Le Conseil fédéral et le Conseil national ont recommandé le rejet de l'initiative populaire "
Pour un revenu de base inconditionnel". Le Conseil des Etats doit se prononcer lors de la session parlementaire en cours.
Les initiants souhaitent l'instauration d'un revenu de base distribué sans conditions, indépendamment de l'emploi ou du statut social, et évoquent la somme mensuelle de 2500 francs par adulte. Le projet, sur lequel le peuple suisse se prononcera en 2016, est unanimement rejeté par les élus de droite et divise ceux de gauche (voir encadré).
L'idée "fait son chemin"
Les défenseurs européens du revenu de base inconditionnel veulent pourtant voir dans l'existence même d'une telle initiative le signe que l'idée "fait son chemin".
"En Suisse, l’idée germe lentement mais sûrement", écrit ainsi le site militant français
revenudebase.info.
Il estime notamment que le débat au Conseil national a permis de faire évoluer "sensiblement" le vote des parlementaires.
Et de citer Enno Schimdt, co-auteur de l’initiative et réalisateur du film "Le revenu de base, une impulsion culturelle". "Nous ne nous attendons pas à ce que la majorité des Suisses soit en faveur de l’instauration d’un revenu de base. Même si le non l’emporte, ce sera déjà une étape de franchie car cela aura eu un impact dans notre société."
800 euros par mois en Finlande
De fait, l'idée est portée ailleurs en Europe. La Finlande a annoncé la semaine dernière qu'elle projetait de tester une allocation mensuelle universelle en 2017. Des experts sont désormais chargés d'étudier les possibilités de mise en oeuvre. Ils devront remettre leurs conclusions courant 2016.
Le directeur de la recherche de la caisse Kela, Olli Kangas, a déclaré en octobre qu'"un revenu de base global remplacerait d'autres prestations et il faudrait donc qu'il soit plutôt consistant, aux environs de 800 euros (866 francs, ndlr) par mois". Il faut toutefois noter que cette somme ne permet de vivre que très modestement en Finlande.
Traditionnellement défendue par la gauche, l'idée figurait aussi dans le programme du centriste Juha Sipilä, vainqueur des législatives en avril. Elle est également soutenue par une bonne partie de la classe politique. Le gouvernement, favorable à l'austérité, y voit pour sa part la possibilité de parvenir à une protection sociale moins coûteuse pour l'Etat.
Des projets-pilote aux Pays-Bas
Aux Pays-Bas, quatre villes ont décidé d'expérimenter le revenu de base universel : Utrecht, Tilburg, Groningen et Wageningen. Au total, une trentaine de villes néerlandaises se sont penchées sur la faisabilité d'une telle initiative.
Utrecht, la 4e ville du pays, espère lancer son projet-pilote en janvier 2016. Le test sera limité à 300 bénéficiaires des minima sociaux. Les membres du groupe recevront chaque mois entre 900 euros (pour un adulte) et 1300 euros (pour une famille). Parmi eux, une cinquantaine toucheront un revenu sans aucune condition et indépendamment de l'évolution de leur situation, a expliqué un porte-parole de la municipalité au site
Quartz.
Bien qu'ils soutiennent le projet, les défenseurs du revenu universel tempèrent : "ces expérimentations ne correspondent pas exactement au revenu de base, mais vont dans cette direction", a expliqué l'économiste néerlandais Sjir Hoeijmakers au
Basic Income Earth Network.
Revenudebase.info rappelle pour sa part que ces projets sont actuellement considérés comme illégaux selon la législation néerlandaise, et ajoute que "comme en Finlande, l’accent est mis sur les économies liées à la gestion administrative de la protection sociale (...) [ce qui] peut impliquer des dérives importantes."
Le Parlement islandais planche sur la question
En octobre 2014, trois députés du Parti pirate islandais ont soumis une résolution parlementaire demandant au ministère des Affaires sociales de lancer un groupe de travail sur le sujet. Le
texte propose "d’identifier les moyens d’assurer à tous les citoyens du pays un soutien inconditionnel au revenu, avec pour but (...) d’éradiquer la pauvreté." Les conclusions du groupe de travail devaient être rendues publiques "à l’automne 2015" mais n'ont à ce jour pas été communiquées.
Dans le même ordre d'idée, la région d'Aquitaine a voté une motion unique en France: l'objectif est de
verser automatiquement le Revenu de solidarité active (RSA) - une prestation sociale destinée aux personnes sans ressources - à tous ceux qui y ont droit. Ainsi, tous ceux qui ont aujourd'hui droit au RSA, mais ne le demandent pas toujours, le recevraient sans effectuer aucune démarche.
Pauline Turuban