon générale, les germes d’atteintes multiples et variées au principe de propriété privé (3°). 1° LE DROIT DE PROPRIÉTÉ EST DIRECTEMENT ATTAQUÉ PAR LA BANQUE La disparition du droit de propriété, compris comme un droit réel, sur les sommes que les usagers des banques déposent sur leurs comptes est l’exemple le plus explicite de la disparition du droit de propriété des citoyens. Le caractère fongible de la monnaie impose simplement aux banques de rendre au déposant l’équivalent en valeur des sommes déposées. Ainsi, le droit réel du déposant se transforme en un simple droit personnel, c’est-à-dire un droit de créance contre la banque, qui conserve le libre usage des sommes ainsi mises à sa disposition 11. A cela s’ajoute l’immensité du transfert indu de capital lié à la généralisation du crédit comme source de financement. Les banques autorisées – par les banques centrales, qui sont des émanations d’elles-mêmes 12 –, au moyen du principe dit de réserve fractionnaire 13, à prêter de l’argent dont elles ne disposent pas, collectent en réalité de façon arbitraire les sommes d’argent versées par les emprunteurs au titre des intérêts 14. Ce transfert de capital vers les banques, d’une ampleur inédite, opère à un double niveau, au niveau individuel mais également au niveau étatique. Ainsi, les États, placés sous la double loi d’airain de leur financement par l’emprunt et de la disparition structurelle, dans les paradis fiscaux, d’une grosse partie de leur source de financement 15 sont d’une manière générale contraints, pour assurer leur train de vie, de resserrer l’étreinte fiscale sur les citoyens appartenant aux catégories sociales moyennes et inférieures. 2° LE DROIT DE PROPRIÉTÉ EST DIRECTEMENT ATTAQUÉ PAR LES ÉTATS Les États, devenus courroies de transmission des empires financiers, ont de plus en plus recours à une fiscalité de type confiscatoire (a) dans le même Février 2016 83 temps qu’ils édictent des politiques de nature à empêcher l’exercice effectif, par les particuliers, du droit à la propriété privée (b). 2.A) LES ÉTATS-VASSAUX DES EMPIRES FINANCIERS ÉDICTENT UNE FISCALITÉ CONFISCATOIRE Il est devenu, en France, un lieu commun que de constater les innombrables et désormais permanentes augmentations, aussi bien quantitatives que qualitatives, des prélèvements obligatoires. Cette augmentation constitue une atteinte indirecte à la propriété privée en ce qu’elle induit une baisse subséquente des avoirs disponibles des particuliers et les empêche, de facto, d’exercer leur droit de propriété – par manque de moyens financiers. Cette augmentation se situe tout azimut à tous les niveaux : au niveau national 16 et local 17, au niveau fiscal et social. Nous assistons ainsi, en raison de l’incurie de l’État devenu dépendant, à une augmentation incessante des prélèvements sociaux. Les causes de fonds objectives, connues de tous depuis toujours – dont par exemple l’arrivée à la retraite de la génération du baby boom et l’inversion de la courbe des naissances 18 – n’ont pas été techniquement anticipées par des États moribonds qui n’ont aucunement cherché à prémunir leurs ressortissants des effets catastrophiques, sur leurs patrimoines, de ces phénomènes. Il est très probable que ces effets, qui entraînent, de façon mécanique, l’appauvrissement des particuliers et la mise en cause de la légitimité de l’État – et donc, à terme, sa disparition – étaient ceux effectivement recherchés par les tenants du pouvoir économiques qui sont les véritables propriétaires des États. En matière fiscale, il existe également des exemples particulièrement flagrants d’atteinte directe à la plénitude du droit de propriété par l’impôt. A titre d’illustration, citons le récent projet de faire payer aux propriétaires occupants leur résidence principale un impôt assis sur le loyer fictif correspondant à l’économie de loyer dont ces derniers bénéficieraient 19. Autre exemple, la mairie de Paris a récemment voté le principe d’une augmentation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et demandé à ce que ce principe soit généralisé dans l’ensemble des zones tendues du pays 20. Citons encore la taxe sur les logements vacants situées dans des zones tendues 21. Dans le même sens, une loi anglaise prétendrait également taxer les pièces vacantes des logements occupés. La cause de ces innombrables atteintes, par la fiscalité étatique, au principe du droit de propriété des particuliers est à rechercher dans l’organisation institutionnelle, notamment par les institutions de l’Union Européenne, de la liberté de Février 2016 84 circulation des capitaux, qui vide les États de leur substance et les détournent de leur fonction. L’institutionnalisation de la libre circulation des capitaux – qui prend le doux nom de libre-échange – est une source essentielle, à égalité avec le caractère obligatoire du financement de l’État par le paiement d’intérêts à des organismes privés 22 –, bien que dissimulée, de l’augmentation des prélèvements obligatoires. En effet, la liberté de circulation des capitaux a pour corollaire direct l’optimisation fiscale 23 et l’évasion des capitaux dans les paradis fiscaux 24. Or, l’évasion fiscale, qui fait mécaniquement perdre aux États une partie substantielle de leur source de financement, impose à ces derniers, afin d’assurer leur fonctionnement, d’augmenter sérieusement à la fois quantitativement et qualitativement (contrôle fiscale et surveillance généralisée des flux monétaires) la pression fiscale sur les classes sociales moyennes et inférieures. De plus, la mise en œuvre de ce principe de liberté de circulation des capitaux suppose le désengagement, par les États, des organismes fournissant des services publics. C’est ainsi que, de plus en plus souvent, les usagers se voient contraints de payer, en plus de leurs impôts, des taxes directement à des entreprises privées. Citons par exemple les droits de péage sur autoroutes – et bientôt les simples routes – que les usagers payent aux concessionnaires privés. Nous pourrions également citer la nouvelle taxe d’aéroport que les entreprises de transports répercutent aussitôt sur les usagers et d’autres encore… Toutes ces taxes nouvelles ne sont jamais corrélées par la diminution des prélèvements obligatoires alors pourtant que l’objectif initial de ces derniers était précisément, notamment, le financement et l’entretien des infrastructures publiques. En l’état actuel de la situation, la logique voudrait que les hommes issus des partis politiques proposent le vote d’une loi, ou d’un règlement européenne (le champ géographique d’application étant nettement plus vaste et son application aux États étant direct, c’est-à-dire ne nécessitant – contrairement aux directives – aucun acte positif de transposition), imposant au public le paiement des prélèvements obligatoires aux principales banques, ou plutôt à la banque centrale de leur pays – ce qui revient au même 25 – comme contrepartie du droit d’occuper un logement, de se déplacer sur le territoire, d’utiliser des services dits publics, etc. Une telle évolution s’inscrit de façon naturelle dans le contexte où l’État n’a plus aujourd’hui pour seule et dernière mission que la mise en œuvre des intérêts oligarchiques. L’impôt ainsi perçu serait directement mis à la disposition de ses véritables bénéficiaires, sans passer par l’intermédiaire d’un État qui, de fait, n’existe plus. Février 2016 85 Toutefois, les populations ne semblent pas encore suffisamment conditionnées pour accepter une telle évolution ; aussi, il reste encore préférable pour les principaux propriétaires de capitaux de maintenir la fiction juridique de l’État et, pour les gouvernants, de continuer à dissimuler les véritables bénéficiaires des prélèvements obligatoires – c’est-à-dire les principaux propriétaires de capitaux, qui sont propriétaires des banques dites systémiques, lesquels contrôlent les banques centrales – derrière le rideau de fumée qu’est devenu l’État (État détourné de sa fonction d’organisation sociale et vidé de sa substance politique). 2.B) LES ATTEINTES, PAR LES POLITIQUES ÉTATIQUES, À L’EXERCICE EFFECTIF PAR LES PARTICULIERS DU DROIT DE PROPRIÉTÉ A côté des atteintes fiscales au principe de propriété privée, il existe une foultitude d’atteintes indirectes et sournoises opérées par l’État fantôme – c’est-à-dire l’État désincarné de sa fonction politique autonome – au droit de propriété. Ainsi, le déremboursement permanent des soins et de la plupart des médicaments oblige les usagers à piocher dans leurs économies pour se soigner, ce qui a pour effets directs de réduire d’autant leurs avoirs et d’entamer subséquemment leur capacité à acquérir des biens en pleine propriété. Plus largement, la diminution générale de toutes les prestations familiales 26 et sociales 27, associée à des hausses des cotisations corrélatives pour les particuliers, s’analyse en une ponction dans les économies des particuliers, ces derniers devenant de moins en moins capables d’acquérir par ailleurs la propriété d’un bien immobilier ou foncier. D’une façon générale, l’augmentation permanente des charges annexes qui pèsent sur les particuliers sans diminution corrélative des prélèvements obligatoires est une manière radicale d’empêcher ces derniers d’accéder à la propriété, cela les contraints même bien souvent à se séparer de leurs propriétés immobilières afin de pouvoir assumer les contraintes financières d’origine étatique ou bancaire – la charge de la dette d’État pesant en réalité sur les ressortissants dudit État – en permanente augmentation. D’un point de vue de philosophie politique, une fausse solution serait d’imposer l’appropriation étatique des biens comme remèdes à l’ultralibéralisme. Dans le contexte où l’État n’est plus qu’un instrument au service des principaux propriétaires de capitaux, une telle proposition serait tout simplement une escroquerie juridique. Gardons-nous de mettre en avant les méfaits Février 2016 86 incontestables du l’ultralibéralisme pour justifier la disparition de la propriété privée du Code civil de 1804. Une telle solution aurait pour effet direct d’offrir sur un plateau une grande victoire à ceux contre qui l’on entend lutter, lesquels (faut-il le préciser) sont des accapareurs ayant bénéficié au plus haut point du processus de mondialisation qu’ils avaient eux-mêmes lancé et promu à des fins de strict enrichissement personnel d’une part et pour faire avancer leur agenda politique mondial d’autre part. En d’autres termes, sous prétexte de lutter contre les grands maux de l’ultralibéralisme, le peuple doit prendre garde à ne pas se laisser abuser en laissant l’État supprimer une institution, la propriété privée, qui avait justement pour raison d’être initiale, de conforter le pouvoir et la liberté des petits citoyens contribuables contre celle des accapareurs non citoyens non contribuables. 3° LE DROIT DE PROPRIÉTÉ EST, D’UNE FAÇON GÉNÉRALE, ATTAQUÉ À L’ÉCHELLE NATIONALE ET INTERNATIONALE, PAR TOUS LES NOUVEAUX PRINCIPES NORMATIFS Le droit de propriété fait ainsi l’objet d’atteintes d’ordre institutionnel (a) et d’atteintes juridiques directes (b). 3.A) LES ATTEINTES INSTITUTIONNELLES AU PRINCIPE DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE En toile de fond, la nouvelle organisation juridique qui se lève à l’échelle mondiale est indirectement mais très efficacement, hostile au principe de la propriété privée et favorable à la concentration du capital dans les seules mains des détenteurs du pouvoir économique. Ainsi, l’avènement de l’Union Européenne, formalisation institutionnelle du principe commercial de libre-échange 28, qui organise à ce titre la disparition formelle des principes d’État-nation, de séparation des pouvoirs 29, d’État de droit 30 et de recours au vote des peuples 31, est un incontestable grand pas en avant vers la suppression du droit de propriété pour tous. Ces institutions, de type ploutocratique, permettent à l’oligarchie la mise en œuvre juridique, sans aucun contre-pouvoir, de son intérêt vital à concentrer les capitaux. Par voie de conséquence, les tenants du pouvoir économique aux commandes sont en train d’organiser – selon la méthode habituelle des petits pas – la disparition de la notion même de propriété privée – sous-entendu pour tous –, celle-ci laissant peu à peu la place à l’accaparement de tous les biens par les grands capitalistes devenus banquiers. C’est la raison pour laquelle, dans les pays d’Europe occidentale, le phénomène d’accaparement a été Février 2016 87 démultiplié par l’arrivée des réglementations européennes, incluant à la fois les Traités, le droit dérivé et toutes les recommandations, en particulier celles issues du Conseil ECOFIN. Le bien commun et le bien public font partie des dommages collatéraux de cette grande avancée juridique et humaine qui nous est proposée et qui verra son aboutissement avec l’avènement d’institutions mondiales. A titre d’illustration, l’Union européenne 32 impose d’une façon générale aux États la cession à des acquéreurs privés des patrimoines des organismes fournissant des services publics 33. Sur le fond, ces patrimoines appartenaient pourtant non pas à l’État, dont la propriété était seulement formelle, mais aux contribuables français, qui les avaient financés pendant plusieurs décennies. Nous assistons à un véritable raz de marée de dépossession du public au profit d’une petite minorité de grands capitalistes ; ce mouvement de fond s’analyse en réalité comme un véritable coup d’État institutionnel. Il faut ajouter que ce grand mouvement de dépossession du public, institutionnellement organisé par la liberté de circulation des capitaux et le libre-échange, a été largement facilité par l’arrivée massive d’argent fictif dû au mécanisme de la nouvelle planche à billets appelé Quantitative Easing – qui est, massivement, arrivé à point nommé dans les années 2010 suite à la crise de 2008 engendrée (ou plutôt organisée) par les subprimes, après avoir été testé au Japon dans les années 1990 –, argent dont seuls les grands capitalistes ont profité. Une fois rempli son rôle consistant à concentrer au maximum le capital, cet argent fictif est amené à disparaître ; les particuliers ne doivent dès lors pas s’étonner de la crise actuelle. 3.B) LES ATTEINTES JURIDIQUES DIRECTES AU PRINCIPE DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE Au titre des atteintes juridiques directes au droit de propriété nous pourrions citer, en droit dit des affaires, l’actuelle prééminence de la très américaine théorie de l’agence . L’avènement comptable des normes IFRS, la dérégulation bancaire associée à une créativité de grande ampleur 34, l’avènement de la théorie des jeux appliqué à l’économie, la spéculation débridée sont d’autres illustrations de la marche oligarchique vers la suppression de la propriété privée pour tous. Le projet d’avènement légal de la propriété économique, d’ores et déjà annoncé, sera l’ultime atteinte au principe de propriété privée. Ce projet, qui sera étudié en détail dans la seconde partie du présent article 35, sera le Février 2016 88 dernier clou au cercueil de la propriété privée, son atteinte finale la plus radicale et la plus symbolique. Il fermera définitivement la parenthèse de l’illusion démocratique. Conclusion de la sous-partie I L’avènement de la propriété individuelle était indispensable au couronnement politique de la classe des marchandsbanquiers bourgeois. Elle a joué, au moment de la Révolution française, son rôle et s’est facilement imposée sous le prétexte de l’intérêt collectif. Par un effet collatéral, cet intérêt collectif qui a pris la forme juridique de la propriété privée s’est avéré être, au moins partiellement, une réalité qui a permis, temporairement, l’apparition en Occident d’une importante classe moyenne, gage de vigueur civilisationnelle. Les choses ont aujourd’hui évolué. Volant de succès en succès, la bourgeoisie commerçante a peu à peu, au fil des siècles, réussi à capter le pouvoir politique, au moyen de l’argent amassé, pour finir par devenir à son tour l’aristocratie financière que nous connaissons aujourd’hui. Dans ce contexte, la propriété a suivi de façon logique l’évolution de ses initiateurs : le principe de la propriété se transforme peu à peu en principe d’accaparement par la classe des bourgeois commerçants devenue aristocratie financière toute-puissante. Aujourd’hui, à grand renfort de discours lénifiants à peine parés d’humanisme, l’acquis révolutionnaire de la redistribution des richesses, est peu à peu en train de disparaître totalement du paysage juridique. Il disparaît à mesure que l’oligarchie issue de la bourgeoisie commerçante – devenue bancaire et financière – prend le contrôle des institutions politiques locales et internationales. Le Nouvel Ordre Mondial annoncé est en réalité l’Ancien Ordre Mondial, celui de la toute-puissance politique institutionnelle de la caste des commerçants devenus financiers. Le recul du temps laisse apparaître un agenda soigneusement organisé d’interactions juridiques, institutionnelles, monétaires et financières ; en Occident, le développement institutionnel des privatisations (conséquences naturelles du libre-échange) s’est ainsi accompagné du développement de l’argent fictif disponible via le mécanisme dit de Quantitative Easing. La future réalisation des grands marchés transatlantique et transpacifique ainsi que l’avènement des institutions mondiales -–qui se profilent déjà à l’horizon – vont dans le même sens de l’accaparement généralisé des biens. Ce qui est Février 2016 89 logique puisque c’est toujours de la même caste des marchands-banquiers qui a initié ces mouvements institutionnels. Le droit de propriété aura finalement été un moyen, comme l’est l’argent, servant à la prise de pouvoir politique et institutionnel des marchandsbanquiers. Les peuples auront, dans toute cette histoire, servi de prétexte : l’intérêt populaire souvent claironné était, en réalité, utilisé comme variable d’ajustement dans la marche vers le pouvoir de la caste dominante. Pour terminer sur une note positive, nous pronostiquons que la bourgeoisie commerçante-financière est actuellement dans l’exacte position de la Royauté à la fin de l’Ancien Régime : arrivée au bout des ressources de son mode de fonctionnement, elle n’a aucune proposition de rechange lui permettant de durer en tant qu’Ordre politique établi. L’actuel Régime politique de type capitalistique nous semble en effet incapable de supporter la suppression des concepts de banque centrale et de banque systémique, tout comme l’Ancien Régime n’aurait pas supporté la suppression de la féodalité. Par ailleurs, l’actuelle évolution des communications, que certains font entrer dans la troisième révolution industrielle, engendre en réalité une perte du contrôle de l’information par les détenteurs du pouvoir économique. Bien qu’initiée par la classe économique dominante, cette révolution des communications, par l’accessibilité très large des connaissances qu’elle suppose, est de nature à permettre un changement de paradigme social. En effet, le pouvoir de la caste des commerçants banquiers a, depuis le début, été construit sur l’asymétrie des informations : les tenants du pouvoir économique (bancaire) disposent, seuls, des informations essentielles pertinentes tandis qu’ils retiennent ou qu’ils diffusent – selon les cas – parmi une profusion d’informations non pertinentes (la profusion a pour objectif de noyer les informations essentielles dans un flux très important d’informations non pertinentes superflues et/ou secondaires 36). Dans cette organisation sociale, les services de renseignements ont toujours eu un rôle particulièrement actif et important pour préserver le caractère asymétrique de l’information. La révolution internet, de nature à mettre un terme au principe de l’asymétrie informationnelle, est une épée de Damoclès permanente pour l’oligarchie financière. La dernière illustration en date est l’information selon laquelle le fameux consortium de journalistes prétendument indépendants – ICIJ – situé à Washington (sic), et qui travaille en partenariat avec tous les grands journaux occidentaux (Süddeutsche Zeitung, Le Monde, El Pais, etc.), est tout à fait dépendant d’un organisme appelé OCCRP, Centre pour l’étude de la corruption et du crime organisé. Février 2016 90 L’ICIJ est, depuis quelques temps, très impliqué dans la diffusion très sélective d’informations fiscales confidentielles en provenance des paradis fiscaux ; or il devient accessible à tous que son organisme de rattachement, l’OCCRP, est financé directement par le gouvernement américain, via l’USAID, par l’Open Society de George Soros, la Fondation Ford et d’autres fondations charitables de ce style 37. Peu à peu, la place est en train de se libérer pour l’instauration d’un nouveau paradigme sociétal et politique. Les actuels détenteurs du pouvoir économique ont néanmoins un agenda politique international. Ainsi, si l’on n’y prend garde, le Nouvel Ordre Mondial, mis en place par les tenants de l’ancien ordre mondial, pourraient vêtir les habits de la religion kabbalistique 38. Il ne tient qu’aux particuliers et aux gouvernements éveillés d’imposer leur propre changement de paradigme, en lieu et place de celui que l’ordre bancaire oligarchique a prévu pour l’humanité. La fenêtre d’action politique est réduite ; une telle opportunité de changement pourrait en effet ne pas se représenter avant de très nombreuses années, voire centaines d’années. Ce paradigme nouveau – que seuls des hommes politiques indépendants, courageux, combatifs et volontaires pourront mettre en œuvre – pourrait s’inspirer des droits naturels, sur lesquels reposait le mouvement des physiocrates, pour construire une nouvelle ère politique. Mais les droits naturels doivent eux-mêmes être dépoussiérés et clairement exprimés. Ainsi, par droits naturels, il faut entendre, à notre sens, deux choses : d’une part les règles issues du fonctionnement inné des êtres vivants, et d’autre part les principes historiques de fonctionnement des sociétés. Parmi les règles issues du fonctionnement inné du vivant, nous trouvons par exemple l’accouplement d’un homme et d’une femme pour engendrer un enfant et ainsi permettre à la race humaine de perdurer. Un autre exemple de règle issue du fonctionnement inné du vivant est celle de l’intégrité de l’humain : le corps et l’esprit sont un tout indissociable, à plus forte raison, le corps humain est-il lui-même indissociable. La diversité du vivant est une autre règle naturelle, comme l’est l’intégrité des sources de vie que sont la qualité de l’air, des sols et des eaux qui doivent, sous peine de disparition du vivant, rester non pollués. Ces règles, très brièvement évoquées ici, se déclinent concrètement en une multitude d’applications politiques. Parmi les principes historiques du fonctionnement des sociétés humaines se trouve le fait selon lequel un pouvoir sans contre-pouvoir conduit directement à l’abus. L’accaparement est un abus, comme l’est la confiscation de tous les Février 2016 91 pouvoirs par un corps constitué aux intérêts homogènes. La diversité doit exister dans les sociétés humaines de la même manière qu’elle existe dans la nature (biologique, géologique, climatique etc.). Ces principes sont le fruit des leçons de l’histoire. Tirer des leçons des erreurs civilisationnelles du passé est la seule manière, pour la race humaine, de survivre aux dérives que nous connaissons aujourd’hui. Actuellement, aucun des droits naturels ainsi identifié n’est respecté ; il n’est pas étonnant de constater que le plus grand ennemi juridique des mondialistes – la caste des marchands devenus financiers – est justement le droit naturel. Valérie Bugault est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique. Notes 1 Cf. la dérégulation bancaire mondiale a été mise en œuvre par le trésor américain et les directions des principales banques systémiques anglo-saxonnes :
http://rue89.nouvelobs.com/2013/08/23/tresor-americain-accuse-davoir-vendumondebanquiers-245152 ; sur le déclenchement de la crise grecque par cinq fonds spéculatifs réunis à New York : voir
https://www.youtube.com/watch?v=TLjq25 ayWM / Myret Zaki et Etienne Chouard – en particulier autour de la 3e minute ↩ 2 Une question pertinente pourrait être : peut-on réellement parler de propriété collective alors que la propriété individuelle n’existe pas ? Autre façon de dire les choses : la collectivité peut-elle exister sans la prise en compte des individus qui la composent ? ↩ 3 Réalisant ce faisant le despotisme d’une intelligentsia, condamné par certains communistes eux-mêmes, telle Rosa Luxembourg ↩ 4 Cf.
http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-les-consequences-dunereevaluation-de-lor.aspx?article=8160260494H11690&redirect=false&contributor=Hugo+Salinas+ Price.&mk=2 ↩ 5 Cf.
http://www.librairal.org/wiki/Henri Lepage:Pourquoi la propri%C3%A9t%C3%A9 - 2 ↩ 6 Cf.
http://www.cours-de-droit.net/cours-d-histoire-du-droit-des-biens-c27647304 ↩ 7 Voir par exemple :
http://www.cours-de-droit.net/cours-d-histoire-du-droit-desbiensc27647304 ; et aussi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9 priv%C3%A9e ↩ 8 Une telle présentation des choses est sans aucun doute un néologisme – réducteur qui plus est – mais ce dernier nous semble indispensable à la bonne compréhension des choses. ↩ 9 Sur ce sujet, lire :
https://rives.revues.org/100 ↩ Février 2016 92 10 Cf. :
http://www.larousse.fr/archives/histoire de france/page/116 ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bien national ;
http://www.persee.fr/doc/ahrf 00034436 1999 num 315 1 2219 ↩ 11 Pour plus de précisions, lire notre article Entreprise bancaire, l’instrument juridique du désordre politique global ↩ 12 Cf. notre article intitulé Géopolitique du système des banques centrales ↩ 13 Cf. notre article intitulé Entreprise bancaire, l’instrument juridique du désordre politique global ↩ 14 Lire notre article Entreprise bancaire, l’instrument juridique du désordre politique global ↩ 15 Lire nos articles Géopolitique de l’optimisation fiscale et Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 16 Cf. Citons par exemple la création de deux nouveaux prélèvements obligatoires que sont la CSG en 1991 et la CRDS en 1996 ↩ 17 Cf. la récente, parfois considérable, augmentation de taxe foncière sur les terrains non bâtis constructibles :
http://blog.mon-creditimmobilier.info/2014/10/actualite/majoration-de-la-taxe-fonciere-sur-lesterrainsconstructibles-4360.html ↩ 18 Cf.
http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/le-journal-de-7h-inversion-delacourbe-des-naissances-en-france-7780365228 ↩ 19 Cf. :
http://votreargent.lexpress.fr/impots/fiscalite-les-proprietaires-occupantleurresidence-principale-bientot-taxes 1580082.html ↩ 20 Cf. :
http://edito.seloger.com/actualites/villes/residence-secondaire-paris-voteleprincipe-d-une-hausse-de-la-taxe-d-habitation-article-7777.html ;
http://www.lefigaro.fr/impots/2014/11/03/05003-20141103ARTFIG00419- lesproprietaires-bientot-surtaxes-pour-leurs-residences-secondaires.php ↩ 21 Cf.
http://immobilier.lefigaro.fr/article/etes-vous-concerne-par-la-taxe-surleslogements-vacants- 5e2f6502-9f16-11e5-a596-804c2384c61f ↩ 22 Cf. notre article intitulé Entreprise bancaire, l’instrument juridique du désordre politique global ↩ 23 Cf. notre article intitulé Géopolitique de l’optimisation fiscale ↩ 24 Cf. notre article intitulé Géopolitique des paradis fiscaux ↩ 25 Cf. notre article sur la Géopolitique du système des banques centrales ↩ 26 Cf.
http://www.lesechos.fr/04/08/2015/lesechos.fr/021245217030 politiquefamiliale— les-prestations-diminuent–le-
deficit-subsiste.htm ;
http://calculimpots.eu/pagesinfos/fiscalite/quotient-familial.php ;
http://impotsurlerevenu.org/fonctionnement-de-l-impot/210-plafonnementduquotient-familial.php ↩ 27 Cf.
http://lesmoutonsenrages.fr/2016/01/14/assurance-chomage-vers-unebaissedes-allocations-cela-fera-suite-a-la-coupe-des-aides-sociales-de-lessonne/ Février 2016 93 ;
http://www.metronews.fr/conso/caf-les-aides-au-logement-apl-vont-baissercequi-va-changer/moiD!TMMcgNzbQQcc/ ↩ 28 Cf. notre article Géopolitique du libre-échange ↩ 29 La Commission dispose du monopole de l’initiative législative dans le même temps qu’elle est le pouvoir exécutif en Union européenne ↩ 30 Cf.
https://www.youtube.com/watch?v=H8qpT9DASUY – Fonctionnement institutionnel de l’UE: Analyse juridique et politique. Par Valérie Bugault ;
https://www.youtube.com/watch?v=zJB5TqWAeNQ&index=89&list=PLSZZt8YP2 sDodffjjdw9hX8Md7y3sP29 – Les grandes orientations des traités européens. Par Valérie Bugault ↩ 31 Pour un exemple français : voir le viol de la volonté populaire par Nicolas Sarkozy, alors président de la République française, qui a fait voter le Traité de Lisbonne par les représentants du peuple réunis en Congrès, alors que les français avaient rejeté ce même projet – alors appelé Constitution européenne – par référendum en 2005 :
http://www.france24.com/fr/20080208-france-adopte-letraite-europeenlisbonne-union-europeenne ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rendum fran%C3%A7ais sur le trait%C3%A9 %C3%A9tablissant une constitution pour l%27Europe ↩ 32 Pour plus de précisions, voir la conférence suivante :
https://www.youtube.com/watch?v=zJB5TqWAeNQ – Les grandes orientations des traités Européens. Par Valérie Bugault, en particulier la minute 32.03 ↩ 33 Cf. les cessions de parts dans toutes les grandes entreprises publiques :
http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20130506.OBS8351/entreprisespubliq ues-ou-l-etat-peut-il-reduire-ses-participations.html ;
http://www.liberation.fr/futurs/2015/04/02/entreprises-trente-ans-dedesengagement-de-l-etat1233131 ;
http://www.zdnet.fr/actualites/desengagement-de-l-etat-la-cession-partielledefrance-telecom-pour-financer-un-plan-d-investissements-39790166.htm ; Voir aussi les récentes cessions des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9 a%C3%A9roportuaire ;
http://www.lefigaro.fr/societes/2014/12/11/20005-20141211ARTFIG00061- aprestoulouse-l-etat-va-vendre-une-partie-de-l-aeroport-de-lyon.php ;
http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2016/03/10/coup-d-envoi-alaprivatisation-des-aeroports-de-nice-et-lyon 4880716 1656968.html ↩ 34 Cf. : avènement des Credit Default Swap – CDS –, titrisation de créances douteuses, High-Frequency Trading –
https://fr.wikipedia.org/wiki/Transactions %C3%A0 haute fr%C3%A9quence, etc.. ; voir notre article Entreprise bancaire, l’instrument juridique du désordre politique global ↩ 35 Cf. Sous-partie II : … à la fin de la propriété privée et à l’avènement de la propriété économique ↩ Février 2016 94 36 Lire à cet égard, La guerre des monnaies de Hong-Bing Song, Editions le Retour aux Sources, qui décrit pages 24 et 25 le réseau d’espionnage mis en place par la Banque Rothschild au moment de la guerre de Waterloo ↩ 37 Cf.
http://www.moonofalabama.org/2016/04/selected-leak-of-thepanamapaperscreates-huge-blackmail-potential.html ;
https://fr.sputniknews.com/international/201604061023988250-wikileakspanamapapers-usa-poutine/ ↩ 38 Cf. Occident et Islam ; sources et genèse messianiques du sionisme de l’Europe médiévale au choc des civilisations, de Youssef Hindi, éditions Sigest, lire en particulier page 239, citant Gershom Scholem (le) projet… kabbalistique, qui entend étendre son imperium théocratique, par «la transformation de la Torah afin de faire de la loi du peuple d’Israël la loi secrète propre à l’univers et par suite donner au juif mystique un rôle vital dans le monde». Ceci par le biais d’une gouvernance mondiale en gestation, celle de l’hyperclasse que prône en France par exemple, le messianiste Jacques Attali, ancien directeur de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). ; voir aussi La guerre des monnaies de Hong-Bing Song, en particuliers page 35 : «Mayer avait un adage : Les familles qui prient ensemble seront réunies. Plus tard, beaucoup de gens se sont demandés quelle force habitait les Rothschild pour qu’ils soient aussi obsédés par la conquête du pouvoir.» ↩ Février 2016 95 Décryptage du système économique global [7/7] : Géopolitique du concept de propriété privée – 2/2 Par Valérie Bugault – le 21 février 2016 Nous arrivons maintenant au terme – deuxième partie – du dernier article de notre série portant sur le décryptage du système économique global. Cet article traite d’un sujet d’apparence anodine – il ne semble pas concerner directement le quotidien de tout un chacun –, qui est en réalité un sujet capital en termes d’organisation sociale et de symbolique politique : le concept nouveau de propriété économique. Cette notion nouvelle de propriété économique est de nature à mettre un terme à 250 ans d’illusion démocratique entretenue par l’ascenseur social qu’a été le droit de propriété. Sous partie II : … à la fin de la propriété privée et à l’avènement de la propriété économique Ce droit de propriété, dont l’avènement a été explicité dans notre article précédent 1, a été le moteur essentiel des régimes politiques qui ont existé depuis la fin du XVIIIe siècle, c’est-à-dire, grosso modo depuis l’époque contemporaine, en ce qu’il a permis au peuple français de croire en l’effectivité de l’absence de castes sociales préétablies et inaliénables. L’illusion, aujourd’hui en voie d’effacement, laisse la place libre à une nouvelle conception de la vie sociale autour de castes inamovibles, conception symboliquement matérialisée par le nouveau concept de propriété économique. Nous analyserons ce que recouvre la propriété économique (I), avant de considérer l’origine sociologique de ce concept nouveau (II) et de constater pourquoi cette notion est en passe de devenir du droit positif (III). Février 2016 96 I) Ce que recouvre le concept de propriété économique La propriété économique, aujourd’hui inconnue du droit français mais dans les cartons d’éventuelles futures réformes législatives, mérite une analyse précise de la réalité juridique qui se cache derrière cette terminologie banalisée. Nous allons, pour ce faire, opérer d’une part au moyen d’une analyse du contexte politique dans lequel cette notion intervient (A) et d’autre part en établissant un bref comparatif de certaines implications juridiques de la propriété économique par rapport aux effets du droit de propriété classique (B). A) ANALYSE DU CONTEXTE POLITIQUE DANS LEQUEL INTERVIENT LA NOTION DE PROPRIÉTÉ ÉCONOMIQUE : LA MISE EN FORME JURIDIQUE DE LA LOI DU PLUS FORT Alors que la notion classique de propriété octroie des droits à des acteurs juridiques sur la seule considération de la volonté de l’auteur de l’acte, selon le principe dit de propriété économique, le titulaire des droits principaux sur un bien mobilier ou immobilier, matériel ou immatériel, est soit celui qui fournit le capital nécessaire à son acquisition, au premier rang desquels sont les établissements financiers, soit celui qui traite ou exploite le bien. Les défenseurs de la propriété économique s’appuient sur le postulat selon lequel le droit doit, ou devrait, être mis en conformité avec le fait – un nécessaire réalisme juridique, donc – pour valider la réalité des droits des fournisseurs de crédits. Le problème avec ce réalisme est qu’il vient en renfort pour aider à la traduction juridique et institutionnelle de la prise de pouvoir politique – réelle mais officieuse – des tenants du pouvoir économique. Autrement dit, le réalisme est ici appelé pour traduire juridiquement la prise de pouvoir politique par une infime minorité agissante – les propriétaires des principales banques dites systémiques – détentrice du pouvoir économique au détriment de la très grande majorité des particuliers. Dans ce contexte, le réalisme juridique est en réalité l’illustration parfaite de la loi du plus fort : de factuelle, la domination devient juridique et institutionnelle. Le fait devient le vecteur de la domination politique par les puissances économiques. Le droit est détourné de son objectif d’organisation sociale pour ne servir que les intérêts d’un petit nombre d’individus. Février 2016 97 La notion de profit prend le pas sur toutes les valeurs politiques et morales qui ont, jusqu’à preuve du contraire, rendu possible l’émergence de civilisations. Si la civilisation est la mise en avant de procédures de polissage, au moyen de l’organisation sociale et politique, des instincts humains primaires. La domination économique est, à l’opposé, l’ouverture des procédures juridiques, politiques et sociologiques aux pires instincts de prédation ; ces derniers n’étant pas considérés au regard d’une quelconque nécessité vitale mais au contraire dans un objectif de domination absolue. L’accaparement des biens par les banquiers et grands capitalistes, qui est aujourd’hui un fait économique incontestable, ne doit en aucun cas être validé par le droit, sous peine de retour à la féodalité. Autrement dit : entre le fait économique, qui relève d’un rapport de force d’ores et déjà perdu par les peuples, et la matérialité juridique du phénomène, doit s’interposer la volonté des particuliers et la mise en œuvre du bien commun. A défaut de relever ce défi, les citoyens valideraient eux-mêmes le grand retour de l’esclavagisme légal, qui ne tardera pas à se manifester par l’avènement politique d’un régime fondé sur l’accaparement par une ou plusieurs castes. B) COMPARATIF DES IMPLICATIONS JURIDIQUES DE LA PROPRIÉTÉ ÉCONOMIQUE PAR RAPPORT AUX EFFETS DU DROIT DE PROPRIÉTÉ CLASSIQUE L’analyse économique de la propriété 2 véhiculée par le concept de propriété économique, est susceptible d’avoir des implications dans l’ensemble des branches du droit. Ce concept est par exemple déclinable en droit bancaire et immobilier. Ce concept de propriété économique explique pourquoi en droit immobilier américain, l’acquéreur ne devient propriétaire de son bien qu’une fois son emprunt totalement remboursé. Ainsi, en cas de défaut de l’emprunteur, les banques peuvent expulser manu militari, sans formalité légale, les acquéreurs (non juridiquement propriétaires) de biens immobiliers ; jetant par la même occasion des milliers de gens dans la rue au moment de la crise dite des subprimes. Il n’y a pas, alors, de vérification publique du bienfondé de la démarche ; certains emprunteurs peuvent être mis à la rue alors même qu’ils ont déjà remboursé une grande part, voire une majorité, de leur dette : le premier défaut emporte expulsion. On ne parle alors plus de réalisme juridique, car ce dernier imposerait que les emprunteurs ayant remboursé l’essentiel de leur emprunt soient, dans ces conditions, les propriétaires effectifs de leur logement. Cette crise des subprimes a été déclenchée par la Février 2016 98 voracité d’établissements financiers désireux d’imposer des remboursements d’emprunts, qui s’apparentent à des rançons légales, à des gens, par hypothèse, insolvables. L’essentiel, pour ces financiers peu scrupuleux étant que l’intérêt et/ou le capital leur restent en définitive acquis. Cela n’a été rendu possible que par le vaste mouvement de dérégulation bancaire organisé par les tenants du pouvoir économique 3. La propriété économique peut également se décliner en matière de transmissions informatiques. S’agissant des biens immatériels, le concept dit de propriété économique, peut expliquer qu’en droit anglo-saxon le propriétaire des données personnelles, biens immatériels collectés de façon directe ou indirecte par des moyens informatiques, est l’entreprise qui traite et exploite ces données et non, comme c’est encore le cas en France, les personnes concernées par ces données ou dont ces données sont issues 4. Alors que le droit dit continental, en opposition au droit anglosaxon, reste – ou du moins restait jusqu’à une date récente – protecteur des données personnelles, cela pourrait changer du tout au tout si cette notion dite de propriété économique venait à voir le jour. En matière de droit de l’entreprise, le basculement de la conception juridique à une conception économique de la propriété a déjà commencé. Il a permis l’avènement de la théorie de l’agence, qui a légitimé l’introduction des stockoptions en droit français. Les stock-options relèvent de la volonté de rapprocher les intérêts financiers des propriétaires de l’entreprise de ceux des dirigeants, en vue de maximaliser les profits capitalistiques futurs 5. Ils sont la carotte qui permet un rendement maximum aux détenteurs du capital de l’entreprise 6. C’est précisément contre cette dérive que voulait lutter le général De Gaulle, en instituant le principe de l’entreprise participative, qui avait pour objectif de rendre à la société de type capitalistique le rôle d’organisation sociale que les théories économiques, qui empiétaient déjà sérieusement sur le droit, menaçaient sérieusement de lui retirer définitivement. L’historien Henri Guillemin a avancé que De Gaulle a été renversé par les banques en raison justement de son projet d’entreprise participative 7. Depuis lors, la conception économique de la notion d’entreprise n’a fait que croître et embellir dans les pays continentaux, dits de droit écrit. D’une façon plus générale, la propriété économique induirait une modification profonde des relations entre les banques avec les entreprises : de créancières, les banques jusqu’alors simples partenaires, deviendraient les Février 2016 99 véritables décisionnaires de l’entreprise. L’immixtion dans la gestion, aujourd’hui interdite, deviendrait la règle dans le monde des affaires ! Signalons au passage que les cas de disparition de PME en raison d’une immixtion dans la gestion des banques créancières sont légion et ceci en dépit même de l’existence d’une législation protectrice ; ce constat déplorable provient du double fait que l’immixtion dans la gestion est difficile à établir, et qu’en cas de litige judiciaire, les PME, comme les particuliers, ne pèsent guère face aux conglomérats bancaires. On aperçoit ici encore que l’avènement du concept de propriété économique aurait pour conséquence la transformation d’une domination de fait du système bancaire sur l’économie en une domination de droit. La conception rénovée du droit de propriété laisse également entrevoir d’« intéressantes conséquences » – du point de vue des possibilités de concentration du capital – en matière de transmission d’entreprises, en particulier dans le cadre des fameux LBO (Leveraged Buy-Out) 8. Dans un premier temps, les principaux propriétaires de capitaux – banquiers – pourraient être tentés d’utiliser des holdings de façade pour acheter des entreprises en nom propre. Une banque pourrait ainsi acheter au moyen de technique du LBO une entreprise cible dont elle deviendrait, de fait, propriétaire, à la place de la holding acquéreuse apparente, tant que le prêt ne serait pas remboursé par la cible-victime. Dans un second temps et au titre du réalisme, les banquiers pourraient revendiquer juridiquement le droit de se passer de l’intermédiation d’une holding de reprise pour acheter directement des entreprises par LBO. Ce qu’il est convenu d’appeler l’effet de levier, c’est-à-dire, la remontée des dividendes de la société cible (en réalité la société victime dont le rachat est envisagé) vers l’acquéreuse, permettrait dès lors à la banque de racheter n’importe qu’elle société, tout en faisant rémunérer son effort de prédation par sa victime ! En cas d’avènement juridique de la propriété économique, les sociétés cibles ne seraient plus achetées, mais bel et bien vendues par les politiques aux financiers. Comme on peut le constater, l’avènement du concept dit de propriété économique aura des conséquences sur l’intégralité de l’organisation sociale. Un tel concept agirait inéluctablement dans le sens de l’accroissement de la concentration des capitaux. II) Les origines anglo-saxonnes du concept La notion de propriété économique, jusqu’alors inconnue du droit français, est en revanche très prégnante dans le droit anglo-saxon, lequel droit est Février 2016 100 essentiellement axé autour du commerce. En droit anglo-américain moderne, la conception du droit est toute entière incluse dans l’économie, le capital domine et dirige le facteur humain. Au contraire, pour le droit continental classique le fait politique, au sens d’organisation des rapports humains, prime – enfin primait – le fait économique. L’économie n’est pas absente du droit continental classique mais, loin d’en être la source exclusive, elle n’est au contraire qu’un élément parmi d’autres que le droit prend en considération. La conception continentale du droit considère en priorité le facteur organisationnel du groupe humain, tandis que la philosophie du droit anglo-saxon, toute de réalisme économique vêtue, recherche en priorité la valorisation financière. Considérer l’organisation d’un groupe humain par le seul prisme mercantile et financier, est éminemment réducteur si l’on veut bien prendre en compte que l’humain n’est pas réductible à une seule valeur marchande. L’organisation sociétale axée autour du commerce a ainsi pu dévier vers une organisation qui finit par opérer la réification de la personne humaine, laquelle se retrouve dans le commerce, comme n’importe quel bien. Par ailleurs, la recherche du profit institué comme modalité normale de fonctionnement d’une société humaine – au sens politique – réalise, par construction, la concentration des capitaux ; en fin de parcours, il ne reste que les plus gros détenteurs de capitaux, peu importent les moyens employés pour l’acquisition desdits capitaux 9. Techniquement, le concept nouveau de propriété économique est la traduction juridique de l’analyse économique de la notion de propriété 10. Il est lié à ce qu’il est convenu d’appeler la théorie de l’agence et a pour objectif de faire entrer la sphère politique dans la sphère économique. Accepter le concept de propriété économique revient à accepter définitivement et irrémédiablement de ne considérer le droit et le fait politique, que par le prisme réducteur de l’économie. Inclure la sphère politique dans la sphère économique représente, pour des défenseurs du droit continental, une inversion exacte des valeurs. En droit continental, il ne saurait y avoir d’analyse économique de la notion de propriété, car cette dernière est avant tout un moyen primordial d’organisation sociale permettant de pacifier et réguler la vie en commun, une valeur d’ordre moral et politique, qui a certes des incidences économiques, mais qui ne sont que des conséquences du principe politique initial et en aucun cas le fait générateur de la règle. Le droit continental ne Février 2016 101 nie pas les conséquences économiques générées par le droit de propriété, mais il récuse en revanche, ou plutôt il récusait jusqu’à il y a peu, le fait de ne considérer le droit de propriété qu’au seul regard de ses conséquences économiques, ce qui est précisément l’objectif recherché par les tenants du concept de propriété économique. La propriété, au sens classique du terme, permet une dynamique sociale, un ascenseur social. La propriété est, à ce titre, facteur d’efficience en termes d’organisation sociale. Un pas plus loin, la propriété est également, lorsqu’elle peut être mise en œuvre, le moyen d’assurer la sécurité des particuliers, en ce sens, la propriété a été le principal moyen de la liberté des peuples. Car il ne saurait y avoir de liberté sans sécurité : la sécurité individuelle est la condition nécessaire et indispensable (sine qua non), bien que pas toujours suffisante, de la liberté. Reléguer le droit de propriété à la seule composante économique signifie en réalité transformer la philosophie sous-jacente du droit. On passe d’un droit dont l’objectif est l’organisation sociale, à un droit dont l’objectif est le seul rendement financier. Accepter une telle radicale domination du fait économique revient, ni plus ni moins, à passer du libéralisme au financiarisme, aussi appelé ultra-libéralisme. Cela revient à nier le rôle social d’institutions aussi essentielles que la propriété (pour tous) et l’entreprise (comme institution collective), et à renoncer à une certaine conception du droit comme facteur de régulation sociale. Nous avons ici affaire à une philosophie purement matérialiste et dogmatique. Le constat selon lequel la notion de propriété économique serait d’ores et déjà, du point de vue économique, un fait pour tous les acquéreurs de biens à crédit, est fortement mis en avant pour imposer la traduction en droit positif du concept de propriété économique. Or, s’il est vrai que l’acquéreur à crédit est, d’un point de vue économique, essentiellement propriétaire de dettes (qu’il cumule avec les charges du propriétaire), il n’en reste pas moins vrai que, d’un point de vue juridique, la banque qui veut récupérer le bien en cas de non remboursement des échéances, n’a actuellement pas le droit de chasser manu militari l’emprunteur propriétaire de son domicile. La banque ne détient pas de droit réel sur le bien acquis à crédit, qui appartient à l’acquéreur. La banque ne détient qu’un droit personnel contre l’acquéreur : le droit de se faire rembourser une somme due en vertu d’un contrat. Nous avons déjà expliqué par ailleurs que le paiement d’intérêts sur le remboursement d’un capital était en réalité, d’un point de vue strictement Février 2016 102 juridique, non causé et source d’enrichissement sans cause pour la banque créancière 11. En l’état actuel du droit positif, la banque qui veut se faire payer sa créance contre l’emprunteur, devra engager une action en justice pour faire reconnaître son droit contre l’emprunteur créancier ; il est vrai que la banque pourra également se faire payer en actionnant les cautions ou en mettant en œuvre son hypothèque si l’emprunt était garanti par une hypothèque. Acter juridiquement la notion de propriété économique reviendrait à inverser l’ordre des choses : le droit réel, c’est-à-dire le pouvoir réel sur le bien, appartiendrait directement à la banque créancière, tandis que l’acquéreur individuel ne disposerait que d’un droit personnel contre la banque : celui de se faire délivrer la chose (le bien) pour laquelle il a déjà payé des intérêts indus. En conséquence, la banque créancière aura le pouvoir juridique de chasser l’occupant qui ne rembourse plus ses échéances (ou qui ne les rembourse pas assez vite), sans aucune sorte d’intervention étatique ou juridique. La totale absence de contrôle public sur la légitimité de l’action – l’occupant pourrait même avoir payé ses échéances et être chassé par erreur ou par malveillance – a pour conséquence directe d’apparenter l’ensemble du processus à une captation légale pure et simple de biens par les créanciers, au premier chef desquels se trouvent les banquiers. En conclusion, la propriété économique placera l’acquéreur d’un bien qui utilise un emprunt dans la situation suivante : il devra payer des intérêts indus pour un bien qui ne lui appartiendra qu’à l’échéance de tous les remboursements, et encore, dans des conditions – sans doute judiciaires – qu’il restera à déterminer. Le fait du prince banquier en guise de droit : convenez du progrès ! III) Le futur avènement de la propriété économique en droit positif Après avoir fait un bref aperçu des origines de la notion de propriété économique, nous détaillerons ici pourquoi cette notion risque, dans un avenir prochain, de devenir une partie intégrante du droit positif. Il n’est aujourd’hui plus possible de compter sur la réticence conceptuelle définitive et rédhibitoire du droit continental à l’égard du concept de propriété économique, pour deux raisons essentielles. La première raison, particulière à la France, provient de l’actualité : le droit interne de ces vingt à trente dernières années, toutes branches confondues, Février 2016 103 est riche en revirements aussi inattendus qu’impensables il y a encore quelques décennies. La transposition partielle en droit français du trust anglo-saxon (la fiducie) est un pas en avant dans l’acceptation du concept de propriété économique par le droit français 12. Nous pourrions également citer l’arrivée en France des stock-options, des LBO (« Leveraged Buy Out ») et bientôt de la protection du secret des affaires, comme action conjointe – comme toujours – des forces internes 13 et européennes 14. Cette évolution du droit français est portée par des personnalités actives et influentes, qui ont acquis des positions sociales dominantes leur permettant de faire passer l’idée que cette évolution s’impose, qu’elle est, somme toute, naturelle et que l’histoire de la propriété économique appartient à l’avenir. En raison de l’esprit de cour, version à peine édulcorée de l’esprit de collaboration – fortement présente depuis le début du XXe siècle chez les élites françaises 15 – le concept de propriété économique, poussé à pas de loup par un petit groupe d’activistes influents, savamment soutenus par les lobbies bancaires, sera à coup sûr développé et amplifié par la grande majorité des juristes universitaires – éblouis par tant d’audace créative – et des praticiens, subjugués tant par la faconde des activistes susmentionnés, que par leur propre ignorance du droit civil. Les promoteurs de la financiarisation de la vie en société utiliseront, comme toujours, la grande masse des collaborateurs universitaires, praticiens et politiques, pour concrétiser une adhésion massive au concept de propriété économique. Il n’est qu’à constater les projets de thèses en cours sur la propriété économique en 2013 16, les livres 17 et autres études 18 d’ores et déjà consacrés au sujet. Il semble que l’analyse économique de la propriété soit également depuis 2009 à l’ordre du jour du parti socialiste 19. On ne peut que faire le triste constat que le fait économique est, en France, en passe de prendre définitivement le pas sur le fait politique, opérant ainsi un reniement de toute la philosophie de notre construction juridique démocratique. Personne ne dira que cette prétendue évolution juridique cache en réalité une révolution juridique. La seconde raison est que, si la France tentait de résister (ce qui est fort peu probable pour les raisons exposées ci-dessus), l’Union européenne pourrait être là, au moment opportun, pour rappeler à l’ordre ultralibéral et financiariste, tout État qui traînerait les pieds à intégrer le principe de propriété économique. Février 2016 104 Dans le contexte du monopole – et du mépris ouvert du principe de séparation des pouvoirs – de la Commission européenne en matière d’initiative législative 20, aucun obstacle théorique n’empêcherait cette institution d’imposer un jour, soit par directive 21, soit par règlement directement applicable dans les États membres, une conception renouvelée de la propriété entièrement tournée vers le concept de propriété économique. Ceci pourrait très bien voir le jour sous le couvert de la compétence exclusive de l’UE concernant l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur 22. Pour étayer le fait que le droit interne est de plus en plus souvent issu du droit européen, citons l’avènement en droit français, par le biais d’un règlement communautaire, des normes IFRS 23, qui réalisent une harmonisation mondiale des règles comptables applicables aux sociétés. Rappelons que les normes IFRS sont édictées par un organisme privé 24 pour mieux répondre aux besoins mondiaux du grand capital libre et décomplexé. On a ici la clef de compréhension de ce qu’il faut entendre, lorsque Wikipedia explique qu’«on considère que la Commission dispose du droit d’initiative en vue de jouer pleinement son rôle de gardienne des traités et de l’intérêt général» ; il s’agit de l’intérêt général du grand capital, et non de l’intérêt général des particuliers ou des petites entreprises. S’agissant de l’introduction en droit français des normes IFRS, par règlement interposé, écoutons ce qu’en disent certains professeurs de droit fiscal : «Bien que leur origine privée ait suscité d’importantes réticences, spécialement en France, les normes IFRS se sont imposées par le biais du droit de l’Union européenne qui, par un règlement communautaire du 19 juillet 2002, les a rendues obligatoires pour l’élaboration des comptes consolidés des sociétés cotées sur un marché réglementé d’un État membre. En France, depuis le 1er janvier 2005, les normes IFRS s’appliquent obligatoirement aux comptes consolidés des sociétés cotées et, sur option, aux comptes consolidés des sociétés non cotées (Ord. N°2004-1382, 20 déc. 2004). Les comptes annuels restent soumis aux seules règles du droit français. Mais le législateur français a réformé en 2005 le droit comptable en s’inspirant des normes IFRS, avec toutefois des aménagements. La façon de penser et de s’exprimer s’en trouve affectée, un peu comme lorsqu’en cas d’invasion une langue étrangère s’impose sur un territoire nouvellement conquis. Les comptables et les fiscalistes sont désormais priés de s’exprimer dans la nouvelle langue IFRS, qui très souvent s’éloigne de l’ancien langage comptable.» 25. En conclusion, il ne fait guère de doute que lorsque le concept de propriété économique sera arrivé à maturité dans les cercles français autorisés, le droit européen viendra, si besoin est, en renfort des forces internes pour imposer en droit positif ce concept de propriété économique. C’est la façon, maintenant Février 2016 105 classique, dont s’articulent les forces politiques internes avec les forces européennes en matière économique. Ainsi par exemple, certaines préconisations du rapport Attali de 2008 ont été reprises par les « GOPE » 1995 pour devenir des recommandations du Conseil de juillet de la même année. Conclusion : la «propriété économique, pire ennemie des libertés et de la démocratie» La propriété économique est le pire ennemi de la propriété, et une des briques du chemin menant à la concentration ultime du capital et des pouvoirs. Le concept de propriété économique est aussi, en raison de la philosophie politique qui le porte, le pire ennemi de la démocratie. Laisser les principaux détenteurs de capitaux et leurs stipendiés acter l’accaparement des biens par le biais de l’avènement juridique de la propriété économique équivaudrait, pour les populations, à un suicide symbolique à la fois étatique et civilisationnel consenti 26. Concrètement, pour les populations civiles, le seul élément susceptible de faire la différence entre un futur esclavagiste et un futur libre est la prise de conscience, douloureuse mais indispensable, que l’impérialisme financier aujourd’hui aux commandes est animé, sous des apparences légalistes et réglementaires anodines, des intentions les plus sombres. Prise de conscience enfin, que ce nouvel impérialisme a déjà gagné la bataille des faits et que le réalisme aujourd’hui consiste, pour les peuples, à ne pas acter juridiquement ce phénomène, sous peine d’abdication de toute liberté et de retour consenti à l’esclavage. Fondamentalement, la conception anglo-saxonne du droit, dont la propriété économique est une émanation toxique, est une conception financiariste de la vie en société, laquelle ne peut et ne doit être organisée que par et pour le plus grand bien de quelques élus capitalistes. Cette conception est par ailleurs peu regardante quant à l’honnêteté de l’acquisition du capital en question : l’existence finale de ce dernier est considéré comme une preuve de l’élection de son détenteur au rang sociétal supérieur. Cette conception idéologique de la vie en société s’accorde parfaitement avec la spiritualité protestante. Le problème dans cette conception du monde, est que l’apparence prévaut en tout état de cause sur la réalité et que l’appropriation violente et/ou vicieuse prévaut sur l’honnêteté et la compétence. Objectivement, il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une déviation du cours normal des sociétés humaines. Février 2016 106 Il nous semble que ce combat de la civilisation contre l’hégémonie économique a commencé à être entrepris par les dirigeants russes, qui ont mis fin au règne de l’ultra-libéralisme, lequel avait succédé à des décennies de communisme. La question reste de savoir si, en Russie, le combat sera temporairement ou définitivement victorieux. Dans les pays occidentaux, la lutte reste entièrement à mener, et elle sera rude tant l’imaginaire collectif a perdu, contrevenu par des centaines d’années d’instrumentalisation oligarchique, le sens des réalités objectives. L’avenir libre dépendra de la seule prise de conscience collective objective – c’est-à-dire dépourvu de postulat idéologique – des peuples.
Valérie Bugault est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique.